GRAND ANGLE. 21% des 18-75 ans fument quotidiennement à La Réunion. Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable.

Tabagisme
Un cancer sur trois est provoqué par le tabagisme. A La Réunion, 21% des plus de 15 ans fument quotidiennement. Quelles conséquences sur la santé ? Comment combattre cette addiction ? C’est l’objet du grand angle de la semaine sur Réunion la 1ère Radio, ce vendredi 24 mai, à 18h.

Le tabagisme est responsable de près de 600 décès par an à La Réunion. C’est la première cause de mortalité évitable, ainsi que le premier facteur de risque de cancer. Quelles sont les conséquences du tabac sur la santé ? Comment s’en sortir ? Focus sur le tabagisme avec des témoignages poignants, dans le grand angle de Réunion la 1ère Radio.

Il est diffusé ce vendredi 24 mai, à partir de 18h sur nos ondes.

Ecoutez un extrait du grand angle :

Cancers de la gorge, des cordes vocales et du larynx

Philippe Regnier fumait 3 paquets de cigarettes par jour pendant 40 ans. Les conséquences sont lourdes: il a été diagnostiqué d’un cancer, de stade 4, de la gorge, des cordes vocales et du larynx, en 2010.

Philippe est aujourd'hui guéri du cancer, mais s’exprime uniquement grâce à un laryngophone, un appareil médical destiné aux personnes ayant subi une ablation des cordes vocales.

Philippe Regnier, président de l'association La Voix d'Or

"J’ai subi 21 opérations. On a retiré mes cordes vocales, totalement détériorées, à cause de la cigarette", confie-t-il. Le gramoune respire grâce à une canule, un tube qu’il surnomme "le trou", pour permettre le passage de l’air car sa trachée est ouverte. Celui que l’on surnomme Phiphi le robot ne passe pas inaperçu avec "sa voix et son trou", ironise Philippe Regnier. "Certains prennent peur et traversent, les enfants sont curieux, j'en profite pour leur dire de ne jamais y toucher", ajoute-t-il.

Un handicap au quotidien

C’est très dur. Il y a beaucoup de conséquences, on m’a posé des stents, j’ai énormément d’infections pulmonaires. C’est pour cela que je me bats, pour dire aux autres : la cigarette c’est non !  

Philippe Regnier

Philippe n’aurait jamais imaginé se retrouver dans cet état, "cela n’arrive qu’aux autres", pensait-il. Ce sexagénaire a perdu  une partie du goût et de l’odorat. Il e peut plus prendre de douche normalement. "Si l’eau rentre dans le trou, c’est comme si je me noyais, quand il y a du vent c’est une horreur, terminé la planche à voile, faire le ménage et porter du poids c’est difficile", raconte Philippe Regnier.

"Ça gâche la vie !"

"Ne commencez jamais à fumer, ça peut détruire la vie !", alerte André Mulot, 54 ans, hospitalisé au service d’addictologie du CHU Nord. Ce dionysien est atteint d’un cancer de la gorge et d’un cancer des poumons, provoqués par le tabagisme. Le père de famille, est affaibli, a du mal à tenir une conversation car sa gorge est irritée, sèche. Les premiers symptômes du cancer de la gorge "s'apparentaient à une angine, j'avais du mal à avaler, je devais toujours recracher", détaille André.

"Ça fait peur quand on vous dit que vous avez deux cancers, j'étais complètement abattu", confie André. Ça gâche ma vie, je crains de ne pas voir mes enfants grandir, je vais essayer de résister", poursuit-il. Cet ancien employé de la restauration est déterminé à combattre son addiction.

"J’attends une greffe de cœur"

"30 à 40% des patients hospitalisés au CHU Nord, le sont pour des pathologies provoquées par la cigarette", explique Dr David Mété, médecin chef du service d’addictologie du CHU de La Réunion.

Au service d’hospitalisation du jour, Jean René Baboulane, se bat contre l’addiction au tabac. Il commence ses journées avec du sport adapté, pour apprendre à respirer et se dépenser pour gérer sa dépendance.

A 56 ans, il attend une greffe du cœur, mais doit d’abord arrêter de fumer. Ses problèmes cardiaques découlent du tabagisme. "Ma fé deux infarctus, le cœur lé trop fatigué, mi regret’, c’est une grosse drogue", avoue Jean René. Le père de famille suit ce parcours de soin jusqu'à ce qu'il cesse de fumer, il fume en ce moment deux paquets de cigarettes par semaine. 

Jean-René Baboulane - addictologie CHU

1 fumeur sur 2 meurt des conséquences du tabagisme

"Un cancer sur trois est directement lié au tabagisme", assure Florence Terrier, infirmière tabacologue à la clinique de Sainte-Clotilde. Elle reçoit dix nouveaux patients par semaine et les suit à distance la majeure partie du temps. La cigarette est responsable de "80% des cancers du poumon, 70% des cancers des voies aériennes respiratoires", explique la tabacologue.

Le tabac favorise aussi les cancers de la vessie, des parties génitales, chez les hommes et les femmes, le cancer de la peau ou encore les problèmes de gencives.

Florence Terrier, infirmière tabacologue

Florence Terrier, infirmière addictologue

"75 000 personnes meurent du tabac en France, presque 600 à La Réunion donc c’est vraiment une priorité de santé publique majeure", ajoute Dr David Mété, chef du service d’addictologie au CHU.

Selon Santé Publique France, le tabagisme peut aussi entraîner :

  • Rides, teint terne, doigts jaunis 
  • Des affections gingivales, la coloration des dents, une mauvaise haleine
  • Une diminution des capacités sexuelles et de la fertilité 
  • L'altération de la muqueuse buccale et nasale, des lèvres et de la langue, des papilles gustatives, des organes vocaux, des glandes salivaires 
  • Des carences en vitamines B et C 
  • Une altération des artères cérébrales (effets sur la mémoire, la vision, l'audition)
  • Des atteintes de l'œsophage, de l'estomac
  • Un risque de survenue d'un cancer du poumon multiplié par 20 quand le tabac est associé à une exposition prolongée au radon. Le radon est un gaz radioactif naturel qui se dégage du sol, il s’accumule dans les bâtiments qui sont mal ventilés 

Il n’existe pas de seuil au-dessous duquel fumer ne représente pas de risque. Le risque d’être victime d’un cancer du poumon dépend du nombre de cigarettes que l’on fume chaque jour, mais également de l’ancienneté de son tabagisme. Le seul moyen efficace pour réduire ce risque est l’arrêt du tabac.

Santé publique France

Pourquoi est-ce nocif ?

"Le plus dangereux dans la cigarette, c’est la fumée", indique Florence Terrier.

La fumée transporte plus de 4000 substances chimiques contenues dans la cigarette, dont 80 identifiées cancérigènes. La fumée contient du monoxyde de carbone, que l’on retrouve aussi dans le pot d’échappement d’une voiture par exemple, il est responsable de boucher les artères.

Florence Terrier, infirmière tabacologue

Un fumeur perd en moyenne 8 à 10 ans d’espérance de vie.

Attention au tabagisme passif

La fumée de tabac est aussi très nocive pour le non-fumeur. "Dès que l’on sent l’odeur de la cigarette, on subit le tabagisme passif, les risques sont les mêmes, à une moindre mesure, mais quand même importants", alerte l’infirmière tabacologue."Les symptômes des maladies ORL de la petite enfance, l’asthme, les otites, sont décuplés par le tabagisme passif des parents", poursuit Florence Terrier.

On peut aussi parler de l’augmentation du risque de mort subite du nourrisson, chez les enfants de fumeurs.

Florence Terrier, infirmière tabacologue

Comment s’en sortir ?

Daniel Dennemont a arrêté de fumer il y a un an, après une séance d’hypnose. Ce Portois fumait deux paquets de cigarette par jour depuis son adolescence.

Daniel Dennemont - ancien fumeur

"J’ai commencé à fumer pour montrer que je suis un homme, lé vraiment bête", déclare le routier, âgé de 59 ans. Il avait une mauvaise hygiène de vie, se nourrissait mal et achetait près de 700 euros de cigarettes par mois lorsqu’il fumait. Depuis cette séance d'hypnose, Daniel dit "revivre"

"Mi koné pas kosa li la fé, koman li la fé, mais mi fume pu, lé gayar!", s'exclame le chauffeur de poids lourd. 

  • Chez un professionnel de santé :

Selon Florence Terrier, avec de l’aide, les chances de réussite sont meilleures. Les rendez-vous chez le tabacologue sont gratuits. Julie, 46 ans, fume moins de cinq cigarettes par jour, mais a du mal à s’en détacher. La mère de famille, très sportive, souhaite faire le point sur sa consommation et se faire aider par une professionnelle. 

Ecoutez l'interview de Julie : 

Julie a essayé plusieurs substituts à la cigarette, rien n'a fonctionné. "Dans la prise de substitut nicotinique, la dose de nicotine doit être adaptée à chaque personne, explique Florence Terrier. Si on donne une béquille pour enfant à quelqu’un qui mesure 1m80, ça ne fonctionne pas, c’est la même logique pour les substituts nicotiniques", achève-t-elle. Le Dr David Mété, lui, alerte sur les promesses d’aides à l’arrêt du tabac qui fusent sur la toile. "L'addiction est une maladie chronique, comme l'asthme, le diabète, qui nécessite un accompagnement dans la durée, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années", affirme le médecin. 

  • Sur Internet : l’application gratuite Tabac Info Service est un outil d’aide au sevrage tabagique
  • Par téléphone : le 39 89 est une ligne téléphonique qui propose un accompagnement longue durée, personnalisé et à distance, gratuit

Ecoutez les précisions du Dr David Mété : 

Ils ne sont pas coupables d’un manque de volonté, mais victimes d’une dépendance.

Florence Terrier, infirmière tabacologue

Sensibiliser les jeunes

Le 31 mai est la journée mondiale sans tabac. Cette année, le thème choisi par l'Organisation Mondiale de la Santé est "Protégeons nos enfants de l’ingérence de l’industrie du tabac".

L'objectif est de sensibiliser et d’informer aux dangers du tabac, surtout les jeunes. 4 fumeurs sur 5 commencent à fumer avant 18 ans.

Le CHU Nord, le GHER, et le CHU Sud ouvrent leurs portes le 31 mai au public. 

Les jeunes sont initiés au tabagisme via la puff, un gadget qui paraît fun et anodin, aromatisé à la fraise, à la banane comme des bonbons. Les enfants peuvent tomber dans l’engrenage de la dépendance.

Caroline Chane Sam Teck, infirmière en addictologie au CHU Nord

Ecoutez son interview :

Ecoutez le grand angle :

Arrêter de fumer augmente l'espérance de vie et diminue en particulier la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires et au cancer broncho-pulmonaire. Après un an sans tabac, le risque d'infarctus diminue de moitié, le risque d'accident vasculaire cérébral rejoint celui d'un non-fumeur. Le risque de cancer du poumon diminue à l'arrêt du tabac.