"Un jour à la fois", le dicton de quatre drôles de dames, résidentes d'une maison pour personnes âgées

Françoise, Cécile, René et Thérèse partagent leur quotidien dans la résidence Saint-Jacques de Saint-Pierre.
Elles s'appellent René, Thérèse, Cécile et Françoise. Elles font partie des seniors, cette classe d'âge de plus de 60 ans qui au 1er janvier 2024 représentaient plus de 20 % de la population française. À l'occasion de la Semaine bleue, elles nous confient leur vision de la vieillesse.

C'est dans le salon partagé au premier étage de la résidence Saint-Jacques, tenue par le centre communal d'action sociale de la ville de Saint-Pierre, que quatre drôles de dames m'accueillent en une douce fin de matinée : "On appréhende toujours la visite des journalistes, on ne sait jamais ce que vous allez écrire", lance l'une d'elles. Le ton est donné. Ici pas de faux-semblants, place à la sincérité.

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Douze personnes vivent dans des appartements individuels, constitués d'une pièce de vie avec une cuisine et un salon, une chambre et une salle de bains. Une résidence partagée, où l'entraide est au cœur des échanges : "Je ne la perdrais pour rien au monde", confie Thérèse, 94 ans, doyenne du groupe. Celle qu'elle ne souhaite pas perdre, c'est Cécile, 81 ans, ancienne aide-soignante et toujours aux petits soins pour ses amies : 

Je lui prépare son repas tous les midis. Je la stimule aussi, parce que souvent elle me dit qu'elle aimerait partir, mais non, ce n’est pas le moment. Moi je lui dis : "Un jour à la fois".

Cécile, résidente

Toutes rient sur leur fauteuil, même Thérèse : "Ça, je l'entends souvent oui, un jour à la fois". Malgré la perte de sa vue progressive depuis six ans, la vieille dame ancienne couturière se plie chaque jour aux tâches quotidiennes de son appartement : "Ce n’est peut-être pas parfait mais c'est fait".

Tous les midis dans l'appartement de Thérèse, c'est Cécile, elle aussi résidente qui lui prépare ses repas.

Dans leurs appartements respectifs, les photos trônent sur les étagères. Les maris disparus, les enfants perdus ou en métropole, et pour beaucoup les "bouilles" des arrière-petits-enfants : "C'est bien ici car ils peuvent venir", glisse Cécile tout en préparant la table. "Je vous laisse, il faut que je finisse les patates", son fils ne devrait plus tarder. Comme tous les lundis il la retrouve pour manger.

Vivre en communauté : le rempart à la solitude

Ici l'indépendance et la liberté n'ont pas de prix. Le temps passe et avec lui les souvenirs, mais chacune des résidentes peut compter sur sa voisine de palier pour se confier. Thérèse a vécu trente-cinq ans  sur l'île aux marins : "Ça me manque. J'aimerais y retourner ". Ses trois amies ne peuvent qu'acquiescer. Pour Françoise, 82 ans, installée dans la résidence depuis un an, le passé revient souvent toquer à la porte.  : "Je me rappelle quand Papa nous racontait les souvenirs autour de la table, c'était gai. Et on n'avait pas l'électricité !". René, plus pragmatique, sait les rassurer :

Il y a toujours un moment où on regrette ce qu'on a vécu. Mais vous ne pouvez pas refaire ce qui a été fait.

René, résidente

Le point commun de ces quatre femmes ? Elles ont toutes connu la vie en communauté : "A la maison on était dix enfants", dit l'une. "Nous, on était six", lance l'autre. "Moi j'ai hébergé pendant des années une personne handicapée" renchérit une autre. Alors vivre seule, isolée, serait tout le contraire de ce qu'elles ont connu. "On ne dépérit pas ici" clame dans un sourire René. À 85 ans, cela fait dix-sept ans qu'elle vit dans la résidence. Il y a les jours sans et ceux avec, mais dans l'ensemble, les quatre drôles de Dames se sentent reconnaissantes de vivre dans un tel environnement. 

Ce qui leur manque lorsqu'on leur pose la question, c'est de la musique. Danser, voilà ce qu'elles aimeraient. À la parole, elles joignent les gestes et rient en chœur de leur pitrerie.

Une cinquième résidence attendue en 2026

Au 1er janvier 2024, plus d’un habitant sur cinq (21,5 %), soit 14,7 millions de personnes, avait plus de 65 ans. Cette proportion ne va pas cesser d'augmenter comme l'explique l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), dans son bilan démographique publié le 16 janvier. Les besoins en hébergement, eux, vont donc également devoir être revu à la hausse. 

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À Saint-Pierre, quarante-huit personnes âgées sont actuellement hébergées dans les quatre résidences gérées par la mairie.  Une liste d'attente existe, alors pour remédier à la demande, une cinquième résidence devrait voir le jour près du centre commercial Marcel-Dagort en 2026. Les travaux de démolition du bâtiment vétuste devraient débuter en janvier de la nouvelle année. Comme décidé lors du conseil municipal du mois de juin, la commune investirait 350 000 euros. Le reste des financements viendrait en majorité du FEI (Fonds Exceptionnel d’Investissement), dédié aux Outre-Mers. Pour une enveloppe d'un montant de 1,4 million d'euros.