Il est très rare de pouvoir se rendre au camp Brun. Dimanche 7 janvier, c'était donc l'occasion de découvrir les lieux, au cours d'une visite guidée organisée par l'association Marguerite comme elle a commencé à le faire en septembre 2023. Ce site historique a marqué les bagnards par ses conditions de vie particulièrement difficiles.
"Le camp de l'abattoir"
Sous un soleil accablant, sans le moindre vent, les visiteurs ont découvert les conditions de vie au camp Brun. Surnommé "le camp de l’abattoir", l’endroit était réputé comme étant l’enfer de la Pénitentiaire.
Bagnards de quatrième classe
Les hommes envoyés sur ce site faisaient partie de la quatrième classe des bagnards. Pour se retrouver déplacés dans cet enfer, ils s'étaient rendus coupables de tentative d’évasion, de rébellion ou de divers délits. "Il fallait gérer ceux qui étaient les fortes têtes", explique aux visiteurs le guide du jour, Manu Cormier, trésorier de l'association Marguerite. "Comment faire puisqu'il n'y avait plus les châtiments corporels ? La solution, c'était le camp Brun."
Il fallait gérer ceux qui étaient les fortes têtes. Comment faire puisqu'il n'y avait plus les châtiments corporels ? La solution ,c'était le camp Brun.
Manu Cormier, membre de l'association Marguerite
Dix heures de travail par jour
De 1887 à 1895, les bagnards participent à la construction de la route depuis la Ouaménie jusqu’à Ouatom. En huit ans, ils enlèvent plus de 40 000 mètres cubes de terre. En moyenne, chacun effectuait dix heures de travail par jour, avec seulement 300 g de pain et un peu d’eau pour survivre.
Pour se loger, pas d’abri éphémère, mais des dortoirs avec des murs en pierre et des toits en tôle. Les hommes étaient enchaînés en permanence. " Au vu de la nourriture, de l'habitat hyper sommaire, de la qualité de l'eau, rien n'était fait pour les maintenir en vie, je pense, réagit Aurélie Augy, touriste. On ne les tuait pas, mais ce n'était pas loin, quand même."
Mauvais traitements
Le quotidien de ces forçats était rendu encore plus dur par les mauvais traitements infligés par les surveillants et la police indigène. En fonction des punitions, les bagnards sont enfermés dans des cellules collectives ou des cachots exigus. "Allongés à même le sol, les pieds liés, c'étaient quasiment des morceaux de bois, c'était compliqué", découvre Olivier Thupako, en visite sur le camp.
Pas d'évasion possible
Ici, pas d’évasion possible, mais pour être évacués sur l’île Nou, dans la capitale, certains s’infligeaient des fractures ou des infections volontaires. Les premiers à tenter l'expérience furent hospitalisés, mais ensuite les bagnards dits "mutilés" étaient maintenus dans le camp. "Résultat, en 1893, un arrêté officiel va créer une section de mutilés, raconte Manu cormier. Et on va les conserver en adaptant leur activité au handicap."
"Savoir comment on est arrivés ici"
Parmi ces visiteurs, la descendante d’un détenu. Son ancêtre, originaire du Limousin, en France, est envoyé au bagne de Nouvelle-Calédonie en 1876, il était âgé de 20 ans. Il fut envoyé par la suite au camp Brun. "Une partie des Delathière est originaire du bagne, l'autre partie des colons libres, les colons Feillet. C'est important de perpétuer ce souvenir et de savoir comment on est arrivés ici", témoigne Pauline Delathière, descendante d'un bagnard du camp Brun.
150 décès en huit ans
La capacité de ce camp était de 300 condamnés. En huit ans, 150 décès y ont été recensés, mais le nombre de morts serait en réalité plus important.