Exposition Mémorial ACTe : "Les zoos humains et l'invention du sauvage"

Jusqu'au 20 mars le MACTe,  la Fondation Lilian THURAM « Education contre le racisme » et le groupe de recherche ACHAC présentent une histoire oubliée : celle des « spectacles » d’exhibitions humaines visant à légitimer la hiérarchie entre les peuples dès le XVIe et pendant la colonisation.
Du 15 au 20 mars, le Mémorial ACTe présente l’invention du sauvage… De quoi s’agit il ? En fait, cette exposition d’une valeur historique incontestable, nous raconte l’histoire de femmes, d’hommes et d’enfants, venus d’Asie, D’Afrique, d’Océanie des Amériques et parfois d’Europe, exhibés en Occident et ailleurs, dans des cirques , des cabarets, des foires, des zoos , dans des expositions universelles et coloniales.
Ainsi, L’Europe, l’Amérique et le Japon, vont pendant presque cinq siècles (1490-1960) les exhiber comme des prétendus « sauvages ». Une histoire oubliée, pour une pratique qui contribue à légitimer la hiérarchie entre les hommes selon leur couleur de peau.

Le mémorial acte s’inscrit donc dans un cycle de réflexion sur l’image de l’homme noir véhiculée par l’imaginaire coloniale. 

Dans cette même dynamique à noter cette conférence ( ce soir 17 mars 18 mars)avec Pascal Blanchard, historien, chercheur au laboratoire communication et politique à l’université de Paris Dauphine, grand spécialiste du fait colonial  et des questions migratoires en France .
 
A NOTER : Spectacle  le vendredi 18 Mars « On t’appelle Vénus » de la compagnie difé kako, un magistral solo de Chantal Loial… Cette chorégraphe Guadeloupéenne s’inspire de l’histoire de la Vénus Hottentote, cette femme sud Africaine qui de 1810 à 1815 vécu l’enfer des foires Européennes, exposée au regard des hommes comme un animal exotique.  

A voir sur le sujet l'extrait du Journal de 13h du 16 mars 2016 avec un reportage de Lise Dolmare et Paul Labeca et l'interview de Pascal Blanchard par Laetitia Broulhet :

 
Zoos humains : comment fut exhibé et inventé le « sauvage »
L'exhibition de population non-européenne et de « monstres » est ancienne, et plusieurs individus sont exhibés dès XVIe et XVIIe siècle en Occident dans les cours royales, en particulier des populations africaines et amérindiennes. Le processus se développe et au début du XIXe siècle il prend une dimension spécifique pénétrant le monde du spectacle et touchant désormais le grand public. Ce moment de basculement est caractérisé par l'exhibition de la Vénus hottentote (1810-1815) au moment même où la mutation du phénomène commence.

Nous sommes alors entre le temps des traites négrières et celui des grands empires coloniaux « modernes », et la volonté de classer les peuples de la terre s'empare des savants. Dès lors le « sauvage « devient une attraction populaires, présent dans le monde du cirque, des troupes itinérantes et dans les grandes expositions officielles à partie de 1851. Celui qui va être colonisé et dans le temps exhibé, c'est une manière de justifier la domination coloniale et dans le même de répondre à la curiosité des Occidentaux.

À la fin du XIXe siècle le phénomène est tel que, pas une nation en Europe, pas un état aux États-Unis ou une grande ville au Japon n’est à la marge de cet engouement populaire, les « zoos humains » sont partout. Au total, jusqu'à la fin des années 30, c'est plus d'un milliard et demi de visiteurs auront vu le « sauvage » et auront cru en son existence. « Il existe, je l'ai vu ! ». Plus de 35.000 exhibés auront contribués à fabriquer ce regard colonial et raciste, imaginé par des impresarios comme Barnum, Hagenbeck ou Buffalo Bill. C'est dans ces « zoos humains », entre la scène de théâtre et le jardin d'acclimatation, l'exposition coloniale ou le village reconstitué que le « sauvage » a été inventé. Le public est dupe de ce qu'il voit, il ignore que tout cela est une immense mise en scène du monde.

Retour au cours de cette conférence, inédite en Guadeloupe, sur ce récit incroyable et ses mécanismes, et notamment en rappel aux exhibés venus de Guyane (les Galibis) ou des Antilles (les Caraïbes) pour le Jardin d'acclimatation de Paris, ou ceux venus pour le pavillon de la Guadeloupe lors de l'Exposition coloniale de 1931 à Paris. Cette conférence sera introduit par le film Exhibitions, écrit par Pascal Blanchard, réalisé par Rachid Bouchareb et raconté par Jacques Martial.

Biographie :
Pascal Blanchard est historien, chercheur au laboratoire Communication et Politique (Université Paris-Dauphine, PSL Research University, UMR 7170-CNRS, IRISSO), co-directeur du Groupe de recherche Achac, il est un des grands spécialistes du « fait colonial » et des questions migratoires en France. Il a publié une quarantaine d'ouvrages, et notamment La France noire (2011), Zoos humains et exhibitions coloniales (2012), La Fracture coloniale (2005) et Le Grand repli (2015). Avec Lilian Thuram et Nanette Snoep, il a présenté au Musée du Quai Branly l'exposition Exhibitions. L'invention du sauvage, qui a reçu plus de 265.000 visiteurs et dont la version itinérante (proposée par la Fondation Lilian Thuram. Education contre le racisme et le Groupe de recherche Achac) sera proposée au Mémorial ACTe en parallèle de la conférence. Il est également co-auteur du catalogue de l'exposition, Exhibitions. L'invention du sauvage, aux éditions Actes sud.