Annulation du carvanal : les petits artisans entre déprime et résignation

Le carnaval de Guadeloupe se tiendra sous des conditions restreintes dictées par les autorités le long d'une charte d’engagement. Pour les commerçants et les petits métiers qui vivent de cette fête de plusieurs semaines, c’est une mauvaise nouvelle de plus.

Le carnaval des îles de Guadeloupe est la nouvelle victime évènementielle du SARS-Cov-2. Cette année, les familles ne se presseront pas sur les trottoirs des communes de l’archipel pour assister aux défilés chatoyants des groupes à caisse claire ni se laisser charroyer par la transe des groupes a po.

Le carnaval, conformément aux décisions préfectorales, actées il y a quelques jours dans une charte d’engagement, se fera en petit comité, dans les locaux des groupes et uniquement avec leurs adhérents. Une nouvelle difficile pour les caravaliers qui espéraient ne pas être privés de cette passion, mais aussi pour les commerçants qui se voient privés, une fois encore, d’une juteuse source de revenus.

Car en coulisses de ce spectacle hebdomadaire enivrant, s’affairent un tas de petits métiers d’artisanat. Des entreprises unipersonnelles, ou simplement des passionnés, qui vivent des besoins en couture, en instruments, et en quincaillerie des carnavaliers.

Grosse déprime

Badine Koutiacavoudin, un des « poto-mitan » du groupe Kasika de Capesterre-Belle-Eau, est l'une d'entre eux. C’est elle, qui lors de la saison, veille au respect des costumes du groupe, qui parfois propose quelques idées et redresse au passage un sequin de traviolle. L’annulation du carnaval représente une perte de revenu estimée entre 700 et 900 euros. Car elle a choisi de ne coudre que pour Kasika. 

Ma passion, c’est ce groupe pour lequel je couds exclusivement. Mais d’autres couturières perdent aujourd’hui parfois deux fois plus. Et puis, c’est aussi toute la chaîne de création qui est enrayée. C’est très compliqué.

Badine Koutiacavoudin

 

Compliqué financièrement mais surtout artistiquement. Car les dessins, les idées, les propositions se font à l’avance. Le carnaval est un concentré d’émotions qui apporte aussi de l’inspiration pour des costumes. Or, dans son sillage, l’année 2020 a surtout laissé des idées noires. 

Tout au long de l’année on griffonne, on s’inspire de ce que l’on voit ou entend. Parfois, je mets un bout de tissu de côté, un galon, car je sais ce que je vais en faire. Mais c’est quand on entend le premier coup de tambour que la vision arrive, on a des sensations, des frissons, des émotions qu’on retranscrit dans le vêtement. Cette année, c’est le grand vide.

 

Vivre grâce aux habitués

Du côté des commerces de Pointe-à-Pitre, on fait contre mauvaise fortune bon coeur. Au moins, les couturières et les familles n’ont pas complètement stoppé leurs dépenses et continuent d'errer dans les rayons à la recherche de tissu. Mais la perte de chiffre d’affaire est sensible. En fait, le carnaval vient compléter une longue liste d’annulations dans l’évènementiel, des spectacles de fin d’année des écoles aux mariages, comme l’explique Colette Bichara-Jabour, gérante de l’enseigne Espace Couture.

Désormais, il faut se projeter sur la saison prochaine, essayer d’écouler les commandes réalisées pour ce carnaval avorté et reprendre contact avec les associations pour préparer la saison prochaine.

Nous devons nous mettre d’accord avec toutes les associations culturelles, voir avec elle leurs besoins, choisir les fournisseurs qui conviennent aussi, car nous essayons de faire en sorte de ne pas vendre le même produit à tout le monde. Mais cela demande plusieurs mois de préparation en amont.

Colette Bichara-Jabour

Encore faut-il espérer, pour cela, que le COVID-19 et son lot de mauvaises nouvelles, seront en 2022, de l’histoire ancienne.