Six ans après avoir été en première ligne face aux terroristes du Bataclan, David, policier Réunionnais, panse ses plaies. "J’essaie de vivre avec tout ça, j’essaie d’oublier, confie-t-il. Le retour à La Réunion m’a apaisé". En 2017, David a obtenu sa mutation tant attendue.
Il travaille désormais de nuit à la BAC de Saint-Denis, à La Réunion. Le procès des attentats du Bataclan s’ouvre ce mercredi 8 septembre, à Paris. "Je vais le suivre, mais rouvrir la plaie pour les victimes et les familles sera douloureux", ajoute-t-il.
"Une scène de guerre"
Le soir du 13 novembre 2015, en poste à la BAC à Paris, David est l’un des premiers policiers à intervenir dans la salle de spectacle du Bataclan. Aujourd’hui, il en parle peu, "sauf quand un collègue me demande ce que j’ai vécu". "En tant que policier, on est confronté à la mort, mais jamais avec autant de blessés, ajoute-t-il. C’était une scène de guerre". Après leur intervention sur ces attentats, certains de ses collègues ont quitté l’unité. "La suite a été difficile pour tout le monde", remarque David.
Regardez son témoignage ci-dessous :
"Un sentiment d’impuissance"
Au lendemain des attaques terroristes qui secouaient la capitale, le policier réunionnais avait accepté de témoigner sur La 1ère. Six ans plus tard, il se souvient avec les mêmes détails de cette nuit d’horreur. Ce soir du 13 novembre, il vient de prendre son poste quand il apprend que des tirs ont retenti au stade de France, puis sur des terrasses parisiennes et enfin dans la salle de spectacle du Bataclan. Il se trouve à deux pas de là.
Avec ses trois collègues de la BAC, ils garent leur véhicule et partent à pieds vers le lieu des massacres. En arrivant par une petite rue derrière le Bataclan, David est sollicité par de nombreux blessés. Il met une femme en sécurité dans un hall d’immeuble, "on demande des secours par la radio mais c’est quasi impossible, il y a trop de blessés en même temps sur des lieux différents". Il pose un garrot sur un homme blessé, "en sachant que les pompiers n’arriveraient pas à temps". "Le sentiment d’impuissance est terrible", ajoute-t-il. Les balles pleuvent.
Face à face avec l’un des terroristes
"On a notre arme de poing habituelle et un gilet pare-balle, raconte David. En face, on a compris que c’était de la kalachnikov, arme redoutable avec une longue portée". Dans sa progression David se retrouve face à l’un des terroristes. "Dégagez, on va vous buter", lance l’assaillant. "Les tirs, le nombre de blessés au sol, on a peur, raconte le policier. Je me dis qu’on va prendre une balle, on se prépare à ça, on avait peu de chance de s’en sortir".
A l’entrée du Bataclan, les forces spéciales vont intervenir. David et ses coéquipiers font le tour et entreront ensuite par l'entrée principale. "On était loin d’imaginer ce qui nous attendait, se souvient-il. Les portiers avaient été exécutés, la jeune fille du vestiaire aussi".
"L’odeur du sang et celle de la poudre"
Dans la fosse de la salle de spectacle, les corps sont partout. "Il y avait énormément de sang, raconte David. Une forte odeur mélangée à celle de la poudre. Un silence, des gémissements et les téléphones portables des victimes qui sonnaient. Au sol, des blessés nous font signe pour venir les sauver".
"Créer un passage parmi les corps pour évacuer les blessés"
David sortira un court instant pour reprendre son souffle, retrouver de l’air, avant de retourner à l’intérieur pour évacuer les blessés. Les plaies sont graves, les corps sont mutilés. "Pour évacuer les blessés, on leur fermait les yeux, et on créait un passage parmi les corps", poursuit David.
Le policier réunionnais restera au Bataclan jusqu’au petit matin. Après avoir vu une psychologue, il a fait le choix d’enfiler à nouveau son uniforme pour reprendre son service le lendemain. Un service qu’il continue d’assurer au quotidien, six ans plus tard, mais désormais sur son île, à La Réunion.