COMMUNICATION : l’intérêt de remettre l’activité radioamateur au goût du jour

Largement délaissé au profit de moyens de communication plus « modernes », le radio-amateurisme se révèle très utile, par temps de crise liée aux aléas naturels, où le territoire est souvent coupé du monde, faute de réseaux de téléphonie et Internet opérationnels.
 
Les bénévoles radioamateurs ont joué un rôle majeur, en 1989, lors du passage du cyclone Hugo sur la Guadeloupe, en jouant les intermédiaires entre les autorités locales et Paris.
Et, aujourd’hui encore, si les téléphones satellites suffisent aux services compétents, les bandes de radios trouvent leur place… au sein de la population.

Entretien « Alerte Guadeloupe », avec Bertrand DEMARCQ, co-fondateur de l’association « Radio club de Guadeloupe » :

Extrait de cette interview réalisée par Nadine FADEL :

Alerte Guadeloupe : Qu’est-ce que l’activité de radioamateur ?
 
Bertrand DEMARCQ : Les radioamateurs* sont des gens issus de la société civile qui ont réussi un examen, organisé par l’ANFR (Agence nationale des fréquences) et qui ont, donc, accès à l’ensemble du spectre radio électrique. Ils peuvent émettre sur toutes les fréquences et, du coup, ils peuvent faire des communications avec toutes les îles de la Caraïbe, ou avoir des contacts à travers le monde.

A.G. : Ça fonctionne comment ?

B.D. :
Avec des radios, qui peuvent être fabriquées par les radioamateurs eux-mêmes, d’où l’aspect scientifique intéressant de la chose. Il y a beaucoup de modes de communication et d’usages, aujourd’hui, qui sont issus des expérimentations des radioamateurs. Tout est possible. Quand on est radioamateur, on peut émettre avec du matériel commercial, fabriqué, ou prendre des bouts d’équipements existants, les transformer et communiquer dans tous les modes possibles : soit de la voix, ou de la télégraphie (les radioamateurs utilisent encore le Code Morse, délaissé par l’armée, mais très fiable) et, bien sûr, les modes numériques, que l’on expérimente beaucoup. On peut transmettre avec très peu de puissance. Avec la puissance d’une ampoule LED, on peut envoyer des signaux à l’autre bout du monde, très facilement.

A.G. : Quelle en est l’utilité ?

B.D. :
On s’intéresse à pleins de champs scientifiques : l’astronomie, le spatial, la météo… parce que tout cela influe notre hobby. Les radioamateurs fabriquent leurs propres satellites ; ils en ont une quinzaine, qui tournent autour de la Terre, utilisables par tous, pour les contacts. Et après il y a tout l’aspect « urgence » de cette activité. Les Maires ou le Préfet peuvent solliciter les radioamateurs, pour organiser des communications lors de recherches (par exemple, de balises de détresse d’avion, de bateau…qui peuvent être repérées par les radioamateurs). Une contribution importante, parce qu’on aide les cellules décisionnaires à prendre les bonnes décisions, sachant que le système radioamateur peut aller beaucoup plus vite qu’avec les autres opérateurs, en cas de black-out total.

« Nous pouvons créer un pont de communication entre les sinistrés et le reste du monde, notamment les secours. »

A.G. : Des black-out maintes fois vécus, localement, après le passage de phénomènes cycloniques… concrètement que proposez-vous en temps de crise ?

B.D. :
En 1989, quand Hugo a dévasté la Guadeloupe, il n’y avait plus du tout de communication. Le seul moyen, pour le Préfet, d’envoyer des demandes de moyens matériels et humains, au Ministère de l’Intérieur, c’était via les radioamateurs. Ceux de Guadeloupe ont envoyé ces messages à ceux de l’Hexagone, qui les ont retranscrits et transmis. L’usage, là, était évident.
Et encore pour Irma et Maria ! Il faut savoir qu’à la Dominique, les secours se sont organisés, dans l’île, grâce aux radioamateurs locaux. Des bénévoles radioamateurs sont allés à Saint-Martin, pour mettre en place des communications. Certes, aujourd’hui, on ne fait plus de communication pour les Maires – ils se débrouillent avec les téléphones satellitaires – mais on trouve notre utilité, sur le terrain, au sein de la population sinistrée. Après Irma, un des plus gros problèmes de la population était d’être sans Internet, sans accès aux réseaux. Donc, le « Radio Club de Guadeloupe » travaille à mettre en place un réseau d’urgence, en collaboration avec le « FabLab »**, pour que demain, en cas de problème, on puisse se connecter à de petites bornes autonomes à énergie solaire. On pourra y déposer des messages, en wifi, avec son téléphone portable… messages qui pourront être relayés par les radioamateurs de manière automatique, sur le réseau Internet, en passant par des ondes décamétriques.

A.G. : Un tel équipement est-il accessible au tout public ?

B.D. :
En fait, on peut faire des passerelles avec des objets utilisés par le grand public. Aujourd’hui tout le monde a un smartphone. Quand vous n’avez plus de réseau, vous en cherchez. Et, donc, si dans votre périmètre (à quelques kilomètres), un radioamateur déploie sa petite box, dans un endroit dégagé, vous allez capter ce réseau wifi et vous allez pouvoir vous connecter dessus et échanger avec qui bon vous semble : pour un appel à l’aide, pour rassurer vos proches, pour savoir comment vont vos voisins, etc. Cette utilité n’est pas à remettre en question ; elle est évidente.

A.G. : Donc, ça ne marche que s’il y a un réel déploiement sur tout le territoire… Est-ce le cas aujourd’hui ?

B.D. :
Malheureusement, non. Parce qu’on n’avait plus trop d’activité ces derniers temps. C’est pour cela qu’on a monté un nouveau Radio Club, Gaël MUSQUET*** et moi. On sollicite tous les radioamateurs de Guadeloupe. On est 54**** localement… ce n’est pas énorme. Et on vient faire un appel du pied, aux acteurs privés et publics, pour avoir des fonds et monter des réseaux. En cas de besoin, ils serviront à tous. Maintenant si des gens veulent devenir radioamateurs, s’investir dans la cause et découvrir un hobby qui regroupe plein d’aspects scientifiques, ils peuvent préparer et passer l’examen. On propose des cours tous les jeudis soir, à 18h30, au « FabLab » de Jarry/Baie-Mahault. Le but est d’augmenter le nombre de radioamateurs. C’est très utile. En cas de catastrophe, cela permet de se rendre utile. Moi, j’ai un petit « pocket » et, avec ça (et des relais bien placés), je communique à l’autre bout du monde.


*** Présentation de l’association et de l’activité (télécharger le document :

Présentation de l’association "Radio Club de Guadeloupe" et de l’activité

**** Réseau des radioamateurs de l'archipel - août 2018 :
Réseau actuel des radioamateurs de l’archipel
POUR ALLER PLUS LOIN /
* L’activité de radioamateur est à ne pas confondre avec la CB (de l’anglais « Citizen Band » ou « Cibi »), qui est moins performante, en termes de rayonnement des ondes.
** « FabLab » : laboratoire de fabrication, lieu ouvert où est mis, à la disposition du public, toutes sortes d’outils, pour le recyclage, la conception et la réalisation d’objets.
https://fr-fr.facebook.com/lefablabdejarry/
*** Gaël MUSQUET : président de l’association HAND, « Hackers against naturals disasters » et co-fondateur du « Radio Club de Guadeloupe ».
**** La Guadeloupe compte 54 radioamateurs, la France environ 13 000 et, dans le monde, ils sont 3 millions.

radioamateur.gp
info@radioamateur.gp

A consulter le "Blog des experts" qui revient sur les expérimentations des acteurs de HAND, à Marie-Galante, illustration de se qui peut être faire via la radioamateur : "Caribe Wave : immersion au cœur des préparatifs de l’association HAND"

A lire l’article « HAND, une asso. qui s’engage efficacement ».