En France, 17% des élèves sont scolarisés dans des établissements privés sous contrat. Parmi ces établissements, plus de neuf sur dix sont d'enseignement catholique. Si le groupe privé Stanislas à Paris, est sous les feux de l'actualité actuellement c'est parce qu'il a été épinglé dans un rapport de l'Inspection générale pour des pratiques contraires aux valeurs de la République, notamment des cours de catéchisme obligatoires pour tous les élèves. Les établissements de l'enseignement privé relèvent en effet d'un Code de l'éducation en matière de laïcité qu'ils sont tenus de respecter scrupuleusement.
A la rentrée scolaire 2023/2024 on comptait en Guadeloupe :
Dans le 1er degré : 4771 élèves sans le secteur privé sous contrat et 2210 en privé hors contrat
Dans le 2nd degré : 4585 secteur privé sous contrat et 462 en privé hors contrat)
Au total : plus de 12 000 élèves guadeloupéens sont dans le secteur privé, sous contrat ou hors contrat.
Un projet éducatif libre pour chaque établissement
Depuis 1959, la loi Debré régit les engagements des établissements privés qui passent un contrat avec l'État en échange de financements. Y figurent la conformité aux programmes définis par le ministère de l'Éducation nationale, le respect de la liberté de conscience ou encore l'absence d'enseignement religieux obligatoire pour les élèves.
"Il faut que vous puissiez mettre votre enfant catholique dans un établissement musulman sous contrat sans qu'il soit obligé d'aller à un cours sur la religion musulmane, explique Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l'éducation. De la même manière, vous devez pouvoir aller dans un établissement catholique sous contrat si vous êtes musulman et vous devez pouvoir dire librement que vous êtes musulmans ou que vous croyez, ou pas, en Dieu."
Ces obligations sont fermes mais s'appliquent en concordance avec le "caractère propre" des établissements privés. Il s'agit de la liberté du projet éducatif de chaque établissement. Une école, un collège ou un lycée privé, même sous contrat avec l'État, peut ainsi revendiquer son appartenance à une religion ou à des principes spirituels.
Cette notion n'a pas de définition juridique et permet aux établissements de se situer dans une "zone grise", regrette Valérie Piau. "Ils ont le choix de la façon dont ils vont procéder aux enseignements tant qu'ils respectent les programmes, la liberté de conscience et qu'il n'y a pas d'enseignement religieux obligatoire", ajoute l'avocate.
Enseignement cultuel vs enseignement culturel
Sur franceinfo, le directeur des classes préparatoires de Stanislas, Louis Manaranche, distingue "le catéchisme" de "l'instruction religieuse". Une nuance faite par de nombreux établissements privés sous contrat pour intégrer des cours de connaissance religieuse obligatoires dans leur programme, les justifiant par leur éclairage culturel, historique et philosophique.
En Guadeloupe, la plupart des établissements du privé catholique ou adventiste a adopé une formule qui leur permet d'aborder le fait religieux en soi sans pour autant professer quelque confession que ce soit. Ils sont d'ailleurs fortement prisés pour la qualité de l'enseignement prodigué sans que cette nuance ne soit un obstacle pour les parents, croyants ou non croyants qui les choisissent.
"Il y a de la jurisprudence sur le fait qu'on peut enseigner aux élèves les différentes religions, explique Valérie Piau. Mais dans ces cas-là, il faut que ce soit toutes les religions de façon objective, critique et pluraliste."
Ainsi, dans un établissement qui propose des cours de connaissances religieuses, cela doit être fait de façon neutre et équitable, précise l'avocate : "S’il y a toutes les semaines une heure de cours, et qu'il y a 30 minutes sur la religion hindoue et cinq heures sur la religion catholique, alors ça n'est pas fait de façon objective."
Contraception, IVG et éducation à la sexualité
Le programme de l'Éducation nationale impose des cours d'éducation à la sexualité. Il y est question de contraception, de droit à l'avortement mais aussi de lutte contre les comportements homophobes ou sexistes. Comme tout le reste, cette partie du programme doit obligatoirement être enseignée. "Si ce n'est pas fait, c'est une violation de l'obligation qui incombe à l'établissement privé sous contrat ou qu'il est hors la loi", affirme Valérie Piau.
L'avocate souligne que les enseignants peuvent refuser de donner les cours d'éducation à la sexualité : "Dans ces cas-là, il incombe aux chefs d'établissement de prendre des intervenants qui leur permettent de faire les cours."
Les propos sexistes, misogynes ou homophobes tombent, par ailleurs, sous le coup de la loi. De la même manière qu'il n'est pas concevable de demander aux jeunes filles de se couvrir les épaules, les jambes ou le décolleté pour ne pas provoquer leurs camarades masculins, il est interdit de tenir des propos condamnant l'homosexualité dans quelque contexte que ce soit. Le rapport épinglant Stanislas fait ainsi mention d'intervenants qui tiennent des propos violemment homophobes ou anti-avortement.
Les contrôles et les sanctions
Les contrôles se font à l'ouverture de l'établissement, puis dans le courant de la première année et ensuite à la discrétion de l'État. Si certaines des exigences ne sont pas remplies par l'établissement, le contrat peut être résilié après avis d'une commission de concertation. C'est la sanction prise à l'égard du lycée musulman Averroès de Lille, en décembre dernier. Les financements peuvent être interrompus et la sanction peut aller jusqu'à l'ordonnance de fermeture de l'établissement.