"Vie secrète du Touloulou" est une plongée dans l’imaginaire de 9 auteurs. Les personnages se dévoilent, s’entrecroisent, tombent le masque. Les Touloulous, femmes auréolées de mystère, mènent le bal d’une main de fer, jusqu’à l’extinction des lumières. Elles apparaissent alors, dans la brutale cruauté du jour.
L’ouvrage édité par Mahury éditions, est soutenu par la Collectivité territoriale de Guyane. Les auteurs sont des talents confirmés ou non. Ils ont participé à cette déclinaison, d'une même variation, orchestrée par un Vaval omniprésent.
Entre sagesse, perversion, morale, rires, passion, premiers émois, les courts récits s’enchaînent et entraînent le lecteur dans une ronde endiablée. Le Touloulou s’y dévoile dans toute sa majesté. Le Touloulou a le pouvoir, le temps de quelles nuits. Un pouvoir éphémère, certes, mais ô combien jubilatoire.
Des souvenirs et des commandements
II y a en ouverture de bal, cette marche saccadée qui rythme le récit de Catherine Lama "Un petit oiseau des îles en temps de Carnaval". Odette, fait sa marche sportive un matin de Carnaval, elle se remémore sa première fois dans un dancing. D’abord observatrice, détachée, la jeune Odette découvre un nouvel univers, une débauche de couleurs, de tissus, de rythmes effrénés, de mouvements… Le lecteur très vite, est emporté par la sensualité du récit, jusqu’à la chute, qui laisse pantois.
Dans "Soirée de Touloulou", Cristalle Deroche nous fait vivre le parcours initiatique de cette reine d'un soir. Marie-Julie est un Touloulou distingué. Elle choisit avec soin ses tenues et ses accessoires, et dévoile, au fil du récit, les préparatifs de ces soirées uniques. Un entraînement digne des athlètes de haut niveau. Le style narratif est vif et rapide : les musiques entêtantes dans les dancings, le choix des cavaliers, les titres qui s’enchaînent, l’atmosphère humide et chaude, les commandements du Touloulou…
Rémi Peru-Dumesnil dans "Roi qui n’est pas Vaval" confirme son style poétique, son amour des mots, et des phrases imagées. Une voix centenaire, du haut de son piédestal, raconte son Carnaval au fil des ans. Ce témoin silencieux, en a vu des choses, entendu des histoires. Il est las de tant de vacarmes, et rêve de pouvoir se transformer, et lui aussi aimer.
De nouvelles "traditions" et l'enfer sur terre
Les années s’égrènent, les traditions mutent, les Tololos, les hommes masqués prennent le pouvoir et inversent les rôles. Brijitt Cayusa, dans "Tololo men nou" raconte ces soirées pailletées, où femmes et hommes partagent à leurs risques et périls, un fougueux jeu de rôle.
Et il y a les autres, ceux pour qui le Carnaval est l’enfer sur terre. Des turpitudes racontées avec sensibilité et talent par Guilénia dans "Lucette ke Ramos". Ramos est un marin. Il aime Dieu, il aime sa femme. Il est souvent en mer. C’est une torture de laisser sa femme seule, en ces temps brûlants. Lucette est si affectueuse, si charmante, elle rassure son homme. L'auteur, nous invite dans les tourments persistants de Ramos partagé entre sa foi, et le doute qui grandit…
Mémoire traumatique pour "De fil en aiguille" de Audrey Virassamy. Ally a pour passion la couture. En toile de fond du récit apparaissent des superpositions des frous frous, tissus, rubans, volants, étoffes aux couleurs vives et étincelantes. Seulement, Ally est un Touloulou cassé. Elle fait le choix d’un acte extrême pour se réparer.
Nostalgie,toujours, avec "Mon dimanche de Carnaval saint-laurentais de Kel... Une description du carnaval d'antan dans l'Ouest guyanais.
Enfin, les Touloulous peuvent vivre de véritables drames internes, assises sur les bancs d’un dancing. Très drôle; "Touloulou pieds nus" de Néné, rappelle qu’un Touloulou doit être prêt à affronter bien des tempêtes.
Ces récits sont comme pris sur le vif. Tous décrivent une ambiance qui n’existe nulle part ailleurs. Les vies secrètes du Touloulou resteront d'éternelles sources d’inspiration.