Surmortalité des baleines en raison du réchauffement climatique

Baleine à bosse échouée en Alaska, morte de faim.
Des recherches australiennes viennent d’établir que le réchauffement climatique était responsable de la surmortalité des baleines à bosse dans le Pacifique Nord. La température monte et 7 000 baleines meurent. Des résultats compilés sur près de 20 ans. Ces cétacés sont des indicateurs de la santé des océans et les signes sont mauvais.

Selon les chercheurs australiens de Southern Cross University dans une étude publiée le 28 février 2024, 7 000 cétacés sont morts affamés, en particulier durant la période 2013-2016. En moins de 10 ans, 20% des baleines du Pacifique nord ont disparu.

« À cause des eaux très chaudes de l’océan, leur nourriture, constituée de petits poissons et de krill, ces petites crevettes pélagiques, n’est plus là, explique Ted Cheeseman, biologiste des baleines et doctorant à l’université australienne Southern Cross, joint par téléphone. L’eau chaude est moins productive : il y a moins d’oxygène, moins de nutriments…alors, les baleines meurent de faim. Enfin, elles mouraient de faim à cette période. Mais nous savons que les changements climatiques vont entraîner des répétitions de ces mauvaises conditions. »

Pendant 20 ans, le biologiste Ted Cheeseman et ses collègues ont utilisé la plus grande base de données participative de photo-identification : des centaines de milliers d’images de baleines à bosse, en bonne santé ou amaigries et infestées de parasites, les poux de baleines (aussi appelés cyamides) qui se fixent sur des individus particulièrement lents et stressés...

Comparaison d’une baleine à bosse en bonne santé (à gauche) et avec un corps amaigri par la faim (à droite). Les points roses sur le corps de la baleine sont des infestations de poux de baleines (aussi appelés cyamides), caractéristiques d’un animal lent et stressé.

Après l’interdiction de la chasse à la baleine, leur population était en train de se rétablir, passant de 1 200 individus dans les années 70, à 30 000 en 2012. C’était sans compter une autre menace : celle du réchauffement climatique.

« S’il y a moins de krill en Antarctique, dans leur zone de nourrissage, vu qu'ici elles perdent jusqu'à dix tonnes à chaque migration, si elles ne peuvent pas se réalimenter correctement, elles risquent d'être toujours en déficit de masse corporelle et cela peut poser problème », explique le Dr Agnès Benet, directrice et fondatrice de Mata Tohora. 

Baptisée Festus, cette baleine à bosse mâle (photo ci-dessous), habituée des côtes d’Alaska pendant 44 ans où elle revenait se nourrir chaque été, est retrouvée morte de faim en 2016.

Une baleine à bosse adulte mâle, surnommée Festus, retrouvée morte près de Glacier Bay (Alaska) en juin 2016, pendant une vague de chaleur des eaux sans précédent dans le Nord-Est de l’Océan Pacifique. Les biologistes ont déterminé qu’il avait plusieurs problèmes de santé, mais la principale cause de son décès est la faim.

Dans le Pacifique Nord, les baleines à bosse ont le ventre noir et se déplacent entre les eaux froides de l’Alaska où elles se nourrissent et les eaux chaudes autour de Hawaii.

Dans le Pacifique Sud, elles ont le ventre blanc et naviguent entre le pôle Sud et les eaux polynésiennes où elles viennent se reproduire et mettre bas.

S’il s’agit de la même espèce, les scientifiques ne sont pas certains que ces deux populations se rencontrent parfois. 

Elles régénèrent l'eau quand elles descendent très profond...elles font un brassage de l'eau. Dans toute la chaîne alimentaire, elles ont un rôle à jouer comme chaque maillon de la chaîne. Même le plus petit maillon comme le phytoplancton est aussi important que la baleine à bosse. [Elles] viennent en Polynésie pour se reproduire et mettre bas leur baleineau dépourvu de graisses à la naissance, donc elles ont besoin d'une eau chaude. C'est pour ça qu'elles quittent les eaux glacées et aussi à cause des glaces qui peuvent les piéger.

Dr Agnès BENET –

Directrice et fondatrice Mata Tohora

"Elles fertilisent les océans," résume Ted Cheeseman.

Au-delà de leur beauté et de leur poids dans le secteur touristique, les baleines sont un indicateur clair de la santé de l’écosystème marin. Leur survie dépend aujourd’hui de la température des océans.