Humiliations, intimidations : salariés et ex-salariés dénoncent des méthodes de management à l’ANPAA de La Réunion

Photo d'illustration.

Des salariés et ex-salariés dénoncent des méthodes de management délétères à l’ANPAA de La Réunion, rebaptisée l'association Addiction France OI. Ces professionnels, qui luttent contre les pratiques addictives dans l’île (alcool, tabac, drogues), dénoncent une situation intenable.

Des sentiments d’humiliation, des mails d’intimidation, un management délétère, le non-respect du droit du travail ou encore l’absence de projets. Depuis plusieurs années, les témoignages de salariés et d’anciens salariés de l’ANPAA à La Réunion, affluent pour dénoncer une situation intenable au sein des quatre centres de l’île.

"La pression de la direction"

L’ANPAA est la plus ancienne association de France. Ses professionnels interviennent sur les conduites addictives comme l'alcool, le tabac, le cannabis ou encore les pratiques de jeu excessives. Depuis le 1er janvier, l'ANPAA 974 est rebaptisée l'association Addiction France OI, un changement de nom, mais pas de pratiques, assurent les salariés à visage couvert.

"Ce n’est pas le public que nous accueillons qui est le plus difficile, ce sont nos conditions à nous, la pression que l’on subit de la part de notre directrice", raconte un salarié qui tient à rester anonyme de "peur des représailles".

"Notre cœur de métier, on le mange et on le refoule, c’est très compliqué au quotidien, explique un autre salarié de l’ANPAA à La Réunion. J’ai encore l’envie d’aller travailler pour les personnes qui m’animent, le public. Individuellement, on se donne les moyens d’avoir projets et objectifs à atteindre, mais on le fait pour nous, pas pour une association à caractère pourtant national".

Regardez le reportage de Réunion La 1ère :

ANPAA : des salariés en détresse

 

26 démissions et 7 licenciements

Ces sept dernières années, sur 61 postes au sein de l’ANPAA à La Réunion, 26 salariés ont démissionné, sept ont été licenciées, trois contrats n’ont pas été renouvelés, et une personne a été mise à la retraite anticipée. L’une des personnes licenciée l’a été alors qu’elle était en en arrêt maladie pour dépression.

"Des salariés en souffrance", selon un rapport

En 2017, un rapport réalisé par un cabinet d'expertise assure que des salariés sont en grande souffrance. Il est même écrit que les usagers sont les "grands oubliés de l'ANPAA".  

En 2002, le docteur David Mété, président de la FRAR, la Fédération Régionale d'Addictologie de La Réunion, participe à l'ouverture du centre de soins de l’ANPAA à Saint-Paul. Après avoir lu ce rapport d’expertise en 2017, le médecin alerte les autorités sanitaires sur la situation sociale au sein de la structure. En tant que président de la FRAR, il demande une mise sous tutelle de l'ANPAA. Mais en rentrant de vacances, il apprend qu'il est démis de ses fonctions.

"Un management d’une dureté hallucinante"

"A l’origine, l’ANPAA est une veille structure qui date du 19e siècle, une très vieille dame qui semble conserver des principes d’un autre temps", remarque le docteur David Mété.

Nous avons une structure sourde à toutes les critiques, qui n’a pas les capacités de se remettre en question et qui a un management d’une dureté complètement hallucinante qui semble venir d’un autre siècle.

Docteur David Mété

 

"Dénoncer pour que le travail sur les addictions puisse se faire"

Ancien salarié de l'ANPAA, Arnaud ose témoigner à visage découvert. Le jeune homme a démissionné de la structure associative en fin d’année dernière. Il y a passé 18 mois en tant que responsable régional de prévention. "J’ai quitté cette association, mon successeur a quitté l’association au bout de 15 jours pour les mêmes raisons que moi, explique Arnaud. Aujourd’hui, il est important de dénoncer ce qu’il se passe au sein de cette association. Le but est de permettre que le travail se fasse sur la prévention des addictions à La Réunion".

L’ARS alertée par une députée

L’Agence Régionale de Santé est l’autorité de tutelle et financeur principal de l'ANPAA 974. En 2017, la députée Huguette Bello avait alerté l’ARS sur la situation de l’ANPAA. Elle dénonçait des "méthodes de management qui occasionnent un risque grave de risques psycho-sociaux".

A l’époque la direction de l’association avait réagi en annonçant la mise en place d’un "plan d'action qualité de vie au travail". Depuis, des salariés assurent que rien n’a évolué.

Pour le moment, ni la direction de l’ANPAA, ni l'ARS n'ont répondu à nos sollicitations.