Lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale le 1er octobre, le Premier ministre Michel Barnier a brièvement évoqué les Outre-mer pour annoncer la tenue d'un nouveau CIOM (Conseil Interministériel des Outre-mer), au premier trimestre 2025.
C’est quoi un comité interministériel ?
C’est un organe de concertation associant ministres et hauts fonctionnaires, sous l’autorité du Premier ministre. Ces comités sont créés par décret et visent à coordonner l’action de l’Etat dans un domaine particulier. Objectif : s’assurer de l’avancement des dossiers et de la bonne application des mesures décidées par le gouvernement.
On peut citer le Comité interministériel dédié à l’enfance, aux transports ou encore à la sécurité.
Le premier CIOM, c’était il y a 15 ans
Nous sommes le 6 novembre 2009 lorsque le tout premier Conseil Interministériel de l’Outre-mer se tient à l’Elysée. On ne parle pas encore de comité.
En effet, ce conseil est directement placé sous l’autorité directe du président de la République à cette époque, c’est Nicolas Sarkozy. Le conseil voit le jour, dix mois après la grave crise sociale aux Antilles et La Réunion.
Un catalogue de 137 mesures est alors présenté. Plan de soutien aux PME, facilitation d’accès au logement social, politiques d’amélioration du pouvoir d’achat.
Pour élaborer de nouvelles mesures, le conseil s’est ainsi appuyé sur les travaux des Etats généraux de l’Outre-mer lancés en février 2009 pour sortir de la crise qui avait paralysé la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion début 2009.
Regarder le reportage de Réunion la 1ère :
Des Assises et un Livre bleu Outre-mer
Mai 2017, Emmanuel Macron est élu président de la République. Cinq mois plus tard, le chef de l’Etat lance les Assises des Outre-mer, une consultation inédite, un temps d’échange pour faire entendre la voix ultramarine à travers des ateliers.
Avec trois objectifs :
- réaffirmer la détermination de l’Etat à accompagner les Outre-mer pour faire face aux défis et aux déséquilibres qui menacent aujourd’hui la cohésion de leurs sociétés ;
- aider les Outre-mer à se réinventer, pour en faire des territoires d’excellence et d’innovation ;
- redonner la parole à ceux qui ne la prennent plus et ont perdu confiance en l’action publique.
25 000 citoyens ont ainsi participé à ces Assises qui ont permis la rédaction du livre bleu Outre-mer en juin 2018. Ce document constitue la feuille de route du Gouvernement pour le quinquennat.
Dix ans plus tard, un second CIOM
Il faudra attendre dix ans avant le retour du "Comité interministériel des Outre-mer". Le 22 février 2019, le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, chapeaute ce premier comité du quinquennat d'Emmanuel Macron. Objectif : faire un point d’étape après les Assises des Outre-mer. La lutte contre habitat insalubre et les monopoles font partie des priorités.
Pour lutter contre la vie chère et les monopoles, l’une des décisions du CIOM a été la nomination d’un délégué interministériel à la concurrence en Outre-mer. Sa mission : "renforcer la transparence des prix en outre-mer par la lutte contre les pratiques commerciales déloyales ainsi que les ententes et les abus de position dominante".
Auditionné en mai 2023, ce dernier concède, "je n’ai pas de moyens. Je suis un homme seul. Je ne consacrais pas un plein-temps à l’Outre-mer […] En 2019, j’ai fait quasiment un mi-temps sur l’outre-mer. En 2020, j’ai plutôt fait un tiers-temps. Cela s’est un peu diminué au fur et à mesure".
Septembre 2019, un nouveau CIOM réunit quinze ministres autour d’Édouard Philippe et d’Annick Girardin, ministre des Outre-mer. Sur les 333 mesures du Livre bleu, le gouvernement précise que 85% de ces mesures étaient déjà engagées.
Alors que le Premier ministre de l’époque souhaitait un CIOM tous les semestres, il faudra en réalité attendre quatre ans avant le retour d’un nouveau comité consacré aux préoccupations ultramarines.
2023 : 72 mesures pour les Outre-mer
Après un remaniement, une nouvelle Première ministre est à la tête du gouvernement. En juillet 2023, après de multiples reports, Elisabeth Borne réunit le 18 juillet 2023, une vingtaine de ministres pour présenter des mesures afin de répondre aux enjeux des territoires ultramarins.
Un nouveau CIOM pendant lequel 72 mesures sont annoncées, dont la gratuité des manuels scolaires, des aides à la rénovation de logements, ou encore le soutien aux producteurs locaux de fruits et légumes.
La réforme de l’octroi de mer et la lutte contre la vie chère sont, une fois de plus, au cœur de ce comité. Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire promet une réforme "en profondeur" de l’octroi de mer "qui contribue à la vie chère en Outre-mer". "L’objectif est celui d’une réforme définitive totalement appliquée en 2027" déclare le ministre. Et il s’engage à garantir " le même niveau de recettes" pour les collectivités locales.
Premier bilan d’étape : 10 mesures effectives
Quatre mois plus tard, les 23 et 24 novembre 2023, le gouvernement propose un point d’étape pour constater les avancées et accélérer la mise en application des mesures annoncées.
Encore une fois, c’est la réforme de l’octroi de mer qui est au cœur des échanges. Les élus réunionnais prennent alors acte de la future réforme de l’octroi de mer mais comptent bien contribuer au processus. Tous ne sont pas opposés à un changement, mais pas radical.
"L’octroi de mer, c’est essentiel, détaille Serge Hoareau, le président de l’association des maires de La Réunion. Le ministre nous a entendus. Nous ne sommes pas opposés à un toilettage, mais en aucun cas une réforme en profondeur."
"Il faut regarder les véritables causes de la vie chère, qui sont l’absence de véritable concurrence sur nos territoires et la faiblesse des revenus ", poursuit le député Philippe Naillet, qui concède qu’il est nécessaire de "dépoussiérer" cette taxe mise en place sous Louis XIV pour l’adapter aux évolutions de l’économie réunionnaise.
Le ministre délégué aux Outre-mer de l'époque, Philippe Vigier, opte pour un bilan territoire par territoire. Et affirme que « dix mesures sont déjà effectives et quinze en cours de finalisation concernant tous les domaines de la vie pratique des habitants ».
Les 10 mesures effectives :
- Soutien à la création d’investissements destinés à stimuler la croissance des PME.
- Mise en œuvre d’un programme "Accélérateurs petites entreprises" dans chaque bassin.
- Accompagnement des plans de souveraineté alimentaire des territoires.
- Donner aux agriculteurs les moyens de protection adaptés contre les organismes nuisibles.
- Augmentation de l’aide à l’amélioration de logement de l’ANAH pour les propriétaires modestes.
- Renforcement des leviers d’action pour l’aménagement urbain du Fonds régional d’aménagement foncier et urbain (FRAFU).
- Réforme de la politique de continuité territoriale et de LADOM.
- Augmentation des bourses étudiantes.
- Mise en cohérence de l’appréciation du centre des intérêts matériels et moraux des fonctionnaires de l’État.
- Adapter le dispositif du Zéro artificialisation nette aux enjeux des Outre-mer.
Un CIOM en 2025
Cela fera un an que le CIOM n’a pas été réuni. Le nouveau gouvernement de Michel Barnier a fort à faire. Les dossiers brûlants en Outre-mer ne manquent pas, à l’instar de la mobilisation contre la vie chère en Martinique. Le Premier ministre compte bien "lutter rapidement contre la vie chère qui frappe nos compatriotes" a-t-il déclaré lors de son discours de politique générale, ce mardi 1er octobre.
Michel Barnier promet donc la tenue d’un nouveau comité interministériel des Outre-mer "durant le premier trimestre 2025" avec les élus et les organisations professionnelles. L'objectif sera "de valoriser les ressources propres, agricoles, forestières, maritimes, énergétiques" des Outre-mer au "bénéfice direct de leurs habitants".