Crise en Nouvelle-Calédonie : le monde économique salue l’aide de l’Etat mais l’estime insuffisante

Dans le secteur du Médipôle à Dumbéa-sur-mer, quasiment tous les commerces ont été incendiés ou saccagés.
Un peu plus de trois semaines après le début des émeutes, une vingtaine d’adhérents du Medef-NC s’est rassemblée à Ducos, zone particulièrement touchée par les incendies. Au lendemain des annonces de l’Etat en matière d’aide économique, petits entrepreneurs et grands patrons alertent sur la situation catastrophique des entreprises calédoniennes.

"L’économie de la Nouvelle-Calédonie est à terre". "Sa reconstruction dépendra de nos politiques". Ce sont les messages lancés par les entrepreneurs de Nouvelle-Calédonie à Ducos, ce jeudi matin. Une vingtaine d’adhérents du Medef-NC s’est réunie devant Ducos Factory, l’une des premières sociétés pillées et incendiées pendant la crise.

Les entrepreneurs ont exprimé avec colère l’étendue du désastre : plus de 600 entreprises touchées et déjà 6 000 emplois perdus. Mais aussi plus d’1 milliard et demi d’euros de dégâts (179 milliards CFP).

Des salariés menacés de licenciement

Pour Laurent Vircondelet, le président de la fédération du commerce de Nouvelle-Calédonie, le secteur marchand est le plus touché par la crise. "On ne pourra pas assurer les salaires du mois de juin. Il va falloir qu’on se sépare de nos salariés", déplore Laurent Vircondelet, lui-même chef d’entreprise.

La complexité des procédures administratives a été posée sur la table. "Les expertises des dégâts ne peuvent être menées. Comment faire pour reconstruire sans garantie ?", interroge le président de la fédération du commerce.

Des pharmacies touchées

Dans le secteur du nickel, 15 à 20 000 personnes "sont sur le carreau", estime les entrepreneurs, en raison des difficultés que rencontrent les trois usines et, par ricochet, leurs sous-traitants. Certaines entreprises ne peuvent plus financer les congés payés.

Un appel est lancé aux élus calédoniens pour se mettre autour de la table des discussions. Car la crise actuelle engendre des conséquences multiples. Sur la santé des Calédoniens par exemple. Cinq pharmacies ont brûlé, à commencer par le grossiste GPNC (groupement des pharmaciens calédoniens), qui assurait l’approvisionnement de 50 % du volume des médicaments sur le territoire. Soixante-dix professionnels du secteur sont concernés.

Les aides de l'Etat vont toucher un grand nombre d’entreprises. Néanmoins, elles nous semblent être une goutte d’eau face à l’ampleur des dégâts.

Mimsy Daly, présidente du Medef-NC


Les politiques interpellés par les patrons

Des réponses fortes de l’Etat et du gouvernement sont attendues par ces chefs d’entreprise, qui rappellent que la compétence économique appartient au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. "Quand tout va bien on gère entre nous. Quand tout va mal, on se tourne vers l’Etat", résume avec amertume un entrepreneur, qui évoque les difficultés administratives avec les assurances.

Pour le Medef-NC, reconstruire ne dépendra "que de nos politiques". Ainsi, sa présidente Mimsy Daly "aimerai[t] entendre le président du gouvernement s’exprimer sur la situation actuelle". "Les premières mesures ont été annoncées par l’Etat hier soir. Elles sont arrivées rapidement, salue Mimsy Daly. Elles vont toucher un grand nombre d’entreprises. Néanmoins, elles nous semblent être une goutte d’eau face à l’ampleur des dégâts."

Une énorme crise sociale en perspective

La patronne du Medef-NC a rappelé que "le secteur privé finan[çait] en grande partie la Nouvelle-Calédonie, via les cotisations sociales et patronales". "La destruction de notre outil économique, qui se poursuit aujourd’hui avec le maintien des blocages, tout le monde va le payer. Notre système de santé, de retraite, d’aides au logement... Tout cela est financé par les prestations sociales et l’impôt. Aujourd’hui, on est très inquiet de cette situation parce qu’on pense qu’à la crise économique, qui vient d’être créée, va s’ajouter une crise sociale énorme dont probablement peu de gens ont conscience."

Relancer l'économie

Elizabeth Rivière, la présidente de la Chambre de métiers et d’artisanat, qui était l’invitée du journal de NC la 1ère, ce jeudi midi, a salué le fonds de soutien annoncé par Paris, tout en rappelant que ce n’était pas une compétence de l’État. Cette aide "va permettre aux petites et très petites entreprises de pouvoir commencer à avoir un espoir de relancer l’économie en Nouvelle-Calédonie car c’est très difficile", souligne Elizabeth Rivière, qui indique que ces aides pourront être allouées d'ici une dizaine de jours.

La présidente de la CMA rappelle aussi que la Province sud "a mis en place des mesures d’aide pour accompagner les chefs d’entreprise à payer les salaires du mois de mai", mais elle déplore un manque de "visibilité concernant le gouvernement de la Calédonie".

150 entreprises artisanales touchées

Parmi les 600 entreprises touchées, on dénombre plus de 150 entreprises artisanales, selon la Chambre, qui précise que beaucoup de ces entités sont des très petites entreprises, voire des entreprises individuelles. À cause des blocages, beaucoup n'ont pas pu se déplacer. La peur du contexte et de l'avenir a mis aussi un coup d'arrêt aux commandes.

La CMA accompagne autant que possible ses ressortissants, par des appels réguliers. Certains chefs d'entreprise "sont en larmes", confie sa présidente. Les assureurs ont été appelés "à être bienveillants" et des dispositifs, rappelle la chambre, existent avec les banques pour reporter les échéances de crédit.