Les familles d’un défunt célèbrent sa mémoire par un chant. Un récit composé qui peut durer une heure. Exemple avec cet extrait de chant funèbre pour Nasalio Leleivai, qui travaillait à Wallis et Futuna 1ère.
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Chant funèbre pour Nasalio Leleivai
Pour célébrer leurs proches défunts, les familles wallisiennes et futuniennes peuvent commander un chant. Parfois des mois ou un an après l’enterrement, cette célébration a lieu. La famille choisit l’auteur-compositeur. Il accepte toujours. Parfois même pour une personnalité, certains auteurs-compositeurs offrent ce chant.
La famille du défunt peut aussi demander un accompagnement musical (guitare, ukulélé). En échange, elle apporte des cadeaux : nattes de pandanus tressé, tapas géants (jusqu’à 10m, qui servent aux mariages, communions, décès), cochons vivants ou cuisinés, féculents crus (igname, tarot, kapé), produits importés (tissus, alimentation…) et de l’argent, suivant les moyens de la famille.
Il chante la vie du défunt
Si l’auteur ne connaît pas assez la personne, la famille lui raconte sa vie, son histoire. Il compose, fait les répétitions. Quand c’est prêt, il prévient la famille et vient interpréter le chant funèbre à domicile. Souvent dans la véranda assez vaste pour accueillir des dizaines de personnes. L’émotion du chant génère des larmes dans l’assistance, hommes et femmes confondus. Parfois, les femmes se lamentent pour exprimer leurs émotions. Mais pour obtenir un enregistrement propre, l’assistance veille aujourd’hui à retenir ses pleurs. Depuis la création de FR3 radio en 1979, Wallis connaît l’importance de l’enregistrement audio.
Ce jour-là, la famille prépare les cadeaux pour remercier l’auteur-compositeur-interprète. Pour cette réunion, certains proches viennent de métropole ou de Nouméa.
130 chants funèbres diffusés à l'antenne
Généralement, cette célébration a lieu pour la Toussaint. Autrefois, un technicien de RFO venait enregistrer dans le village et la chanson passait sur les ondes. Cette diffusion apporte à la famille un sentiment de reconnaissance à perpétuer ce geste d’amour, en faisant connaître son histoire à tout le monde.
Aujourd’hui, les techniciens radio ne se déplacent plus pour enregistrer. La famille réalise les enregistrements elle-même. L’antenne leur réserve des horaires de diffusion. Pour les trois semaines avant la Toussaint 2017, 130 chants funèbres sont ainsi programmés à l’antenne de Wallis et Futuna 1ère.
Longues salutations coutumières
Particularité de ces chansons : elles peuvent durer une heure. La composition du chant commence toujours par les salutations des autorités et de la famille, en rimes. Il y a dans l’ordre : la chefferie coutumière, les autorités religieuses, politiques, administratives. Ce qui représente déjà plusieurs minutes de chant. Pour raconter l’histoire du défunt, les noms des proches sont cités dans les salutations et tout au long du chant. Le texte précise qui a demandé le chant. Les circonstances du décès sont racontées. Une maladie sera décrite, avec par exemple le rôle des médecins dans une évacuation sanitaire à Nouméa. Ainsi que les étapes importantes de la vie du défunt.
En entendant ce récit chanté, ceux qui se sont absentés longtemps du Territoire apprennent alors des détails sur le parcours terrestre du disparu.
De tels chants transmettent la mémoire du peuple à Wallis et Futuna. Mémoire orale, souvent sans support écrit. L’auteur-compositeur peut ainsi retenir une heure de chant, à l’oreille. Certains ont en tête des milliers de chansons.
Chant funèbre pour Nasalio, journaliste futunien récemment disparu
Dans l’extrait du chant funèbre, la vie de Nasalio, journaliste futunien de Wallis et Futuna 1ère. Le chant entier dure 20mn.Version futunienne :
Oiau manu o le vasa
Oiau lona fiafia’aga
KoFutuna nei ke malamalaga
Nasalio lou fata’i ‘aga.
Oiau loku mamae e fanatu
Ave ai lona na’a i loku mafu
Nasalio ki se fiu au
Lou tino lona vakai atu.
Oiau loku fale aulo
Kua solo kua sola Nasalio
Na kau liliu o mativa loa
I le malama o tou nofo
Maumau le vaka na gasolo
Lana laku ki muli o ao.
Traduction en français :
Comme un oiseau de mer
Qui te rendait si heureux
Tu voulais développer ta terre natale
Nasalio, voilà ton vœu pour Futuna
Ma douleur vient à toi
Ton départ m’arrache le cœur
Je ne t’ai pas assez vu
Nasalio, je t’ai perdu
Tu étais pour nous une maison en or
Qui s’écroule par ton départ trop tôt
J’ai perdu ma plus grande richesse
Dans ce monde où tu nous laisses
Tu étais comme un bateau rapide
Derrière l’île au petit matin…
Traduction : Malia Laufilitoga Hautaulu & Martin Bohn