Black out en Guadeloupe : le constat d’une trop grande dépendance à l’électricité, localement

Energies renouvelables (illustration).
Le temps est venu de tirer des enseignements de l’évènement de la fin de semaine dernière : le black out en Guadeloupe, en marge d’un conflit social à EDF-PEI, a eu d’innombrables conséquences néfastes sur la vie de la population. Pourtant, l’archipel peut, à tout moment, être confronté à une catastrophe naturelle, par exemple. Ce territoire insulaire, isolé et non interconnecté ne doit donc pas être dépendant de l’électricité. Les énergies renouvelables sont vues comme la clé de la résilience.

La coupure généralisée de l’électricité qui a touché l’archipel guadeloupéen, entre le vendredi 25 et le dimanche 27 octobre 2024, continue de faire couler beaucoup d’encre... et pour cause ! La population locale a été privée de courant pendant plusieurs heures ; jusqu’à plus de 39 heures pour les foyers et entreprises les plus impactés. Cette situation a suscité de la colère, de l’indignation, de la détresse.

Pour quelques-uns, il est surtout temps de prendre conscience d’une réalité : dans un territoire exposé aux risques naturels et autres aléas comme la Guadeloupe, les résidents sont bien trop dépendants de la "fée électricité".

Mais comment donc limiter les effets d’un dysfonctionnement du système électrique localement ?

Une prise de conscience nécessaire

Christian Antenor-Habazac est retraité, un ancien ingénieur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et ancien directeur adjoint de l’Observatoire volcanologique et sismologique de la Guadeloupe (OVSG). Pour lui, la dépendance énergétique de la Guadeloupe est due à ceux qui la gouvernent ; "des individus déconnectés des réalités locales et dépourvus de bon sens", affirme-t-il. Sa lettre ouverte, intitulée "Incurie, irresponsabilité et imprévoyance" et datée du 25 octobre, a été largement partagée sur les réseaux sociaux.

L’homme met à profit son expertise pour sensibiliser la Guadeloupe, sur ce qu’il qualifie "d’impréparation". Pour lui, nous avons bien trop confié notre quotidien à l’électricité.

Même le téléphone, même le GSM, donc tous les réseaux téléphoniques ! Donc, tous ceux qui avaient des téléphones filaires et qui, maintenant, sont sur des box, dépendent du courant électrique. Quand, il n’y a pas de courant, ça ne marche pas ! On est sur une petite île, éloignée de tout continent, non interconnectée. Si jamais un jour, il y a un incident important, comme vendredi, on est coincé.

Christian Antenor-Habazac, ingénieur à la retraite

Les autorités doivent prendre ce dossier à bras-le-corps, martèle-t-il, ajoutant que le simple citoyen peut aussi adopter des mesures, pour diminuer l’impact d’un tel phénomène sur son quotidien.

À LIRE AUSSI : Rencontre avec Christian Anténor-Habazac, Guadeloupéen résilient par nature – 14/09/2020.

Les énergies renouvelables, la solution ?

Le Syndicat mixte d’électricité de la Guadeloupe (SyMeg) est l’autorité d’organisation de la distribution de l’électricité localement. Il joue aussi un rôle de contrôle du concessionnaire EDF-SEI (Système énergétique insulaire).
À défaut de limiter la dépendance à l’électricité, sa présidence prône un meilleur partage de la production, pour l’heure très majoritairement aux mains d’un seul opérateur.
Le développement des énergies renouvelables doit aussi être accéléré localement.

Il faut absolument qu’on puisse mettre le doigt peut-être là où ça fera mal, puisque nous sommes dans un territoire où les énergies renouvelables n’ont pas encore pris toute leur place. Nous devons faire en sorte de développer ces énergies renouvelables. Et c’est vrai que nous avons un réel problème, puisque nous ne pouvons pas avoir un unique producteur, qui détient plus de la moitié de la production de l’énergie chez nous.

Daniel Dulac, président du SyMEG

Un Programme pluriannuel de l’Energie adapté ?

La Région Guadeloupe vient juste de rédiger le Programme pluriannuel de l’Energie 2024-2028 (PPE). L’actualisation du plan détermine la stratégie énergétique de l’archipel.

Comme le précisait Christian Antenor-Habazac, la Guadeloupe est dite en "zone non interconnectée" ; elle ne peut compter que sur elle-même pour sa production énergétique.
L’objectif de la collectivité est donc de diversifier les sources, notamment via les énergies renouvelables. La géothermie, le solaire, l’éolien et l’hydraulique sont la solution pour arriver, d’ici quelques années, à une autonomie énergétique.

La Guadeloupe a une multiplicité de sources d’énergie, qui font envie à beaucoup (...). La meilleure énergie reste celle que l’on ne consomme pas. Nous ne devons compter que sur nous-mêmes, donc maîtrisons notre consommation, maîtrisons les heures auxquelles nous consommons, ne consommons pas tous en même temps.

Julien Laffont, directeur en charge de l’énergie à la Région Guadeloupe

Autre levier d’amélioration : inciter les Guadeloupéens à changer leur manière de consommer, compte tenu de la fragilité du réseau local. Les habitants pourraient recourir à de l’autoconsommation solaire, par exemple.

La poursuite des travaux d’enfouissement des réseaux est aussi en cours, pour qu’ils soient mieux protégés. L’installation de structures de stockage d’énergie est aussi envisagée, par la Région, pour que l’archipel dispose de réserves, en cas de coup dur.