Victime d'un accident grave il y a 32 ans, Corinne Sapinet tente d'éveiller les consciences chez les délinquants routiers

Corinne Sapinet tente d'éveiller les consciences chez les délinquants routiers
En visite à La Réunion pour la deuxième année consécutive, Corinne Sapinet, victime d'un accident de la route qui l'a profondément meurtrie, a multiplié les interventions de sensibilisation auprès de divers publics. Vendredi, elle témoignait devant des délinquants routiers suivis par le SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) de Saint-Denis.

Collégiens, lycéens, délinquants routiers... Tous ont pu entendre sa parole et prendre conscience de la dangerosité de la route, ces derniers jours. Corinne Sapinet, en visite sur l'île depuis la semaine dernière, a enchaîné les rencontres afin de sensibiliser le maximum de personnes à l'insécurité routière et ses conséquences. 

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Victime d'un accident en 1991, elle lutte pour que des vies ne soient plus brisées comme la sienne. Vendredi, elle a sensibilisé des délinquants routiers.

Un accident à 20 ans qui a bouleversé sa vie

Elle-même victime d'un accident de moto en 1991 en métropole, elle en est ressortie avec de graves séquelles, à tous les niveaux. Corinne avait alors 20 ans, et était passagère de la moto, pilotée par son petit ami. En excès de vitesse dans un virage, le deux-roues a effectué une sortie de route, et percuté un camion en sens inverse. Elle se rappelle tout de ce drame. "Sentir sa jambe s'éclater contre une caisse sous les pneus du camion, se voir au sol avec le short déchiqueté et les images du sang qui coule et ne s'arrête pas...", a-t-elle rappelé sur les ondes de Réunion La 1ère radio il y a quelques jours, invitée de la matinale de Philippe Dornier. 

Sa survie, elle ne la doit qu'à la rapidité de prise en charge par les secours, et au garrot rapidement effectué sur sa jambe pour ne pas perdre trop de sang. Mais cette jambe est malgré tout broyée : 13 opérations seront nécessaires pour la reconstituer. 

"On doit se battre sur tout. J'ai tout perdu de cet accident. J'avais 20 ans : il faut se reconstruire, se reprojeter professionnellement, socialement, trouver sa place avec un handicap, et vouloir exister malgré des souffrances et des traitements permanents. C'est un combat de tous les jours pour être débout." 

Corinne Sapinet, engagée dans la lutte contre l'insécurité routière

"Les 15km/h de trop, je les ai en travers"

Marquée à vie, Corinne Sapinet parcourt depuis plusieurs années le pays pour évoquer plusieurs thématiques : le poids du traumatisme, l'isolement pendant les soins, le handicap, ou encore les facteurs de risque qui, parfois négligés, peuvent briser les vies. 

"Les 15km/h de trop, je les ai en travers", lançait-elle ce vendredi devant une vingtaine de délinquants routiers en stage de sensibilisation dans le cadre de leur condamnation. 

Eviter la récidive chez les délinquants routiers

"Ce sont des hommes condamnés libres et pas incarcérés, ils n'ont pas commis d'homicide mais un délit routier, pas forcément lié à l'alcool. Ils sont condamnés à une peine de prison avec sursis et à effectuer un stage de sensibilisation comme celui d'aujourd'hui, où on va les sensibiliser, et les faire s'interroger sur quel est le risque, quel est ma part de responsabilité, quels dommages ça peut causer, et quel est l'impact que ça peut avoir sur la victime". 

Ludovic Savigny, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation

"Je leur montre l'impact de l'accident"

Lors de cette prise de parole vendredi, comme celles qui se sont déroulées devant des publics similaires dans le Sud, Corinne Sapinet a présenté des photos de ses blessures, évoqué les différents préjudices subis à tous les niveaux, montré la Corinne d'avant et celle d'après l'accident... "Je leur montre l'impact de l'accident, l'impact de l'os complètement éclaté, les cicatrices dues aux multiples opérations, ils sont très touchés", dit la femme engagée pour la lutte contre l'insécurité routière. Par ce temps donné, elle veut "réveiller les consciences, les faire s'interroger sur pourquoi ils sont ici, et éviter la récidive", tout en n'étant pas dans le jugement, et en se mettant à hauteur de chaque personne. 

"Je retiens que la route c'est dangereux"

Face à elle, ceux qui ont écopé d'une condamnation pour des mauvais comportements sur la route, écoutent attentivement. Et retiennent quelques leçons de ce témoignage. 

"Je me suis fait contrôler avec un taux d'alcoolémie délictuel. Je retiens que la route c'est dangereux et qu'il faut toujours être très vigilant. J'avais pas conscience que l'alcool faisait beaucoup de mal sur la route. Ca a un impact sur les proches", confie l'un d'eux. 

Un autre assure que désormais, il y réfléchira à deux fois avant d'adopter un comportement irresponsable. 

"Ma la roule sans permis et ma la fé trap a moin avec la drogue. Faut lever le pied les gars. Na un madame li sorte de métropole, la ni voir a nou, la fé un grave accident la marque a li à vie. Kan ou lé jeune ou fé un ti peu n'importe quoi, mais la formation la apprenn a moin beaucoup de choses. Mi va essayer de lever le pied et de pas fé n'importe quoi su la route. Je vais faire très attention maintenant sur la route". 

un délinquant routier anonyme ayant suivi le stage

Une expo photo pour compléter son propos 

Corinne Sapinet n'oublie pas non plus les autres victimes de la route, pour qui elle mène aussi ce combat de sensibilisation. A chaque intervention, elle présente l'exposition de portraits photo de victimes "Vies brisées, qu'elle a montée en 2018. 

"Chaque action est positive, chaque regard et chaque écoute me portent et me permettent d'aller de l'avant. A chaque intervention j'ai une pensée pour les familles brisées. A chaque témoignage, j'ai tous les enfants qui ont été arrachés à la vie qui sont présents avec moi. C'est un combat pour tous." 

Corinne Sapinet

Chaque année à La Réunion, environ 50 personnes sont tuées sur les routes, mais encore plus sont grièvement blessées.