Un immeuble de quatre étages menace de s’effondrer, à l’angle de la rue du Fond Laugier et du faubourg Alexandre Isaac, à Pointe-à-Pitre. Sachant cela et consciente que ce quartier populaire est habituellement un lieu incontournable des groupes de "Mas", la municipalité a préféré interdire purement et simplement la zone, durant toute la période carnavalesque 2023. Cette décision a été actée lors d’une réunion organisée au siège de la communauté d’agglomération Cap Excellence, le 5 janvier dernier, sur la sécurité des groupes et de leurs spectateurs.
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Mais on peut s’étonner de l’absence de mesure de protection des habitants de Fond Laugier qui vivent, pour certains, au pied du bâtiment délabré et qui affirment n’avoir fait l’objet d’aucune communication.
Fond Laugier privé de "Mas"
Le quartier de Fond Laugier se meurt aujourd’hui. Il apparait vétuste, comme abandonné ; les bâtisses qui tiennent encore debout et qui n’ont pas brulé manquent d’entretien, les installations électriques sont d’un autre temps, les eaux usées stagnent à ciel ouvert, l’éclairage public a des ratés.
Mais les quelques habitants restent attachés à ces lieux chargés d’histoire. Ils se disent autonomes, alors que la mairie ne semble pas se soucier d’eux, selon leurs dires.
Mais c’est un quartier qui revit, à chaque période carnavalesque, car il est le passage obligé de tous les "gwoup a po" (Groupes à peaux). C’est le Mouvman kiltirèl Akiyo qui avait montré la voix, au début des années 80 ; l’idée était de faire revivre l’esprit des "Mas à Sen Jan", à Fond Laugier, leur berceau.
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La décision de la municipalité d’interdire la zone, par arrêté, pour l’édition 2023 du carnaval de Guadeloupe, peine donc à être acceptée de tous. Mais face au risque pour la sécurité des carnavaliers et des spectateurs, certains s’inclinent :
Certains groupes ont un peu tiqué. C’est vrai que c’est le cœur du Mas, où le carnaval Groupe à peau a pris naissance (...).
Jacques Songeons, président du Kolectif Mas kiltirèl (KMK)
En revanche, pour la poignée de commerçants du quartier, qui attendait cette période pour renflouer les caisses et qui a appris la nouvelle dans la presse, la pilule a du mal à passer.
Si on veut enterrer Pointe-à-Pitre tout vivant, qu’on le dise, on enterre Pointe-à-Pitre ! Le si peu de commerçants qui font l’effort, font de la résistance, de rester debout... si le maire veut leur dire de fermer, Messieurs, fermez les commerces !
Jean-Max Asyc, commerçant du quartier
Et les habitants dans tout ça ?
Mais alors, si le risque est réel sur place, avec ce bâtiment insalubre qui tombe en lambeau, qu'est ce qui est fait pour protéger les riverains ?
Les personnes que nous avons rencontrées affirment n’avoir reçu aucune visite, ni aucune communication de la mairie.
L’immeuble dangereux a simplement été ceinturé de barrières métalliques, qui empêchent le passage sur le trottoir autour.
Mais il lâche régulièrement des éclats de béton sur la maison mitoyenne ; celle de Rosetania, mère d’enfants en bas âges.
La mairie a opté pour la facilité, en se contentant d’interdire le carnaval à Fond Laugier, selon Jean-Pierre Coquerel, personnalité du quartier.
Il n’y a rien pour la prévention, tout pour la répression ! (...) Cela fait des années que des gens habitent là, mais on n’a jamais vu personne, pour leur proposer de les reloger (...)
Jean-Pierre Coquerel, habitant de Fond Laugier et membre du Mouvman Kiltirèl Akiyo
Ce sont les habitants qui ramassent les gravats tombés dans la rue. Ils ont signalé le risque à la mairie maintes fois, en vain, selon eux... jusqu’ici.
Tout de même, un écriteau a été posé sur l’immeuble qui représente un risque pour la sécurité publique. Il s’agit d’un arrêté municipal, daté du 8 décembre 2021, enjoignant le propriétaire d’effectuer les travaux de réparation, dans un délai d’un mois. Celui-ci n’a vraisemblablement pas été suivi d’effets.
Une précédente lettre de la mairie au propriétaire, du 24 février 2021, est aussi restée sans suite.