Les Réunionnais sont très nombreux à attendre un logement social, 33 000 dossiers s’entassent chez les bailleurs. Et ceux qui ont un appartement ou une maison vivent parfois dans des conditions indignes.
Emmanuelle Wagon, ministre du Logement, entame ce mardi 29 juin une visite officielle de trois jours à La Réunion. Une visite dont le programme laisse perplexe l’administrateur de la Confédération Nationale du Logement à La Réunion, Erick Fontaine. Selon lui, les problèmes de fond ne seront pas abordés.
Des coupures de rubans plutôt que des tables rondes
Seront par exemple mises en avant des thématiques comme celle de l’ANRU à Saint-André, qui consiste en des opérations d’amélioration de quartiers en refaisant les routes, les lampadaires ou encore en améliorant les logements, explique Erick Fontaine.
Il souligne cependant que la réalité est toute autre. Les travaux dans le cadre de l’ANRU, au Port ou dans d’autres communes, " deviennent une catastrophes dans les logements " pour l’administrateur de la CNL.
Il aurait préféré que lors de cette visite se tiennent des tables rondes et des réunions de travail, que soient interrogés les gens qui sont au contact tous les jours avec les milliers de Réunionnais qui vivent les souffrances et aussi les difficultés des propriétaires privés, plutôt que de couper des rubans.
Malgré ses demandes de rendez-vous, Erick Fontaine ne sera pas reçu par la ministre pour évoquer les difficultés du logement à La Réunion. Il estime qu’il s’agit d’une marque de mépris à l’encontre des Réunionnais.
Plus de demandes, moins de constructions et moins d’attribution de logements
Au 31 décembre 2020, le département comptait 33 000 demandeurs de logements, des chiffres qui augmentent en permanence alors que la construction de logement sociale chute. Elle a perdu 50% sur les deux dernières années et de fait l’attribution de logements a chuté de 35%. La situation est donc extrêmement tendue à La Réunion, selon l’administrateur de la CNL.
Pour les trois prochaines années, les bailleurs sociaux ont de plus réorienté leurs constructions non plus sur des logements locatifs très sociaux, qui bénéficient à près de 78% des demandeurs, mais vers des logements qui bénéficient à des personnes qui ont des revenus plus importants. Des logements qui devraient d’ordinaire relevé du privé, selon Erick Fontaine.
La CNL, qui estime que le gouvernement devrait mettre en place davantage de mesures en faveur des propriétaires privés pour qu’ils construisent pour les personnes ayant ce type de revenus intermédiaires. Exonérations de taxes foncières ou autre, les mesures incitatives ne manquent pas, pour Erick Fontaine.
Une politique du logement inadaptée
" Quand votre politique de logement ne fonctionne plus, ce qui est le cas à La Réunion, il faut savoir réformer, il faut savoir être ambitieux pour une île, où on est dans le voyant rouge en permanence. "
L’administrateur de la CNL insiste sur le taux de pauvreté à 40%, une population avec des très bas salaires, sur des chiffres de logements indécents et sur le doublement du nombre de personnes âgées. Aucune politique de logement n’a été prévue pour les personnes âgées à La Réunion, constate-t-il.
Le plan Logement Outre-Mer prévoyait la construction de 4 000 logements par an à La Réunion, en réalité 2 000 sont financés par l’Etat et seulement 1 500 logements ont été livrés l’an dernier. Pour Erick Fontaine, il ne s’agit pas d’un problème de foncier, il y en a actuellement suffisamment de disponible pour faire 15 000 ou 20 000 logements dans les années à venir.
30 000 logements vacants dans le privé
La politique de gestion et de suivi des travaux est à l’origine du problème, selon lui. A La Réunion, il y a 30 000 logements vacants dans le secteur privé.
" Est-ce un problème d’indivision sur lequel une succession ne peut pas se faire ? Est-ce un problème de logement indécent sur lequel le propriétaire ne peut pas réagir, dans les copropriétés ? Est-ce que c’est parce qu’il y avait un mauvais locataire qui n’a pas payé et le propriétaire en veut plus louer ? On a besoin de comprendre ça. "
Aujourd’hui, les propriétaires privés ont besoin d’accompagnement financier. Il faut savoir que si vous êtes propriétaires bailleurs, que vous louer votre logement, des aides existent, explique Erick Fontaine. Sauf qu’à La Réunion, on n’a pas de fonds pour les propriétaires occupants, ajoute-t-il. Ainsi, une personne âgée dans une copropriété n’aura pas de financement pour des travaux de rénovation ou de réparation.
La difficile situation des personnes âgées
" Il faut révolutionner les choses, il faut penser autrement ", dit-il. Il veut pour exemple la situation des personnes âgées, qu’il estime être les oubliés de cette société depuis des années, malgré les alertes lancées par la CNL depuis plus de 10 ans.
" Aujourd’hui, on est dans une course qu’on la montre, puisque le nombre de personnes âgées double. Des personnes âgées, parfois propriétaires, ne peuvent plus rester dans leur logement, du fait des charges de copropriété, les retraites insuffisantes, donc il faut trouver une solution. "
La problématique n’a pas été anticipée. La CNL demande de véritables résidences à tailles humaine pour les personnes âgées, avec un service en bas de l’immeuble, des salles pour des infirmiers, un espace de vie sécurisé, et non pas simplement des résidences sociales standards.
Des loyers trop élevés à La Réunion
Depuis deux ans, le site du ministère publie une moyenne des prix des loyers au niveau national. La Réunion est toujours la 3ème région de France dans le secteur social. Le prix du loyer de la surface habitable est dans les plus élevés de France, juste après Paris.
A La Réunion, le taux de chômage est élevé, les salaires sont bas et le nombre de personnes âgées double. Erick Fontaine se demande pour qui on construit à La Réunion ? Aujourd’hui, de plus en plus de locataires sont endettés et ne peuvent plus faire face à ces loyers, explique-t-il.
80% des locataires touchent moins de 1 500 euros de revenus. De plus, à La Réunion, l’allocation logement n’est pas la même que sur le reste du territoire français.