Taxer la publicité sur les alcools à La Réunion pour diminuer les incitations et financer la prévention, telle est la proposition d'amendement formulée par la sénatrice Audrey Bélim et adoptée par le Sénat le 21 novembre dernier.
1 % des dépenses publicitaires
Cette fiscalisation, uniquement applicable à La Réunion, concernerait précisément 1 % des dépenses publicitaires des producteurs et importateurs d'alcool réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 2 millions d'euros, et serait reversée à un fonds dédié à la prévention de l'alcoolisme.
Un amendement arraché de haute lutte par la parlementaire réunionnaise, qui a insisté devant les sénateurs sur les dommages causés par l'alcoolisation excessive à La Réunion.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
"10 % des usagers consomment 69 % de l'alcool"
"Si les Réunionnais boivent en moyenne moins d'alcool que dans le reste de la France, 10 % des usagers consomment 69% du volume d'alcool" a rappelé la sénatrice, estimant que "les entreprises qui incitent à la consommation d'alcool à La Réunion doivent participer financièrement à la prévention des risques et des dommages liés à cette substance."
L'amendement doit encore passer par l'Assemblée nationale dans le cadre des discussions sur le budget à partir du 12 décembre prochain. Mais l'initiative est tout de même saluée par le Dr David Mété, chef du service addictologie au CHU de La Réunion, qui dénonce depuis de nombreuses années une inégalité de santé publique à La Réunion.
"Un nombre de problématiques sociales majeures"
"L'alcool à La Réunion c'est près de 400 à 450 décès par an. C'est aussi un nombre de problématiques sociales majeures : d'accidentologie routière, de violences qui se font sur fond d'alcoolisation", note le Dr Mété.
"Lorsqu'on sait qu'à La Réunion on peut vendre de l'alcool en grande partie détaxé, que nous avons la dose d'alcool la moins chère des départements français, et ce alors que tous les biens de consommation courante outre-mer sont payés 10 à 30 % plus cher, c'est un triste privilège", déplore le médecin.
Les publicitaires dubitatifs
Après la loi Evin et la charte alcool 2024 qui encadre la publicité pendant les fêtes sur notre île, l'idée de cette nouvelle taxe ne ravit pas en revanche les publicitaires.
"Il faudrait être sûr de savoir à quoi servira cette taxation", objecte Fabrice Boutin, directeur de l'agence Facto Réunion. "Les contraintes qu'on avait jusqu'à présent en matière de publicité sur l'alcool étaient sur la protection du consommateur. En quoi une taxe protège le consommateur ? Je ne sais pas. Il n'y a pas de message pédagogique derrière", ajoute-t-il.
"Une main tendue pour notre territoire"
"L'esprit de cet amendement, c'est d'inciter à moins promotionner, faire moins de publicité", justifie Audrey Bélim. "Cela concerne uniquement la Réunion, car nous avons ce phénomène de consommation excessive. C'est un maillon de la prévention qui permettra de responsabiliser ceux qui produisent et qui importent" conclut la sénatrice, espérant que son amendement passe le stade de l'Assemblée. "Ce serait un beau symbole, une main tendue pour notre territoire touché par ce fléau."
Regardez l'intervention de la sénatrice Audrey Bélim sur le plateau du JT de Réunion La 1ère :