Il est 13h à Grand Ilet ce lundi, et le docteur Anne Laravine ne recevra les premiers patients qu'à 14h. Pourtant, devant le cabinet médical du village, c'est déjà l'affluence : une dizaine de patients fait déjà la queue, et certains sont même arrivés depuis 11h du matin pour être sûrs d'avoir leur tour dès l'arrivée du médecin.
Le reportage de Réunion La 1ère :
Une permanence assurée par deux médecins de Salazie
"Lé obligé de venir et atten' lontan"
Toujours est-il que ça se bouscule, lors de ces permanences tenues par le Dr Laravine et le Dr Fouassin pendant des demi-journées, et pas tous les jours de la semaine, depuis la mi-janvier. "Lé obligé de venir et atten' lontan. Parfois na déjà 20 personnes kan lé rouvert, puis 30, 35 personnes... Lé difficile", souffle Françoise, prenant son mal en patience.
"À peine un patient sorti, un deuxième entre"
Du coup quand le Dr Anne Laravine, elle sait que son après-midi sera plus que dense. Les consultations, elle les enchaînera jusqu'à parfois près de 20h. Car si elle ne prend plus de nouveaux dossiers à partir de 18h, il lui faut quand même recevoir les patients arrivés avant cette heure. "On ne s'arrête pas trop, à peine un patient sorti, un deuxième entre", glisse-t-elle entre deux consultations.
Aucune obligation pour les médecins de travailler à Grand Ilet
Pourtant, rien ne l'oblige elle, ni un autre médecin, à observer cette permanence dans ce village reculé de Salazie. "Celui qui veut faire l'effort de travailler et de venir le fait, c'est au choix du médecin. Quand ou aime out métier et quand ou aime les gens lé difficile de pas venir de temps en temps quand même, quand ou habite à une demi-heure", estime pour sa part le Dr Anne Laravine, pour qui l'exercice a quand même ses limites, à jongler entre le cabinet de Salazie Village et celui de Grand Ilet. "On a déjà pas mal de travail à l'autre cabinet, on ne peut pas faire plus au niveau des horaires", observe-t-elle.
D'autant que dans ce village de Grand Ilet, on compte beaucoup de personnes âgées. "Donc il y a très souvent des visites à domicile, parce que pour soigner les gens il faut quand même les voir", précise Anne Laravine.
"Est-ce qu'un jeune voudra venir ?"
Mais il n'est pas chose aisée de trouver un médecin souhaitant s'installer à Grand Ilet. "Est-ce qu'un jeune voudra venir ? Il faut habiter Grand Ilet ou pas trop loin", s'interroge le Dr Anne Laravine, qui ne remarque pas d'intérêt particulier des jeunes docteurs pour ce secteur.
Ses patients, qui doivent déjà se contenter d'un médecin uniquement à temps partiel, risquent de faire face à situation encore davantage compliquée. Car lorsqu'un des deux docteurs se relayant pour ces permanences part en vacances, on ne lui trouve pas non plus de remplaçant.
Pas de pharmacie ni d'ambulancier non plus
"Lé dur pou nou, lé tré dur !", se plaint une patiente, dépitée devant non seulement l'absence d'un médecin à plein temps, mais aussi l'absence de pharmacie ou d'ambulancier sur Grand Ilet. "Nous meur' dan nout kaz c'est tout", achève-t-elle en plein désarroi.
Alors comment faire pour parer à cette situation de désertification médicale, commune à bien des régions en France ? La problématique fait actuellement l'objet de débats cette semaine à l'Assemblée nationale. Les députés dès ce lundi, examineront la possibilité de réglementer l'installation des médecins. Un amendement prévoit de conditionner l'installation des médecins au manque de professionnels de santé d'un territoire. Mais le sujet divise chez les professionnels.