"Celui qui se mettait en travers de notre chemin on le chatouillait jusqu’à le faire tomber". Des Chatouilleuses racontent leur combat

Mama Halima ici en orange et Salama Allaoui en blanc
Zakia Madi, Boueni Mtiti, Mouchoula, Coco Djoumoi, Zaïna Meresse ou encore Zéna M'Déré, voici une liste non exhaustive des figues du mouvement des Chatouilleuses. 23 ans après la mort de leur cheffe de file Zéna M'Déré décédée le 27 octobre 1999, la plupart se sont éteintes mais certaines sont encore parmi nous à l'instar de Mama Halima et Salama Allaoui.

Les gendarmes venus de Comores et de France venaient barrer le chemin au niveau du Four-à-Chaux quand ils voyaient qu’on attendait nos camarades de Grande-Terre venus nous apporter à manger. Nous coûte que coûte on devait repartir avec notre nourriture. Et certains gendarmes nous jeter un produit étrange sur les pieds. Je ne sais pas ce que c’était. (...) Celui qui se mettait au travers de notre chemin on le chatouillait jusqu’à le faire tomber

Cette histoire c'est celle de Mama Halima et Salama Allaoui ainsi que celle de l'ensemble des Chatouilleuses. Si les traits de leurs visages sont fatigués par le temps à 82 ans leurs souvenirs sont intacts et toujours aussi vifs. Nous les avons rencontrés chez elles à Labattoir en Petite-Terre. 

À l'époque du mouvement des Chatouilleuses, mouvement ( né en 1966 au moment du transfert la capitale de Dzaoudzi à Moroni ) pour réclamer le maintien de Mayotte dans la République française, elles étaient encore très jeunes mais c'est sans aucune hésitation qu'elles ont rejoint les rangs de leur cheffe de file, Zéna M'Déré. Pour ne pas risquer de finir en prison, ces militantes avaient choisi les chatouilles mais en réalité Mama Halima ne cache pas qu'elles ont eu recours à la force avec des jets de pierres notamment. 

On cachait les cailloux sous nos vêtements

Mama Halima

En retour, les militantes ont essuyé de sévères confrontations avec les forces de l’ordre. Le 13 octobre 1969, Zakia Madi, l'une de leurs camarades trouve la mort lors d'un affrontement entre partisans et adversaires de l'indépendance place de l'ancien marché à Mamoudzou qui porte aujourd'hui son nom pour saluer sa mémoire. 

Elle est morte ce jour là, d'autres ont eu les bras cassés et jusqu'à l'heure d'aujourd'hui n'ont jamais réussi à retrouver l'usage de leurs bras

Salama Allaoui

Des souvenirs douloureux. Mama Halima et Salama Allaoui nous relate également un autre moment difficile, la perte de leur cheffe de file le 27 octobre 1999. Pour des raisons de santé, toutes les deux n'ont pas pu se rendre au maoulida shengué organisé ce lundi 31 octobre à Pamandzi à l’occasion du 23ème anniversaire de sa mort. 

Zéna M'Déré c'était un enfant, une mère, un père, une grand-mère, un chef de famille. Après son décès on a souffert car c’était notre maman à tous. Quand elle disait on dort, on dormais, on se met au garde à vous et nous nous exécutions.

Mama Halima

Mama Halima et Salama Allaoui

Mama Halima et Salama Allaoui regrettent qu'à l'heure d'aujourd'hui leur mouvement ne figure toujours pas dans les manuels scolaires d'Histoire à Mayotte car sans ce combat il n'y aurait jamais eu les deux référendums de 1974 et de 1976, durant lesquels les Mahorais ont signifié leur souhait de rester Français.

La lutte a certes abouti mais pour les deux militantes le combat n'est pas terminé.