Alors que la RD 48 route de Salazie vient de rouvrir ce mercredi 8 février 2023 après deux semaines de fermeture, le cirque n'en est pas pour autant tiré d'affaires en matière de risques climatiques. Depuis plusieurs années, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) mène avec l'Université de La Réunion le projet RénovRisk Erosion, qui vise à mieux connaître les mouvements de terrain dans le secteur. Mais c'est depuis 20 ans que le principal glissement de terrain de Salazie est surveillé par le BRGM.
Saviez-vous que le cirque était l'un des plus surveillés, et qu'il abritait l'un des plus grands glissements de terrain jamais enregistrés au monde ? Au total, Salazie héberge cinq glissements de terrain importants, dont deux sont d'ampleur reconnue mondialement.
Des glissements de terrain de plusieurs millions de m3
"Ce sont des glissements de terrain de plusieurs millions de m3, 350 millions de m3 : le premier est situé sur le secteur de Grand Ilet, et le second à la Mare à Poule d'eau, mais pas à l'îlet Mare à Poule d'eau, sur le secteur en aval d'Hell Bourg", précise Bertrand Aunay, chef de projet en hydrogéologie et en risques naturels au Bureau de Recherches Géologiques minières.
Une perte de 6 à 8 cm par an
Ses effets sont constatés au quotidien par les habitants du secteur, dont les maisons présentent d'énormes fissures. "Les routes et les habitations vont être fissurées, par contre, il n'y a pas forcément de risque humain derrière : il ne va pas y avoir d'effondrement d'un coup, ça bouge en continu", rassure Bertrand Aunay. En outre, RenovRisk Erosion a permis d'évaluer le volume total des produits érodés : "On arrive à des taux d'érosion de 6 à 8 cm par an. Il faut s'imaginer qu'en gros, on perd sur tout le cirque, 6 à 8 cm de terrain par an".
Le phénomène accentué par les pluies intenses
Le phénomène des glissements de terrain n'est en revanche pas nouveau : selon le BRGM, c'est depuis le cyclone Hyacinthe, il y a 39 ans, ces phénomènes se sont accentués. "Plus de 1 500 glissements de terrain s'étaient produits pendant le cyclone Hyacinthe", indique Bertrand Aunay. Ces phénomènes sont dus à l'érosion des ravines mais aussi à l'importante pluviométrie enregistrée à Salazie. "Il tombe en moyenne 3 mètres de pluie par an à Salazie, contre 1 mètre d'eau en moyenne à Cilaos et à Mafate. S'il y avait autant d'eau dans ces deux cirques, on aurait probablement des glissements de terrain actifs", souligne le chef de projet en hydrogéologie au BRGM.
Car l'eau joue un rôle moteur dans les phénomènes de glissement de terrain : lors des épisodes de fortes pluies notamment, elle va s'installer dans le sous-sol, et accélérer le mouvement. C'est pourquoi les connaissances acquises ces dernières années vont permettre d'anticiper les risques. "L'idée était de connaître le volume, la géométrie, l'emprise des glissements, comment ils fonctionnent et quel est le niveau de risques", affirme Bertrand Aunay.
Deux glissements superposés
La campagne RenovRisk Erosion, en modélisant le terrain et ce qui se passait en-dessous, a entre autres confirmé la présence de deux glissements superposés dans la partie aval du cirque, avec de l'eau circulant entre les deux.
Pour parvenir à toutes ces conclusions, il a fallu passer par plusieurs phases d'études, réalisées au moyen de différents outils : de la géophysique héliportée, soit un scan en 3D du terrain, puis une pose de capteurs sismiques, ou encore des explosions dont les ondes ont permis la cartographie des endroits où se trouve de l'eau souterraine.
Trouver des solutions pour éviter l'avancée du glissement de terrain
Et après ? Le chef de projet au BRGM poursuit : "L'idée est d'aller jusqu'à des solutions concrètes, comme drainer les eaux souterraines sur le glissement de terrain afin d'éviter qu'il continue d'avancer. Mais on n'en est pas là aujourd'hui. Avant d'aller vers ces solutions, il faut bien comprendre le fonctionnement, pour ne pas agir sur un endroit qui ne serait pas efficace". Si on est donc encore loin de la faisabilité des travaux, des études pourront désormais être menées pour trouver des solutions qui limiteraient l'affaissement du cirque. Enfin, utilité importante, les résultats de RenovRisk Erosion permettront aussi de simuler les effets du changement climatique sur les trois grands glissements de terrain cartographiés.