Roland Dumas, ancien ministre et ancien président du Conseil constitutionnel, est mort

Ancien ministre des Affaires étrangères et fidèle de François Mitterrand, Roland Dumas s'est éteint mercredi 3 juillet à l'âge de 101 ans
Ancien ministre des Affaires étrangères et fidèle de François Mitterrand, figure du barreau et ex-président du Conseil constitutionnel éclaboussé par le scandale Elf, Roland Dumas s'est éteint mercredi 3 juillet à l'âge de 101 ans.

Le "dandy de la République" est mort. Avec sa personnalité de négociateur roué, d'esthète et de séducteur, il a traversé la seconde partie du XXe siècle autant dans les prétoires que sous les ors de la République. Une carrière exceptionnelle toutefois ternie par le scandale Elf. Sa condamnation pénale dans le dossier de la succession du sculpteur Giacometti et des sorties flirtant avec l'antisémitisme au milieu des années 2010 avaient aussi jeté une ombre sur cette figure du mitterrandisme. Malgré ces condamnations et polémiques, "il a marqué de son empreinte l'histoire de la Ve République", a salué le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.

Homme de la Résistance


Jacques Attali, ancien conseiller spécial de François Mitterrand à l'Elysée, a rappelé qu'"après avoir vu son père être fusillé par les nazis, (Roland Dumas) fut un grand acteur de la relation franco-allemande". La vie de Roland Dumas, né à Limoges le 23 août 1922, a basculé en mars 1944, lorsque son père a été fusillé. Lui-même ancien résistant, il rencontre François Mitterrand durant l'après-guerre.

Les deux hommes, qui partagent le même goût pour les arts et la séduction, deviennent proches après l'élection en 1956 de Roland Dumas comme député de la Haute-Vienne. Maître Dumas est ensuite est aux premières loges de nombreux dossiers, en pleine vague de décolonisation, défendant l'organisateur des réseaux du financement du Front de libération nationale (FLN) algérien ou plaidant pour la partie civile dans l'enlèvement de l'opposant marocain Ben Barka. Il collectionne les clients médiatiques : Chagall, Picasso, le psychanalyste Jacques Lacan ou encore Jean Genet pour qui il nourrit une affection particulière. Homme de réseaux, il rejoint le Grand Orient en 1980.

"C'était un personnage de roman. En tant qu'avocat, il était le talent et l'humilité: quand vous le rencontriez, vous appreniez quelque chose"

Marcel Ceccaldi - compagnon de prétoire de Roland Dumas

En mai 1981, il est le seul fidèle que Mitterrand n'appelle pas au gouvernement, préférant d'abord en faire son émissaire secret auprès de Kadhafi ou de Bongo.

D'abord Européen frileux, il est toutefois nommé ministre des Affaires européennes en 1983. Cet anticolonialiste devient tout naturellement diplomate et contribue finalement à plusieurs succès européens."J'en garde le souvenir d'un personnage de roman qui a beaucoup fait parler de lui par ses aventures amoureuses, certaines frasques, mais qui était aussi un homme courageux dans la Résistance, d'une fidélité exceptionnelle à l'égard de François Mitterrand", a réagi Jean Glavany, président de l'Institut François Mitterrand, auprès de l'AFP.

"Envie d'en finir"


Roland Dumas a incarné "une part de notre histoire collective, l'histoire des socialistes bien sûr, mais aussi l'histoire de France", a réagi Olivier Faure, premier secrétaire du PS. En 1995, François Mitterrand le nomme à la présidence du Conseil constitutionnel pour succéder à Robert Badinter. Froidement accueilli par les Sages, il parvient bientôt à les séduire et à les convaincre de valider les comptes de campagne de la présidentielle de 1995 malgré de lourds soupçons.

Trois ans plus tard, l'affaire Elf éclate. Soupçonné d'avoir favorisé l'embauche d'une de ses nombreuses maîtresses, Christine Deviers-Joncour, dans des sociétés du groupe pétrolier pour des salaires de complaisance, Roland Dumas est mis en examen. Il démissionne de la présidence du Conseil constitutionnel en mars 2000. C'est une première. Condamné en première instance, le dandy de la République est relaxé en appel en 2003. Il avouera avoir eu "l'effroyable envie d'en finir" au moment de l'affaire Elf mais estimera plus tard "avoir vécu pleinement".