Des beaux projets peuvent devenir des chemins de croix. Cédric Aratus, gérant du magasin de spécialités antillaises Bo Kay Max à Ménilmontant, à Paris, voulait créer un restaurant à côté de sa boutique qui fait déjà épicerie-traiteur avec fruits à pain, christophines, boudins et autres crabes farcis. Ouverture prévue : novembre 2024.
Sauf que les travaux révèlent des problèmes de structure mais pas seulement. "On a voulu rénover, changer, casser, et on a découvert malheureusement de l'amiante", se désole le gérant. Le chantier lancé en avril 2024 prend donc du retard, et il est obligé de fermer son magasin "trois mois, sans indemnité".
Résultat : une perte de 250.000 € de chiffres d'affaires. Et le restaurant n'est toujours pas ouvert. S'il n'est pas au point de mettre la clé sous la porte, le gérant reconnaît que la situation est "en ce moment un peu compliquée".
Du sang pour les boudins en 1960
Bo Kay Max est d'autant plus important pour lui que c'est son père qui lui a transmis cette institution antillaise au cœur de Paris, créée en 1960. À cette époque, il s'agissait d'une "boucherie française tenue par M. Jean et Mme Brassac qui vendaient du porc, de la viande et du sang". "Beaucoup d'Antillais venaient récupérer le sang pour faire eux-mêmes du boudin", raconte-t-il.
Pour répondre aux attentes de cette communauté, M. Jean achète des produits antillais sur le marché. Son fournisseur n'est autre que le père de Cédric, Max Aratus. "Mon père importait une tonne de marchandises et les revendait sur les marchés", retrace son fils. M. Jean finit par l'embaucher dans sa boucherie, puis Max Aratus reprend l'affaire à la fin des années 1980 avant de lui donner son nom, Bo Kay Max.
"Il faut sauver Bo Kay Max"
Cédric a donc à cœur de relancer ce magasin familial. Un appel a été lancé dans le quartier et la communauté antillaise se mobilise pour venir aider et consommer dans cette boutique de référence. "J'ai un petit faible pour le boudin ici et les pommes cannelle donc je m'arrête assez souvent, avoue Homer, un client de longue date. C'est une famille à la fin : nos parents nous ont passé l'adresse, on passe l'adresse à nos enfants et c'est pour ça qu'on parle d'institution, dans le sens ou c'est une maison enracinée, ancrée."
"Ça fait chaud au cœur de voir que les clients se mobilisent, ils sont avec nous donc ça nous donne un peu plus de force pour tenir le coup", se réjouit le gérant qui est par ailleurs soutenu sur les réseaux sociaux par des influenceurs comme la Guadeloupéenne d'origine martiniquaise "Healthy Alie".
Celle-ci commence sa vidéo par : "Il faut sauver Bo Kay Max. Il y a 20 ans, quand j'étais à la fac, c'était le seul endroit qui m'apportait du réconfort."
Un autre influenceur, le Guide Ultime, sans lien avec les Antilles mais qui vit dans le quartier, doit aussi publier une vidéo prochainement sur Bo Kay Max. Cédric espère que ces actions permettront d'attirer plus de clients et ainsi renflouer les caisses. "Pour qu'on puisse continuer sereinement" et traverser cette mauvaise passe. Il espère ouvrir le restaurant en juin prochain.