Depuis quatre ans, le réalisateur Jean-Claude Barny travaille à la concrétisation d’un projet qui lui tient à cœur : mettre en lumière et projeter sur grand écran le parcours de Frantz Fanon. Le film est entré dans sa phase finale : les dernières touches au montage et à la post-production. Il devrait sortir dans les salles en octobre prochain aux Antilles, puis en novembre dans l’Hexagone.
Le Martiniquais Frantz Fanon était psychiatre, un écrivain engagé, une figure emblématique de la lutte contre l'oppression coloniale, pour l’indépendance de l’Algérie et l’émancipation du tiers-monde (une notion, d’ailleurs, dont il est le précurseur).
À mon sens et pour beaucoup d’autres, c’est un homme d’exception. C’est, pour moi, une des figures majeures du 20ème siècle. Il a révolutionné la psychiatrie, totalement, de fond en comble. Il a été un des premiers militants qui ont conscientisé et expertisé l’anticolonialisme.
Jean-Claude Barny, réalisateur du film "Fanon"
À tel point, qu’encore aujourd’hui, il est cité en modèle et en source d’inspiration par bon nombre de personnes, parmi lesquels, outre des citoyens, des personnalités politiques, ou encore des auteurs.
Réaliser un long-métrage zoomant sur ce personnage est synonyme de pari osé, pour le cinéaste. Quel sera l'accueil réservé à ce film, par une France qui peine encore à reconnaître son passé colonial ?
C’est vrai que la référence à Frantz Fanon permet de penser à tous les peuples qui ont été colonisés. Sa figure rassemble la pensée coloniale de la France et aussi de l’Occident. Et je pense aussi que dans sa démarche de mettre réellement une sorte d’expertise scientifique là-dessus, ça nous permet de ne pas être dans un à-peu-près ou dans un phantasme. Le trait de Fanon est très concret, il est sourcé, grâce à la psychiatrie, il nous permet de voir où on en était dans les années 50.
Jean-Claude Barny, réalisateur du film "Fanon"
Jean-Claude Barny veut faire connaître l’homme, alors que le discours de celui-ci n’a pas trouvé d’écho de son vivant, au sein d’une société française qui ne voulait pas entendre ses idées, considérées comme radicales.
Je pense qu’avant de regarder son travail, son œuvre littéraire ou son travail de psychiatre, il faut aussi savoir, avec empathie, qui il était, d’où il est parti et où il est arrivé. Il est mort très jeune, donc je pense sincèrement que ce film-là, c’est une sorte de ligne pour commencer à le connaître intimement.
Jean-Claude Barny, réalisateur du film "Fanon"
Au casting, Frantz Fanon est incarné par Alexandre Bouyer, acteur inconnu qui est saisissant par sa ressemblance avec le héros martiniquais, dans le film.
Le budget du film "Fanon" s’élève à 3 millions d’euros. Un budget confortable pour un film d’auteur, mais loin des sommes allouées aux blockbusters, du point de vue du réalisateur.
Pour autant, ce dernier veut l’offrir au plus grand nombre, pour exposer un personnage qui parlait au monde d’êtres humains, sans distinction de couleur, ni de position sociale.
À (RE)VOIR/
Le réalisateur Jean-Claude Barny était l’invité de Laetitia Broulhet, dans le journal télévisé "Guadeloupe Soir" du samedi 30 mars 2024 :
Frantz Fanon parlait d’un système et je pense qu’aujourd’hui, par rapport à ce qui se passe dans le monde (je pense essentiellement au conflit Israëlo-palestinien), Fanon a vraiment quelque chose à nous dire, pour prendre conscience que cette parole nous a manqué. On a manqué d’outils, de pédagogie, pour mieux évoluer dans ce monde.
Jean-Claude Barny, réalisateur du film "Fanon"