Tous les jours, pour se rendre à leur école, certains des élèves de l’école Madly Marignan à Macouria passent devant un mur orné d’un immense iguane. Cette année, à l’occasion de la cinquième édition du festival de street art Atip’Art, ils ont eu le bonheur de faire connaissance avec Dgip, qui l’a réalisé. Un beau moment d’échange selon Nicolas Quillot, alias Scimo, du collectif Muzé Laru.
Ces rencontres avec le public, scolaire ou non, tout comme les ateliers participatifs ou les résidences d’artistes, font partie de l’ADN d’Atip’Art. Le festival est né à l’initiative de la commune de Macouria, explique Scimo. « Le concept était de créer ensemble un événement qui permettrait de réaliser des fresques sur des murs mais aussi de proposer des ateliers pour le grand public et les scolaires. Nous avons eu l’occasion d’aller au collège, au lycée de Matiti… Cette année, nous sommes à Saint-Agathe. »
14 artistes ont pris part à l’événement qui s’est tenu du 5 au 18 octobre : Emi, Dgip, Brady, Azer, Scimo, Sensei et Ynot du collectif Muzé Laru, Sangel, Mawalum, Yelow, Yeswoo, Arest, Jomad et Andrew en tant qu’invités.
À l’école Madly Marignan, des élèves de CM2 et leur enseignante Sandrine Arvigne, ont imaginé, avec Scimo, Azer et Sensei, des « jeux d’inspiration amazonienne ». En trois séances, ils ont décoré le préau de l’école avec en réalisant sur le sol des jeux et des animaux.
Mon mari a fait des photos pour les envoyer aux enfants et leur montrer comment la cité est devenue !
Danièle, résidente du quartier depuis 28 ans
À quelques rues de là, à la résidence Saint-Agathe, les artistes donnaient ce vendredi les derniers coups de pinceau sous les regards des habitants. Installée sur son balcon, Danièle n’en perd pas une miette. « J’habite là depuis 28 ans et je trouve que c’est bien ce qu’ils font. Pour moi, le bâtiment C, c’est le plus magnifique ! Et puis ça là, indique-t-elle en tendant le bras vers un mur plus éloigné, qu’est-ce que c’est beau ! On dirait une grappe de fleurs. » Mais en pivotant sur la gauche, Danièle aperçoit l’entrée de la résidence et change encore d’avis. « Le plus beau, je crois que c’est ça, à l’entrée. Même mon mari a fait des photos pour les envoyer aux enfants et leur montrer comment la cité est devenue ! »
Cela donne une seconde vie au quartier
Mélissa, responsable du Spot de Sainte Agathe
Mélissa Anton, responsable du spot de Sainte Agathe, en collaboration avec la régie de Macouria, partage l’enthousiasme de Danièle. « C’est une bonne initiative qui change le quartier ; ça lui donne une seconde vie. On a passé un bon moment avec les artistes, on est même un peu tristes qu’ils s’en aillent… » Lorsqu’on lui demande ce qu’elle préfère, Mélissa, comme sa voisine, énumère toutes les fresques du quartier.
Venus de Paris, Jomad et Andrew ont réalisé une des fresques à l’entrée. Pour leur première venue en Guyane, les deux artistes, elle originaire de Martinique et lui Américain d’origine vietnamienne, ont été séduits par la multiculturalité de notre territoire. « Il nous paraissait intéressant de créer une dynamique autour d’un repas qui réunit toutes les communautés », indique le duo.
Face à ce festin, une danseuse indienne gracieuse, sourit aux visiteurs. « J’ai voulu représenter une danseuse indienne parce que je suis moi-même d’origine indienne, indique Brady, qui a réalisé l’œuvre. Je trouve que nous ne sommes pas assez représentés. C’est ma façon à moi de faire un clin d’œil à ma communauté et, même si je suis né en Guyane, de ne pas oublier mes racines. Je crois qu’inconsciemment j’ai représenté ma mère. »
C’est ma façon à moi de faire un clin d’œil à ma communauté et, même si je suis né en Guyane, de ne pas oublier mes racines.
Brady, de Muzé Laru
Désormais, à la résidence Saint-Agathe, les noms des bâtiments sont agrémentés de dessins à la manière des imagiers pour enfants : C comme cartable, G comme graffiti… De petites touches qui relient les bâtiments entre eux et réalisés par Scimo.
Invitées par Muzé Laru, Sangel et Mawalum collaborent pour la deuxième fois. Cette fois, les deux jeunes femmes ont choisi de peindre un visage déstructuré et auquel se mêlent des éléments de la nature, avec des symboles kali’na.
Non loin de là, Emi, dont les motifs sont désormais bien connus des amateurs d’art en Guyane, a opté pour un mélange entre réel et irréel. « Comme la base est un cylindre, je trouvais sympa de faire comme un mur qui s’ouvre sur un monde imaginaire, une peu cartoon, avec des éléments qui rappellent la Guyane : un domino, un masque de carnaval, un coq de roche, et un atipa pour faire un clin d’œil au festival ! »
C'est une ouverture sur un monde imaginaire
Emi, du collectif Muzé Laru
Face à la création d’Emi, se dresse un personnage fier, menton levé, front haut. « J’avais envie de représenter un personnage businengué, avec un costume traditionnel indique Azer. J’en ai discuté avec les enfants du quartier qui m’ont parlé d’un de leur. Il s’est habillé chez lui et m’a envoyé sa photo. »
Derrière le garçonnet, Azer a rajouté un fromager, des lucioles, des motifs évoquant le tembé et une aura « pour lui donner un petit côté spirituel ». Des explications qu’il a eu l’occasion de partager avec les enfants du quartier venus admirer l’œuvre terminée, alors que le festival touchait à sa fin.