L’exposition prénatale et postnatale au Chlordécone est associée à une diminution des capacités intellectuelles et à une augmentation des difficultés comportementales, chez les plus jeunes. Telle est la terrible conclusion de la dernière étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), parue lundi 27 février 2023, sur les conséquences du pesticide sur les enfants de 7 ans.
Les chercheurs de l’INSERM ont passé au crible 576 enfants issus de la cohorte mère-enfant "Timoun", du nom de cette étude menée en Guadeloupe dès 2004. Les premiers travaux ont été menés sur des enfants de 7 et 18 mois, puis les recherches ont continué sur les enfants jusqu’à 7 ans. L’évolution de ces jeunes sujets, chez lesquels des dégâts avaient déjà été révélés, a donc été suivie.
Il apparait désormais qu’avec le temps les ravages de ce neurotoxique se poursuivent. Le Chlordécone agit, en effet, sur de nombreux neuro-transmetteurs et sur les propriétés hormonales. De ce fait, les deux sexes ne sont pas touchés de la même façon, même si chacun en subit les conséquences.
L’exposition au Chlordécone entraine des conséquences négatives sur le bon développement et, notamment, sur le neuro-développement des enfants, à une période à laquelle toutes les capacités intellectuelles, motrices, comportementales... se développent.
Luc Multigner, directeur de recherche à l’INSERM (interrogé par Thierry Belmont)
Exposition in utéro
Avant la naissance, lorsque le taux de Chlordécone est important au niveau du cordon ombilical, les enfants développent des difficultés dites "internalisées" supérieures à la moyenne, par la suite. En clair, ils sont moins à même de gérer leurs émotions et ont d’avantage de problèmes dans leurs relationnels avec les autres. Ce phénomène touche essentiellement les petites filles.
Exposition après la naissance
L’étude révèle qu’après la naissance, l’exposition à la Chlordécone se fait via l’alimentation et, dans une moindre mesure, par le lait maternel.
Dans ce cas, lorsque la présence de Chlordécone est retrouvée dans le sang des enfants, ce sont, cette fois-ci, les petits garçons qui vivent les conséquences les plus lourdes ; conséquences dites "externalisées". Les capacités intellectuelles sont touchées, avec une diminution du quotient intellectuel (QI) et des manifestations dans le raisonnement perceptif, la mémoire de travail, la vitesse de traitement de l’information, l’hyperactivité, l’inattention ou encore la compréhension verbale.
L’importance des politiques de prévention
Il faut maintenant intensifier les efforts pour réduire les taux de Chlordécone dans l’environnement.
L’intensité de l’impact est modeste. Il faut s’en inquiéter de manière quelque-peu raisonnée. Il ne s’agit pas de nier, bien au contraire, l’impact que cela a pu avoir dans le passé. C’est la raison pour laquelle nous concluons en termes opérationnels : "Voilà les conséquences. Ce que nous devons faire c’est tout le nécessaire pour réduire l’exposition des populations". Dans ce sens, les politiques publiques ont été, au cours de ces dernières années (il faut le dire), quand même assez efficaces. Aujourd’hui, les niveaux d’exposition sont bien plus faibles que ceux observés il y a une quinzaine d’années, lorsque ce travail a été initié.
Luc Multigner, directeur de recherche à l’INSERM (Interrogé par Thierry Belmont)
Le professeur Luc Multignier a tiré de l’étude "Timoun" l’amère conclusion que si les effets neurologiques et neurocomportementaux constatés sont relativement modérés et subtils, au niveau individuel, ils peuvent toutefois avoir un impact non négligeable, au niveau des populations antillaises dans leur ensemble, compte tenu de l’exposition généralisée de celles-ci au Chlordécone.