Les travaux de déblayage de la Route départementale 6 (RD6) vont bon train.
Cet axe longeant le littoral du Sud Basse-Terre, qui relie les communes de Trois-Rivières et Saint-Claude, en passant Vieux Fort et Basse-Terre, a été fortement impacté lors du passage de la tempête tropicale Philippe (nuit du 2 au 3 octobre 2023) ; selon l’estimation des professionnels, 90.000 mètres cubes de sable se sont déversés sur les voies de circulation, au niveau de Rivière Sens, via les ravines Salée et Turlet.
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La marina de Rivière-Sens a elle aussi été partiellement comblée.
Mais d’où vient tout ce sable qui, à la faveur des intempéries, envahit les infrastructures ?
Les autres ravines de ce secteur très vallonné ne ramènent pas ce type de matériaux.
Pour beaucoup, il n’y a aucun doute quant à la source du problème : le dénominateur commun est la société Sablières de Guadeloupe Exploitation, qui trône entre les ravines Salée et Turlet et surplombe la RD6 ; elle exploite et propose à la vente du sable noir volcanique et du gravier.
Coûteux travaux de déblaiement
La quantité de sable qui s’est déversée, via le lit de la ravine Turlet, est colossale. Et le phénomène se poursuit, puisqu’un tapis géant de près de 10 mètres de haut avance en direction du littoral, telle une coulée de lave. Il y en aurait sur plusieurs centaines de mètres.
Le matériau pointé du doigt serait un résidu de la carrière, après grattage de la montagne, pour en récupérer la pouzzolane.
Même si le chantier de déblaiement de la RD6 avance (60.000 m3 de sable a déjà été récupéré), les perturbations sur la circulation restent inévitables.
Cette route a été rouverte provisoirement en journée, hier (dimanche 8 octobre 2023), de 6 à 20 heures et a été fermée toute la nuit.
Encore ce lundi, la route est interdite d’accès, depuis 8h00 et jusqu’à 16 heures, puis la nuit prochaine, pour permettre la poursuite des travaux.
Des millions d’euros sont nécessaires pour déblayer la RD6 et la marina de Rivière-Sens.
Cette somme doit-elle être puisée dans l’argent public, à travers le budget du Conseil départemental, entre autres ? La question se pose, alors qu’il faut précisément déterminer les conditions dans lesquelles tout ce volume de sable, visiblement traité, s’est retrouvé dans la ravine.
Le fait est que la collectivité a paré au plus pressé, pour rendre les infrastructures à la population. Mais l’exécutif départemental entend veiller à ce que cela ne se reproduise pas.
Sur la marina, nous étions déjà aux alentours de 2 millions d’euros, entre l’enlèvement des gravats, la route qui avait été sécurisée par le Conseil départemental, plus la sécurisation du site (...). Pour l’enlèvement des gravats au niveau de la route départementale, nous sommes déjà à un peu plus d’1 million d’euro. Il faut, aujourd’hui, que les responsables de la concession de la sablière puissent expliquer dans quelles conditions est stocké le sable et, surtout, qu’est ce qui a été fait, au lendemain de Fiona, qui avait déjà démontré cette faille.
Jean-Philippe Courtois, premier vice-président du Conseil départemental
Pour l’instant, les dizaines de milliers de mètres cubes de sable récupérées sont entreposées sur des sites temporaires, à Vieux Fort et à Saint-Claude. Aucune solution d’entreposage définitif, de réutilisation ou d’élimination de ces matériaux n’a encore été trouvée.
Des rappels à l’ordre de la DEAL
Ces dernières années, la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Guadeloupe, chargée du contrôle de cette installation classée, a enjoint la société qui exploite la carrière à mettre en place des pièges à sables, des bassins de décantation, un curage de la ravine, ou encore le balisage préventif de la RD6 (en concertation avec le Conseil départemental et le syndicat mixte Routes de Guadeloupe).
Il appartient en effet à l’entreprise, selon la DEAL, de permettre l’écoulement des eaux de la ravine ; celle-ci ne doit pas être entravée, ni par des végétaux, ni par des matériaux.
Une mise en demeure, en ce sens, date d’avril 2023 et la date limite imposée, pour réaliser les travaux était fixée au 15 août dernier.
Aujourd’hui, le gérant des Sablières ayant refusé de s’exprimer, tout comme le service déconcentré de l’Etat, nous ne savons pas si les travaux demandés ont été réalisés.
Une chose est sûre, ce qui aurait été entrepris (si quelque chose l’a été) n’a pas suffi à empêcher la tempête Philippe de faire des dégâts.
Selon un document officiel, déjà l’an dernier, un piège à sable installé mi-2022 a été complètement dépassé par l’épisode Fiona (nuit du 16 au 17 septembre 2023).
Dans le cas d’une absence de prise en compte des demandes de la DEAL, il faut savoir que des sanctions existent ; elles sont prévues par le Code de l’environnement. Les services peuvent consigner des sommes, faire opérer des travaux d’office, par exemple, indépendamment des poursuites pénales.
Sur ce point, le secrétaire général de la Préfecture, le directeur de la DEAL, le maire de Gourbeyre sont chargés, chacun pour ce qui le concerne, de l’exécution de la procédure, si l’on en croit l’article 5 de l’arrêté préfectoral de mise en demeure.
Les riverains, eux, dénoncent de longue date les procédés soupçonnés de la sablière. Le Collectif de défense de l’environnement Sud Basse-Terre, qui regrette aussi la fragilisation de la montagne, envisage de demander au préfet l’arrêt immédiat de toute activité au-dessus des ravines.