" L’habitat doit être reconnu comme grande cause départementale ", telle est l’alerte envoyée ce mardi 9 mai par la Confédération Nationale du Logement à La Réunion. Elle juge d’ailleurs " utile de rappeler que le droit au logement fait partie des droits fondamentaux ", notamment reconnu par la déclaration universelle des droits de l’Homme.
Situation du logement social, nombre de demandeurs de logements, accompagnement des séniors, baisse des livraisons de logements, qualité des logements, insalubrité, enjeu de la réhabilitation, transition écologique pour lutter contre la précarité énergétique sont autant de thèmes irrésolus de la problématique du logement à La Réunion.
Le mal-logement, grand absent des programmes des visites officielles
Du jeudi 11 au samedi 13 mai prochain, lors de sa visite officielle à La Réunion, la Première ministre Elisabeth Borne sera notamment accompagnée d’Olivier Klein, le ministre délégué chargé de la Ville et du Logement. L’occasion pour la CNL d’attirer l’attention sur le problème du logement, et surtout du mal-logement, dans le département.
En février dernier, lors de la visite du ministre délégué chargé des Outremer, Jean-François Carenco, la CNL s’interrogeait sur l’absence chronique de la question du mal-logement dans les programmes des visites officielles.
Une politique du logement "défaillante"
Pour Erick Fontaine, l’administrateur de la CNL, tous les plans logement construits dans le département ont échoué. Selon la CNL, on assiste à une baisse du nombre de logements construits, une dégradation de la qualité des logements neufs, des retards très importants dans les programmes de réhabilitation ou encore une politique en faveur des séniors qui est très éloignée de la demande.
Chaque année, le nombre de demandeurs de logements augmente de 9%, leur profil n’a pas évolué et reste à près de 80% des personnes à bas revenus et environ 54% sont déjà locataires dans le social ou le privé, indique la CNL. Parmi eux, 18 032 sont des primo demandeurs.
La Réunion est la 3ème région de France où le prix des loyers dans le parc social est le plus élevé, et donc en inadéquation avec les ressources des demandeurs, constate la CNL. Les communes ne respectent pas leurs obligations légales minimales en matière de logements sociaux, dit-elle, sur 24 seules 8 les satisfont.
Pour toutes ces raisons, la CNL parle d’une politique " défaillante ", qui n’a pas su s’adapter à l’évolution de la société réunionnaise par manque d’anticipation, d’ambitions et de moyens de tous les partenaires œuvrant dans le domaine de l’habitat.
La CNL souligne que tous les ans, 3 700 logements qui ont pourtant bénéficié de subventions de l’Etat ne démarrent pas. Dans son rapport de novembre 2021, la Cour des comptes titrait sur la nécessité de " restaurer la cohérence de la politique du logement en l’adaptant aux nouveaux défis ". La visite de la Première ministre, accompagnée du ministre délégué chargé de la ville et du logement, ne doit pas être une visite de plus, selon la CNL, qui attend des solutions concrètes et immédiates.
La Réunion, une "zone tendue"
De par le nombre très élevé de demandeurs de logements, 39 000 fin 2022, le faible taux d’attributions, à peine 15% de la demande, et le nombre de livraisons de logements, près de 2 000 logements par an alors qu’il en faudrait 4 fois plus selon la CNL, le département remplit toutes les conditions pour être reconnu comme "zone tendue", estime la Confédération.
Ce qu’il n’est pas, " malgré tous les signaux qui sont au rouge ", déplore-t-elle. Elle souhaite que soit rétablie " cette erreur qui a des conséquences non négligeables pour les Réunionnais ". Actuellement, 1 149 communes composant 28 agglomérations sont reconnues "zone tendue" en métropole.
La zone tendue est un périmètre territorial au sein duquel les locataires ou les aspirants propriétaires ont du mal à trouver un logement. La demande y est plus forte que l’offre, un bien mis en location ou en ventre trouve généralement preneur immédiatement.
L’intérêt d’un classement en "zone tendue", explique la CNL, c’est que des règles de fixation des loyers sont imposées pour les logements nus et meublés loués à usage de résidence principale du locataire, qui peut bénéficier d’un prévis réduit à un mois. Le propriétaire peut être assujetti à la taxe sur les logements vacants et une majoration de la taxe d’habitation peut être appliquée pour les logements meublés non affectés à l’habitation principale.
L’habitat reconnu comme une grande cause départementale
Pour la Confédération Nationale du Logement à La Réunion, face à cette situation exceptionnelle l’Etat doit mettre en place des moyens conséquents. La CNL formule ainsi 19 propositions :
- augmentation des subventions et taux d’interventions en faveur des bailleurs sociaux sur les programmes de constructions/réhabilitations
- minoration plus importante de l’EPFR sur les ventes du foncier (40% au lieu des 20% dans les intercommunalités qui se sont engagées également sur les minorations et qui respectent la loi SRU)
- mise en place de sanctions pécuniaires contre les bailleurs sociaux qui continuent de mettre en location des immeubles neufs avec désordres
- obligation de la part des bailleurs sociaux de mettre en place un contrôle lors des constructions et réhabilitations
- revoir les plafonds des aides en faveur des propriétaires bailleurs et locataires t harmoniser les dispositifs existants
- contrôle plus rigoureux de l’état d’avancement dans les programmes d’amélioration dans le privé
- élargir le champ des entreprises bénéficiaires des aides de la LBU et du Conseil départemental pour accélérer les réhabilitations et constructions des Logements Evolutifs Sociaux (LES)
- mettre en place des crédits spécifiques pour soutenir toutes les initiatives privées en faveur des logements séniors avec des loyers abordables
- sur les attributions, mettre en place des commissions inter-bailleurs pour permettre aux locataires en sous occupation et qui font la demande de mutation d’avoir un logement plus rapidement
- avec la hausse des coûts des matériaux, l’Etat et la Région Réunion ont bénéficié de sommes supplémentaires importantes. Le surplus de l’octroi de mer et la TCA perçu par la Région Réunion et l’Etat su tout ce qui est en lien avec l’habitat (matériaux de construction, équipements, …) doit être réinjecté dans les programmes liés au logement (privé et social)
- l’Etat doit s’engager à soutenir les privés qui s’engageraient à louer les logements à un prix plafond correspondant au LLS-LLTS
- La Réunion doit être reconnue comme une région en zone tendue dès cette année
- l’Etat doit soutenir toutes initiatives en faveur de l’accession à un logement en location mise en place par des associations
- les personnes victimes de violence doivent pouvoir avoir accès à un logement en priorité au même titre que le public Dalo et de bénéficier des aides comme le dépôt de garantie, divers frais d’installation, le 1er mois de loyer…
- l’Etat doit donner au service gestionnaire de Dalo plus de moyens afin de répondre à ses obligations (délais d’instruction non respecté)
- l’Etat doit emmener les bailleurs sociaux à s’engager avec des actions concrètes touchant sur toutes les constructions et réhabilitations avec un malus bonus. Notamment sur la précarité énergétique et l’auto-consommation collective.
- Tous les accords, aides, qui existent en métropole doivent être étendus à La Réunion
- Action Logement Réunion doit pouvoir avoir plus d’autonomie des décisions avec des mesures spécifiques réunionnaises aussi bien pour les publics bénéficiaires que les aides en faveur des bailleurs
- Au vu de la situation de La réunion (taux de pauvreté, bas salaires, loyers élevés), la CNL demande le gel des loyers en 2024.