La dépression est un trouble mental caractérisé par la tristesse, la perte d'intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de fiable estime de soi, des troubles du sommeil ou de l'appétit, une sensation de fatigue ou de manque de concentration. Elle peut être de longue durée ou récurrente, et porte
essentiellement atteinte à la capacité des personnes à travailler, à étudier, ou à gérer les situations de la vie quotidienne.
Selon l'enquête Santé 2019, avant le début de la pandémie de Covid-19, 11% des habitants de La Réunion de 15 ans ou plus présentent un syndrome ou état dépressif. 7 % un syndrome modéré et 4 % un syndrome sévère, tout comme dans l'Hexagone.
Davantage de syndromes dépressifs à la suite de la crise sanitaire
À La Réunion, comme au niveau national, la prévalence des syndromes dépressifs augmente en 2020 de façon significative, dans le contexte de la crise sanitaire et du confinement. En effet, certaines conséquences de la pandémie de Covid-19 s’accompagnent d’une détérioration de la santé mentale des personnes. Ainsi, le fait d’avoir vu sa situation financière se dégrader en raison de la crise sanitaire, d’être confiné en appartement, seul, ou en dehors de son logement habituel, ou encore le fait d’avoir présenté des symptômes de la Covid-19 font partie des facteurs significativement liés au fait d’être en dépression.
Moins d’états dépressifs à La Réunion que dans les autres Outre-mer
Dans les autres départements et régions d’outre-mer (Drom), l’état dépressif est nettement plus répandu. En particulier, les syndromes dépressifs sont deux fois plus fréquents à Mayotte.
Les Réunionnais sont ainsi moins affectés que les autres domiens par les neuf symptômes de la dépression (graphique ci-dessous). Seuls les Guadeloupéens présentent une prévalence plus faible pour l’envie de se faire du mal, ou équivalente pour d’autres symptômes comme les troubles de l’appétit. La fatigue et le manque d’énergie sont les symptômes les plus fréquents, évoqués par 17 % de la population réunionnaise. De plus, 10 % estiment s’être sentis « tristes, déprimés ou désespérés » dans les deux semaines précédant l’enquête. De même, 10 % des Réunionnais déclarent avoir eu « peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses » sur cette même période.
L'état de santé : premier facteur lié à la dépression
L’état de santé général des personnes est le facteur le plus fortement associé à leur santé mentale. Ainsi, 37 % des Réunionnais se déclarant en mauvaise santé présentent un syndrome dépressif, contre 9 % de ceux se déclarant en bonne santé. En particulier, le fait d’être limité dans ses activités quotidiennes par des douleurs physiques ou un handicap est souvent associé à un état de santé mentale dégradé : 30 % des Réunionnais porteurs de handicap ou souffrant de douleurs invalidantes présentent les symptômes de la dépression.
Autres facteurs significatifs : l'entourage, le niveau de vie, la solitude
L’intérêt que les personnes perçoivent de leur entourage est par ailleurs significativement lié au fait de présenter un syndrome dépressif. Dès lors, le risque pour une personne d’être affectée par un trouble dépressif est d’autant moins élevé qu’elle perçoit de l’intérêt de son entourage.
La vie en couple a également un lien significatif avec la santé mentale. Ainsi, 8 % des Réunionnais vivant en couple sont concernés par un syndrome dépressif modéré ou sévère, contre 14 % de ceux ne vivant pas avec un partenaire. Vivre seul accroît en effet les risques d’anxiété et de troubles de l’humeur. Les personnes ne vivant pas en couple évoquent notamment plus souvent des troubles du sommeil et une tristesse importante.
La corpulence, mesurée par l’indice de masse corporelle (IMC), est une autre mentale des individus. Les personnes en situation de maigreur ou au contraire d’obésité souffrent d’une santé mentale plus dégradée : 20 % des Réunionnais en état de maigreur et 15 % de ceux en situation d’obésité sont concernés par un syndrome dépressif, contre 8 % de ceux de corpulence dite normale. Le trouble de l’appétit est en effet un symptôme de la dépression. La qualité de l’alimentation est par ailleurs reliée à une diminution du risque de dépression.
Le niveau de vie des personnes est également lié à la santé mentale : les personnes pauvres, faisant partie des 40 % de Réunionnais aux revenus les plus faibles, sont deux fois plus concernés par les syndromes dépressifs (15 %) que les plus aisés. Le symptôme le plus courant chez les plus pauvres est le trouble du sommeil, en lien avec des conditions de vie et de logement plus défavorables : 18 % des personnes pauvres en ont souffert au moins la moitié des jours dans les deux semaines précédant l’enquête, contre 12 % des plus aisés. Vient également la fatigue et le manque d’énergie (18 %). Ces symptômes sont d’ailleurs les plus fréquents chez les plus aisés (16 %), qui exercent plus fréquemment un emploi.
Les femmes et les personnes âgées davantage concernées par la dépression
En 2019, 10 % des Réunionnais et 12 % des Réunionnaises présentent un syndrome de la dépression. La prévalence de ces troubles est plus importante chez les femmes que chez les hommes à chaque âge, sauf entre 35 et 49 ans. En particulier, les jeunes femmes et les femmes plus âgées sont bien plus concernées que les hommes aux mêmes âges.
Les personnes de 25 à 34 ans sont moins touchées par la dépression (3 % des hommes et 5 % des femmes). La prévalence augmente au contraire fortement chez les plus âgés : 16 % des hommes et 18 % des femmes de 75 ans ou plus sont concernés. Les femmes et les personnes âgées sont plus touchées par la dépression car elles présentent plus souvent des caractéristiques la favorisant. Les personnes âgées sont ainsi plus fortement limitées par des douleurs physiques : 33 % des 75 ans ou plus sont concernés. Elles vivent également plus fréquemment seules : c’est le cas de 36 % des Réunionnais de 75 ans ou plus, contre 28 % des 65-74 ans et moins de 10 % des moins de 50 ans. Les femmes sont quant à elles par exemple plus souvent en état de maigreur (7 %) ou d’obésité (20 %) que les hommes (respectivement 5 % et 12 %).
Les personnes dépressives moins satisfaites de leur vie
L’état dépressif dégrade le degré de satisfaction dans la vie. Les personnes sans syndrome dépressif attribuent en moyenne une note de 7 sur 10 à leur propre vie. Cette note tombe à 6 sur 10 pour les personnes souffrant d’un syndrome dépressif. L’inactivité physique est par ailleurs bien plus forte chez les personnes souffrant d’un syndrome sévère : 22 % d’entre elles ne déclarent aucune activité physique, qu’elle soit professionnelle ou de loisirs. Cette part baisse à 16 % chez les personnes atteintes d’un syndrome modéré, et à 13 % chez celles non dépressives. Le manque d’intérêt à faire les choses et le manque d’énergie peuvent en effet être causes et conséquences du manque de pratiques physiques ou sportives. L’activité physique est associée à une diminution importante des états dépressifs et de l’anxiété.
Ce trouble de la santé mentale s’accompagne de comportements addictifs plus fréquents : les personnes souffrant d’un syndrome dépressif sont plus nombreuses à consommer quotidiennement de l’alcool ou du tabac. Le tabagisme est presque aussi répandu à La Réunion (16 % des habitants fument quotidiennement) qu’en métropole (19 %),et bien plus que dans les autres DOM (11 %). Les conduites addictives sont plus fréquentes chez les personnes exposées à un syndrome dépressif. Ainsi, 21 % des personnes en état dépressif modéré ou sévère fument quotidiennement, contre 15 % de celles ne présentant aucun syndrome. De même, les personnes dépressives sont plus fréquemment des consommatrices quotidiennes d’alcool.
Par ailleurs, 11% des Réunionnais avec un syndrome dépressif ont fumé du zamal dans les 12 mois précédant l'enquête, contre 8 % des personnes sans syndrome. Ce constat est similaire pour la consommation de cocaïne : 6 % des personnes souffrant d’un syndrome sévère en ont déjà consommé au cours de leur vie, contre 2 % des personnes sans syndrome. Les Réunionnais présentant les symptômes les plus sévères cumulent également plus fréquemment les addictions : ils sont cinq fois plus nombreux que les autres à déclarer consommer quotidiennement du tabac et de l’alcool.
Un plus fort recours aux soins pour les personnes dépressives
Le recours aux professionnels de santé est plus important pour les habitants de l’île présentant un syndrome dépressif. Dans l'année précédant l'enquête, ces derniers ont en moyenne eu recours à 60 % de consultations de plus chez un médecin généraliste ou spécialiste que les Réunionnais ne déclarant aucun syndrome dépressif. Par ailleurs, une personne sur cinq présentant un syndrome sévère a consulté un professionnel de la santé mentaleau cours de cette même période. C’est quatre fois plus que pour les personnes sans syndrome. Mais si les Réunionnais souffrant d’un syndrome dépressif sévère consultent plus que les autres, ils sont aussi plus nombreux à renoncer à des soins, signe qu’ils auraient besoin de plus de consultations encore. Le manque d’énergie est fréquemment associé au fait de renoncer à des soins : 20 % des personnes renonçant à des soins déclarent ce symptôme, contre 16 % de celles n’y renonçant pas.
Au niveau des raisons évoquées, 21 % des Réunionnais souffrant d’un syndrome dépressif sévère indiquent avoir renoncé à se soigner pour une question de transports, contre 5 % des personnes sans syndrome ou avec un syndrome modéré. Ceci pourrait notamment être dû au fait que les états dépressifs sont liés au niveau de vie : 46 % des Réunionnais souffrant d’un syndrome dépressif sévère sont pauvres, contre 38 % de ceux sans syndrome. Ils sont donc potentiellement plus fréquemment sans moyen de transport personnel, ce qui limite les déplacements, notamment pour ceux vivant dans les Hauts de l’île.
Les personnes dépressives renoncent également plus fréquemment à des soins pour des questions financières, ce qui est notamment fréquent pour les soins dentaires. Ainsi, 15 % des Réunionnais en état dépressif modéré ou sévère ayant eu besoin de ce type de soins y ont renoncé dans l’année précédant l’enquête, contre 10 % des personnes sans syndrome. De même, 9 % des personnes en état dépressif ont renoncé à des consultations ou à des soins médicaux (médecins généralistes ou spécialistes, chirurgiens, etc.) par manque de moyens, contre 4 % des personnes sans syndrome.