Titularisations annulées à Saint-Louis : la cour d'appel de Bordeaux décide la réintégration d'employés communaux

Juliana M'Doihoma, maire de Saint-Louis
La cour administrative d'appel de Bordeaux a rendu trois arrêts dans le dossier des titularisations massives à la mairie de Saint-Louis en 2019. Une décision en faveur de la réintégration des agents communaux, qui sonne comme un nouveau désaveu pour Juliana M'Doihoma.

"Les maires auraient donc le droit de titulariser massivement à la veille des élections municipales..." : c'est ainsi que la maire de Saint-Louis a réagi à la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux ce mardi 30 mai, dans l'affaire des titularisations d'agents communaux annulées.

En août 2020, Juliana M'Doihoma avait en effet détitularisé 139 employés communaux, sur les 565 que son prédécesseur à la mairie, Patrick Malet, avait décidé de titulariser quelques mois plus tôt.  

8 dossiers examinés au début du mois 

Alors que le tribunal administratif avait fini par donner raison à l'ancien maire, Juliane M'Doihoma avait décidé de ne pas en rester là, et avait fait appel auprès de la cour d'appel de Bordeaux. Cour d'appel de Bordeaux qui a examiné les dossiers de 8 agents au début du mois, et rendu ses décisions ce mardi 30 mai : 3 arrêts ont été rendus, en faveur de la réintégration des agents communaux détitularisés. Ces salariés doivent être réintégrés immédiatement, sous peine de 100 euros d'astreinte par jour, et doivent recevoir un dédommagement de 1 500 euros.

Des titularisations juste avant les élections 

L'édile saint-louisienne avait justifié sa décision de détitularisation, à l'époque, par des règles de procédure non respectées, un budget de la commune qui ne s'y prêtait pas, et surtout, par le fait que Patrick Malet, le maire à l'époque, avait selon elle opéré juste avant les élections municipales, avec trois vagues de titularisation de stagiaires en juin 2020. 

Mais le tribunal administratif d'appel de Bordeaux ne retient pas ce dernier argument. "Il ne résulte d’aucun principe ni d’aucune disposition législative ou règlementaire que la compétence du maire serait limitée à l’expédition des affaires courantes pendant la période correspondante à l’entre-deux-tours d’une élection municipale, d’autant que celle de 2020 a été prolongée jusqu’au 28 juin 2020 à la suite à la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19", a précisé la cour d'appel ce mardi 30 mai dans ses décisions. Autrement dit, rien n'empêchait Patrick Malet de titulariser des agents à ce moment-là, considère la justice. 

Une victoire pour les syndicats 

Même si cette décision de justice ne concerne que 3 dossiers, il s'agit d'une grande victoire pour les syndicats SAFPTR (Syndicat Autonome de la Fonction Publique Territoriale de La Réunion) et CDFT, car elle présage probablement de la décision qui sera rendue concernant les autres détitularisés. Car le tribunal administratif devrait s'aligner sur la décision de la cour d'appel de Bordeaux et permettre aux autres agents de retrouver leur poste.

"Le combat a été difficile puisqu’il s’est agi de contester tant la position de la commune de Saint Louis que celle, assez incompréhensible, de l’Etat Français dans cette affaire.À la suite de cette décision, nous souhaitons l’ouverture d’un vrai dialogue social constructif avec l’autorité territoriale, dans un souci d’apaisement et de résolution de ce contentieux le plus rapidement possible", réagissait le SAFPTR ce mardi. 

Un pourvoi en cassation possible 

Quant à la municipalité de Saint-Louis, elle se réserve le droit de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat après avoir "pris connaissance et analysé le jugement et les arguments avancés par les juges de Bordeaux", souligne Juliana M'Doihoma sur ses réseaux sociaux ce mardi. 

"De plus, il est à noter que cette décision en appel concerne le volet administratif de ce dossier. Le volet pénal est lui toujours en cours d‘instruction...", achève la maire de Saint-Louis après ce nouveau désaveu. "A ce stade, rien n'est écarté", précise Juliana M'Doihoma dans un communiqué ce mardi soir. 

"Cette affaire est éminemment juridique" 

Un communiqué dans lequel elle prend aussi le temps de réagir plus longuement au délibéré de la cour d'appel de Bordeaux.

"A aucun moment, il ne s’agissait de s’attaquer à des hommes et des femmes bénéficiaires d’actes améliorant leur situation individuelle, mais en revanche de se positionner sur des situations administratives d’agents communaux dans un contexte d’équilibre budgétaire à l’époque précaire et généré par des pratiques politiciennes contestables. Ainsi, cette affaire est au contraire éminemment juridique et peut faire jurisprudence pour la France entière. La problématique qui se pose est celle de la lecture du droit administratif, du champ des possibles ouvert à un maire en période électorale et des process RH et budgétaires à respecter ou non pour titulariser un agent."

Juliana M'Doihoma, maire de Saint-Louis

Le coût de ces titularisations "loin d'être neutre"

Pour l'heure, la municipalité dit "évaluer l’impact financier de ces décisions de la Cour de Bordeaux pour la Commune, son CCAS et sa Caisse des écoles". "Le coût est loin d’être neutre, tout comme les conséquences sur nos marges de manœuvre et nos projets", tient-elle à souligner. 

La décision de Juliana M'Doihoma avait provoqué à l'époque une levée de boucliers des syndicats, d'autant que la préfecture et le tribunal administratif étaient d'abord allés dans le sens de la mairie jugeant ce plan de titularisation invalide. 

115 salariés avaient alors sollicité le tribunal administratif. Celui-ci avait finalement annulé l’arrêté de retrait de titularisation de ces agents en octobre 2021. La mairie avait fait appel, d'où les délibérations de ce jour.