Née en Guadeloupe, Gwenaëlle a grandi avec un mal-être qu’elle n’arrivait pas à comprendre. "Pendant l’adolescence j’ai constaté certaines choses qui étaient différentes des autres", explique-t-elle.
Incapable de mettre des mots sur ce ressenti, elle confie qu’à l’époque, voir son reflet dans le miroir lui procurait une forme d’inconfort physique. "Je savais que quelque chose n’allait pas, mais je ne pouvais pas l’expliquer, ni l’accepter".
Elle décide alors de vivre "comme un petit garçon pour rentrer dans le moule, ne pas être différent."
Les années passent, en 2012, Gwenaëlle quitte sa terre natale pour Paris. Un choix professionnel et aussi motivé par le besoin de liberté, loin des jugements de la société guadeloupéenne.
Mais à 32 ans, son mal-être devient insupportable, sa vie bascule, elle tente de mettre fin à ses jours.
Heureusement, elle trouve du soutien, auprès de psychologues : "J’ai eu l’aide de bonnes personnes, qui m’ont guidée, m’ont permis de trouver ma voie, ma personne". Elle insiste sur l’importance de l’accompagnement : "L’écoute est essentielle pour les personnes trans, qui se retrouvent souvent isolées."
Un parcours et un soutien unique
Soutenue par ce suivi, elle commence un traitement hormonal et entame enfin sa transition. Pour Gwenaëlle, ce processus a été une libération. "Les hormones ont féminisé mon corps". Mais chaque personne trans vit son propre chemin. Il n’y a pas de règles, le traitement médical n’est pas obligatoire, c’est un choix personnel.
Les transitions sont propres à chacun, en fonction de comment ils le ressentent dans leur corps. Gwenaëlle martèle, "C’est la meilleure des choses, il faut respecter ça".
Ma famille m’a acceptée
Gwenaëlle a grandi au sein d’une famille guadeloupéenne, classique, chrétienne.
L’annonce de sa transition n’a pas été simple, mais ses proches ont su faire preuve d’ouverture. "Il y a eu un temps d’adaptation, d’acceptation. Ils pensent qu’en changeant de genre, ils perdent une partie de leur enfant, mais ils s’aperçoivent très vite, que rien ne change à part que leur enfant est bien plus heureux qu’il ne l’était avant".
Elle se considère comme chanceuse, car elle est consciente que beaucoup de personnes trans ne bénéficient pas de ce soutien familial.
Sa transition n’a pas freiné sa carrière professionnelle. Depuis 21 ans, Gwenaëlle travaille comme Personnel Navigant Commercial (PNC). "J’ai été steward pendant dix ans, puis après ma transition, je suis devenue hôtesse de l’air. Ça fait maintenant 11 ans."
Le 20 novembre, une journée pour se souvenir
Depuis 25 ans, le 20 novembre marque la Journée internationale du souvenir trans, une journée pour honorer la mémoire des personnes trans victimes de violences et de discriminations.
"C’est une journée essentielle. On parle de toutes celles et ceux qui ont été tués simplement parce que trans. Cette année, en France, on compte déjà cinq homicides, dont deux personnes trans qui ont été décapitées".
Gwenaëlle rappelle aussi que le suicide est un fléau dans la communauté trans. "Environ 37 % des personnes trans ont tenté de mettre fin à leurs jours. Les jeunes de 18 à 25 ans sont les plus touchés, mais les personnes plus âgées souffrent aussi de l’isolement."
Elle ajoute avec émotion : "Cette année, deux jeunes trans se sont suicidés, victimes de harcèlement scolaire".
En Guadeloupe, il y a encore beaucoup à faire
En Guadeloupe, la situation reste difficile à documenter mais les discriminations et violences sont bien présentes. "En 2023, six agressions LGBT-phobes ont été recensées."
Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité, car beaucoup n’osent pas porter plainte.
Au-delà des agressions, les regards, moqueries, jugements sont quotidiens pour les personnes trans. Le changement des mentalités passera forcément par l’éducation affirme Gwenaelle : "Il faut apprendre aux enfants à accepter les différences, qu’elles soient de genre, de couleur ou de culture. On demande juste le respect de notre existence".
Gwenaëlle consacre aujourd’hui une partie de son temps au militantisme. Membre de l’association Amalgame Humanis, elle participe à la création de la section Native : "L’idée est d’accompagner et prendre en charge les personnes dans la diversité, le respect des cultures", explique-t-elle.
Elle milite aux côtés de Secret Out, association LGBTQ+ en Guadeloupe et œuvre activement avec son association pour qu’un centre LGBT puisse enfin être créé sur son île natale.