Au Tremblet à Saint-Philippe, Guylhem et Marlène Boyer restent perplexes devant ce qui, il y a encore quelques jours, était leur parcelle agricole. A la place des palmistes, se trouve aujourd'hui une ravine, qui fait déferler des torrents d'eau de bout en bout du terrain. Au milieu de la crue persiste un îlot de végétation, esseulé parmi les flots générés lors des fortes pluies des derniers jours.
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Lorsqu'il y a 25 ans le couple a décidé d'acquérir ce terrain de 5,8 hectares dans les hauts du Tremblet pour y cultiver de la vanille, du vacoa, ou encore du palmiste, ils étaient loin d'imaginer cette scène.
"Quand j'ai acheté le terrain, d'un côté il y avait de la forêt, pas mal de terre, et l'autre côté une coulée volcanique. Avant que j'achète, le volcan avait déjà envahi le terrain, mais maintenant c'est l'eau"
Guylhem Boyer, agriculteur au Tremblet
Un sillon d'eau qui a emporté la couche de terre fertile
En 2020, le cyclone Batsirai avait aussi raviné la plantation. Mais jamais, disent-ils, ils n'avaient vu une ravine aussi large se former au beau milieu de leur terrain et engloutir leurs cultures. La crue a creusé un sillon d'eau large de plusieurs mètres, du haut de son terrain jusqu'à la route nationale. Toute une partie de la plantation, couche de terre fertile sur la couche de basalte d'une ancienne coulée volcanique, a été emportée. "C'est du travail de plus de 20 ans qui tombe à l'eau", s'attriste Marlène Boyer, agricultrice au Tremblet.
"J'ai découvert la parcelle comme ça deux jours après le cyclone"
Guylhem Boyer, agriculteur au Tremblet
La lit de la ravine Citron Galet obstrué
Ce ravinement, cette crue sur une longueur de 600 mètres, est le fruit des pluies intenses sur la région ces deux dernières semaines : cyclone Belal, tempête Candice, et enfin l'épisode de ces derniers jours se sont enchaînés. Résultat, le lit de la ravine Citron Galet est obstrué, et les torrents d'eau se fraient des chemins ailleurs.
"Environ 3 hectares" emportés
Le phénomène a grignoté un large bout de la parcelle. Selon Marlène Boyer, le ravinement a entraîné "environ 3 hectares" des 5,8 hectares de palmistes.
Pour l'agricultrice, impossible d'estimer les dégâts tant que le beau temps n'est pas revenu. Lorsque l'eau aura cessé de couler, le couple Boyer fera appel à un technicien agricole pour évaluer les pertes, "sachant que ce n'est pas seulement une perte de culture mais aussi de foncier" souligne Marlène Boyer.
"Le ravinement a complètement dévasté la plantation. Plusieurs autres petits cours d'eau se sont formés sur l'autre côté de la parcelle"
Marlène Boyer, agricultrice au Tremblet
Un avenir compromis pour la plantation
Bien sûr, ces dernières décennies, la famille Boyer a essuyé dégâts des aléas de la nature, notamment les pluies acides de la coulée volcanique en 2007 qui avaient brûlé leur vanille. Depuis, le couple d'agriculteurs avait opté pour la culture du palmiste rouge pour éviter à nouveau des pertes.
Cette fois-ci, son mari Guylhem est peu optimiste pour l'avenir. "Je sens qu'à la longue ce terrain va revenir au naturel et que je vais abandonner et essayer de trouver un terrain ailleurs", commente l'agriculteur du Tremblet dépité, qui espère qu'une solution sera peut-être trouvée "pour dévier l'eau en amont".
En attendant, il continuera à cultiver les arbres que les torrents ont épargné. "Ca prend 5 ans pour pousser et arriver à ce résultat là, c'est beaucoup de travail en amont", souffle-t-il.
La RN2 aussi menacée
Le débordement de la ravine Citron Galet menace aussi la RN2 à Saint-Philippe. Sur le secteur, depuis le début des épisodes de fortes pluies, environ 1 200mm de précipitations se sont accumulés selon Cédric Arianatchy, responsable des services techniques de la ville de Saint-Philippe. Ainsi, l'eau qui déborde du lit traverse la chaussée et menace les habitations alentours.
Déblayer le lit de la ravine
"Le lit de la ravine est complètement obstrué : les 6 mètres de profondeur ont été remplis par les déblais de roches, de terre. Les services compétents sont à pied d'oeuvre pour déblayer, mais tant qu'on n'a pas de décrue c'est compliqué", précise-t-il.
Des coupures totales et des modes de circulation alternée ont été mis en place en fonction de la montée du niveau de l’eau.