L’archipel de Saint-Pierre et Miquelon livre de nouvelles preuves de son incroyable singularité. La science a permis d’en saisir bien des aspects, permettant à ce petit territoire ultramarin de s’inscrire dans la longue histoire de l’humanité. Son histoire commence bien avant l'arrivée des Européens vers 1520. Depuis les années 1980, des archéologues ont mis au jour des vestiges paléoesquimaux et amérindiens, dont les plus anciens ont 5 000 ans. Des artefacts découverts sur l’archipel prouvent que l’île de Saint-Pierre, mais aussi celle de Miquelon, ont été occupées régulièrement depuis une période beaucoup plus ancienne.
À lire aussi : Les fouilles archéologiques avancent du côté de l'Anse-à-Henry
Qui étaient ces peuples qui ont fréquenté l’archipel, d’où venaient-ils et que cherchaient-ils sur ces cailloux situés au sud de la grande île de Terre-Neuve ? Quelles traces ont-ils laissées dans le monde que nous connaissons aujourd’hui ? Autant de questions auxquelles une équipe d’archéologues franco-canadienne passionnée tente de répondre lors d'une troisième campagne de fouilles, qui vous conduira de l'Hexagone à Terre-Neuve et à Saint-Pierre et Miquelon sur les traces des premiers hommes de l’archipel.
Un extrait du documentaire diffusé le jeudi 13 avril à 21h.
L'été dernier, les fouilles ont été dirigées par le Français Grégor Marchand (archéologue, directeur de recherche au CNRS et professeur à l'Université de Rennes) et le Québécois Réginald Auger (archéologue et professeur au Département des sciences historiques). Le réalisateur Xavier Fréquant les a suivis et a recueilli leurs témoignages, ainsi que ceux de leurs équipes, à travers leurs découvertes extraordinaires à Terre-Neuve sur les sites de Port aux Choix, l’Anse aux Meadows et Conne River. Des images réalisées en drone permettent une plongée au cœur de la nature sauvage de l’archipel, sur les traces des chasseurs-cueilleurs préhistoriques et de leurs descendants.
Depuis 2019, Grégor Marchand conduit, avec ses confrères canadiens, des campagnes de fouilles sur le site de l’Anse à Henry. Des « gratteurs de tourbes », comme il les appelle, ont repris l’exploration du site quinze ans après les dernières recherches. Il y a urgence : la prairie qui affleure la mer est menacée de disparition dans un avenir proche. L’érosion marine est, ici, une réalité du réchauffement climatique et les chercheurs, avec l’accord des autorités, œuvrent à préserver ce qui peut encore l’être, en explorant cette zone exceptionnelle. Les onze hectares du site offrent de nombreuses preuves d’occupation par des populations paléo-inuites et amérindiennes sur une période de plusieurs millénaires.
À lire aussi : Reprises des fouilles pour des archéologues terre-neuviens à l'anse à Bertrand
La récente découverte de l’équipe franco-canadienne d’une carrière de rhyolithe1 sur l’île de Saint-Pierre ouvre de nouvelles hypothèses quant à la fréquentation de l’archipel. En 2020, les scientifiques ont découvert des preuves de l’exploitation de cette carrière par les premiers occupants de l’archipel. Les pierres taillées représentent une source importante d’informations. Elles permettent de déduire l’usage des outils fabriqués et les techniques déployées pour y parvenir. Les Paléoesquimaux, Dorsétiens ou Indiens récents ont laissé des « traces » dans la pierre lorsqu’ils ont utilisé ces outils (des artefacts en pierre, en os, en ivoire et en bois de cerf notamment). Les experts expliqueront aussi leur incroyable talent de marins et les techniques de navigation qui leur ont permis de se rendre d’une île à l’autre et de profiter des ressources de l’océan.
Réginald Auger a participé aux récentes découvertes sur l’île de Saint-Pierre. L'archéologue québécois de l’université de Laval explique que la collaboration scientifique franco-canadienne des fouilles archéologiques de Saint-Pierre et Miquelon fait suite à la demande de la France qui ambitionne le classement de l’archipel au patrimoine mondial de l’Unesco, dont l’histoire préhistorique est une composante importante du dossier de reconnaissance. Les campagnes de fouilles de 2019 et 2021 ont donné des résultats exceptionnels permettant d’élargir considérablement les connaissances sur la présence des hommes du préhistorique sur l’archipel. Le scientifique insiste sur l’environnement naturel du site Saint-Pierre et Miquelon, au sud de la péninsule de Burin de Terre-Neuve. Les chasseurs-cueilleurs venaient y chercher une ressource précieuse, les phoques gris et veaux marins très présents sur ces cailloux, mais aussi cette fameuse rhyolithe qu’on trouve partout à Saint-Pierre et à Miquelon.
Les générations futures auront le devoir de préserver ce patrimoine inestimable pour qu’il puisse demain, peut-être, livrer d’autres secrets enfouis dans la terre. Ainsi, il arrive parfois que le promeneur d’aujourd’hui, quand il vient à s’égarer par choix ou par mégarde dans les sentes boisées de l’archipel, perçoive une présence bienveillante. S’il s’assoit sur un caillou, au bord de l’océan, il entendra sûrement leurs chants, portés par les vents du passé. Des chants lancinants et pénétrants. Ceux des premiers hommes de l’archipel.