Vie chère dans les Outre-Mer, où en sommes-nous à Saint-Pierre et Miquelon ?

En 20 ans, l'indice des prix à la consommation à Saint-Pierre et Miquelon a grimpé de 76,2 %, contre + 31,7 % sur la même période dans l'Hexagone.
Depuis le 1er septembre en Martinique, une mobilisation contre la vie chère fait rage. Les problèmes liés aux différences de prix de l'alimentaire entre l'Hexagone et les Outre-Mer ne sont pas nouveaux. À Saint-Pierre et Miquelon, les prix se sont eux aussi envolés ces dernières années.

Combien coûte un paquet de riz d'un kilo de la marque Uncle Bens dans l'Hexagone et en Martinique ? Cette question est l'un des objets du long format "Vie chère Outre-mer : manque de volonté et de transparence ?", publié le 27 Septembre sur le portail des outre-mer de France Info pour illustrer les contestations contre la vie chère dans le département antillais. En Martinique, les prix des denrées alimentaires sont en moyenne 40 % plus élevés qu’en France métropolitaine d'après l'INSEE. Ces écarts de prix ne datent pas d'hier, tout comme la colère des citoyens d'outre-mer qui réclament plus de transparence sur les prix. En Martinique comme à Saint-Pierre et Miquelon, les territoires sont dépendants de l'importation. Et comme dans tous les Outre-mer, le coût des denrées alimentaires est plus élevé que dans l'Hexagone.

Un manque de données sur l'archipel

À Saint-Pierre et Miquelon il est impossible de définir un pourcentage pour évaluer la différence des prix avec l'Hexagone. Tout simplement car aucune étude n'a été réalisée à ce jour. Une enquête a pourtant été lancée en 2022 par l'INSEE et l'Etat sur la comparaison spatiale des prix pour évaluer les écarts entre l'Hexagone et le territoire. Toujours pas de résultat en 2024. Il y aurait des différends sur la méthodologie adoptée pour établir les données. 

Ce que l'on sait chiffrer par contre c'est l'évolution des prix sur l'archipel. En 20 ans, l'indice des prix à la consommation à Saint-Pierre et Miquelon a grimpé de 76,2 %, contre + 31,7 % sur la même période dans l'Hexagone.

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Ces évolutions plus rapides des prix, le territoire les doit à une inflation en constante évolution.  En 2022, elle avait atteint 9,3 % quand en métropole elle était de 5,2 %. En 2023, l'inflation était redescendue dans l'archipel à 5 %, un taux équivalent à celui de la métropole qui atteignait alors 4,9 %. Ces différences s'expliquent en partie par les variations des taux de change notamment entre le dollar canadien (CAD) et l'euro. Il faut savoir que chaque semaine Saint-Pierre et Miquelon reçoit des conteneurs en provenance du Canada, contre seulement une fois par mois de l'Hexagone. Le prix des marchandises alimentaires au Canada est souvent supérieur à celles de l'Hexagone et les taxes douanières plus élevées. 

L'argument souvent avancé pour justifier des prix plus élevés dans l'archipel est celui des marges des commerçants. En mars 2022, La Direction des politiques publiques interministérielles et de l’ancrage territorial de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon sollicite le cabinet DME pour réaliser une « étude de décomposition des prix et des marges ». Il en ressort "qu'il n’est pas juste d’affirmer que les prix à Saint-Pierre et Miquelon sont élevés, notamment par rapport à l'Hexagone, simplement en raison des taux de marge pratiqués dans l’archipel". En effet, cette étude ne prend pas en compte les données douanières. C'est pour cela que cette année une nouvelle étude partagée entre la Collectivité Territoriale et l'Etat a été lancée. 

Pourquoi les prix sont plus élevés à Saint-Pierre et Miquelon ? 

Pour établir le prix d'une marchandise dans l’archipel, il faut considérer plusieurs paramètres définis par la Collectivité territoriale. Le territoire bénéficiant du statut de PTOM (Pays et territoire d'Outre-mer), il dispose d'une autonomie fiscale notamment en matière de taxes douanières (explications à retrouver dans cet article).

D'abord il y aurait donc le prix du transport. D'après un des principaux importateurs de l'archipel contacté, les charges dues aux transports de marchandises représenteraient 20 % du prix de vente. Difficile de vérifier, il n'existe aucune donnée officielle chiffrée sur cet élément à l'heure actuelle. 

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Les denrées alimentaires de l'archipel sont également soumises à différentes taxes. Ici il n’y a pas de TVA mais une taxe douanière. Les pourcentages de cette taxe diffèrent d’une catégorie de produit à une autre et ces taux sont fixés par la Collectivité Territoriale. Tous les produits qui entrent sur Saint-Pierre et Miquelon sont taxés. En métropole par exemple, les entreprises payent une TVA seulement sur les produits vendus.

Un élément important à prendre en considération est aussi le marché plus restreint de l'archipel. Avec seulement 6 000 habitants, difficile de négocier les prix avec les grossistes. Or plus un produit est commandé en grande quantité, plus son prix de départ est faible. Dans l'archipel, les moyens de stockage et le petit nombre de consommateurs ont forcément un impact sur les prix. 

La question de l'emploi et des salaires est aussi centrale. Le taux de chômage à Saint-Pierre et Miquelon est faible. Fin juin 2024, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à France Travail en catégories A,B,C s'établit à 157 personnes. Le Smic dans l'archipel est le même que dans l'Hexagone, cependant en moyenne les salaires sur le territoire sont plus élevés, notamment avec une indexation pour les employés de la fonction publique. Dans le privé, à poste équivalent, la rémunération sera elle aussi supérieure. Et ça, pour l'employeur, ça a un coût. Un coût qu'il répercute forcément sur les prix de ses produits. Deuxième facteur, lorsque les salaires sont plus élevés, le pouvoir d'achat augmente, ce qui fait grimper les prix du côté des entreprises. 

Du côté des réponses apportées par l'Etat face à la vie chère, on ne peut pas ne pas citer le bouclier qualité prix en vigueur depuis 2012 dans les territoires d'outre-mer. Ce dispositif de lutte contre la vie chère permet de garantir un rapport qualité / prix pour une liste de 55 produits de grande consommation. Mais est ce suffisant ?

Lors de son discours de politique générale ce 1er octobre dernier, Michel Barnier, nouveau Premier Ministre, a  annoncé la tenue d’un comité interministériel des Outre-mer (CIOM) au début de 2025 et mentionné des mesures pour lutter contre la vie chère dans les territoires ultramarins.