Viser le haut niveau sportif quand on vient de Saint-Pierre et Miquelon, rêve ou réalité ?

Bénédicte Siosse (à gauche), Naomi Haran (au centre), Arnaud Hayes (à droite), trois sportifs aux parcours inspirants.
Taekwondo, karaté, tennis, trois athlètes locaux nous partagent leur expérience sur les freins inhérents à l'archipel pour accéder au haut niveau dans le sport.

Comment former de futurs champions à Saint-Pierre et Miquelon ? C'était la question posée jeudi 21 novembre à 21h dans l'émission À La Une présentée par la journaliste Elise Marné. Sur le plateau, durant une heure, quatre éducateurs sportifs de différentes disciplines ont débattu sur le sujet.

Lors de cette émission, ce sont aussi trois sportifs locaux que nous avons rencontrés, au cours d'un reportage, pour leur poser une question : quels sont les freins, selon eux, pour accéder au sport de haut niveau quand on vient de Saint-Pierre et Miquelon ?

A un moment pour pallier le cap il faut partir sur la métropole pour aller plus loin, car manque d'opposition à Saint-Pierre et Miquelon.

Bénédicte Siosse, taekwondoiste

Bénédicte Siosse a commencé le taekwondo à l'âge de sept ans. Dès son plus jeune âge, elle observe ses pairs plus âgés et rêve de suivre leurs traces; notamment sa cousine, qui venait d'intégrer à ce moment-là l'équipe de France de taekwondo. Bénédicte a désormais un objectif en tête : partir pour les championnats de France. Accompagnée par son club pendant plusieurs années, elle se confronte à des adversaires canadiens lors de compétitions mais cela ne suffit pas. À quinze ans, elle part pour Aix-en-Provence afin de mettre toutes les chances de son côté. L'équipe de France devient réalité. C'est ensuite à Grenoble que la jeune femme poursuit son parcours sportif dans un club de performance où elle obtient une licence STAPS. 

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Les résultats s'enchaînent, 1ère place aux Championnats de France Sénior Elite en 2018, trois podiums successifs en Coupe du Monde francophone et une 3ème place aux Championnats d'Europe des Clubs. La Saint-Pierraise se donne les moyens de réussir. Elle est soutenue par ses entraîneurs : " Le club de Taekwondo nous a toujours donné les moyens d'aller le plus haut possible. On s'entraînait une fois par jour et on avait aussi un peu de préparation physique à côté". L'importance de la préparation physique dans la performance de haut niveau, un enjeu revenu plusieurs fois sur la table lors de l'émission, mais aussi un manque, cité par plusieurs sportifs de l'archipel :

Il est très important d'avoir un préparateur physique, un diététicien, un entraineur pour la musculation, un entraîneur pour les spécifiques. Sur Saint-Pierre, il y a de très bon éducateurs mais il manque ce côté staff sportif.

Naomi Harran, karatéka

Naomi Haran le sait, devenir sportive de haut niveau ça commence tôt. À la majorité, elle quitte son caillou où elle a grandi pour rejoindre Caen et le pôle espoir Normandie. Dès ses débuts, elle est confrontée à la réalité, ses pairs métropolitains ont de l'avance sur elle : " Leur niveau était bien plus élevé que le mien. Ils étaient conditionnés, ils avaient une routine qui était mise en place avec un suivi diététique, en salle de musculation, etc...", confie la karatéka. Des blessures puis le Covid mettent en pause ses ambitions sportives. À 27 ans, Naomi s'implique désormais dans son club de formation mais aussi politiquement au sein de la Collectivité Terriroriale pour suivre les jeunes et le sport. 

Partir de l'archipel pour se confronter à meilleur que soi en métropole, c'est le coche qu'a manqué Arnaud Hayes. Ce Saint-Pierrais a grandi sur les cours de tennis, sur les pas de son père Roger Hayes. Le dimanche au saut du lit, raquette en main, il jouait contre enfants et adultes. 

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Le tennisman joue à Saint-Pierre mais ne se lance pas dans un parcours de haut niveau, "le tennis est un passe-temps" glisse-t-il. Seulement la passion sommeille en lui et à vingt-cinq ans le déclic se produit. Les études sont terminées, la vie professionnelle n'est pas trépidante, c'est décidé, le tennis il va en faire son métier. Départ pour la métropole pendant cinq ans pour se former au diplôme d'entraîneur, aux côtés de Daniel Comté dans le sud-est de la France, avant de revenir en 2010 sur l'archipel pour enseigner le tennis à Saint-Pierre. Former des jeunes au haut niveau, Arnaud y aspire même s’il ne cache pas que le niveau à Saint-Pierre est très loin des objectifs métropolitains et mondiaux : 

Normalement pour être le meilleur, il faut jouer avec les meilleurs (...) et comme quotidiennement le joueur ne peut pas s'entraîner comme les autres meilleurs du monde et bien forcément les années passent et il prend du retard par rapport aux autres.

Arnaud Hayes, entraîneur de tennis

S'entraîner avec plus fort que soi, une nécessité pour progresser, un argument partagé par Bénédicte Siosse ainsi que Naomi Haran. Les côtes canadiennes de Terre-Neuve ne sont qu'à 25km de Saint-Pierre et Miquelon mais les compétitions ne sont vraiment pas au niveau. Pire, pour participer aux tournois de tennis officiellement, il faut être canadien : " Par le passé, ce qu'on a fait, ce sont des échanges entre clubs, mais ça n'amène pas de solutions à long terme sur le haut niveau.", raconte Arnaud.

Certains jeunes tennismen poursuivent tout de même leur rêve en métropole ou aux Etats-Unis à l'image de la fratrie Hutton. Éloïse Hutton, 20 ans et son frère Olivier, 17 ans, consacrent leur vie au tennis, pour peut-être un jour atteindre le très haut niveau.

Partir de l'archipel, enfants ou adolescents, pour se dédier à son sport, un choix difficile mais qui semble nécessaire à celui visant les podiums, voir les anneaux olympiques. 

Le replay de l'émission A La Une, diffusée le 21 novembre sera disponible dimanche 24. En attendant voici un extrait : 

©saintpierreetmiquelon