Les commerçants de Pointe-à-Pitre face à la montée de l'insécurité

Les commerçants pointois face à la montée de l'insécurité ©Mickaël Bastide et Christian Danquin - Guadeloupe La 1ère
L’inquiétude grandit du côté des commerçants de Pointe-à-Pitre, après l’assassinat d’une restauratrice, à la rue Nassau, vendredi soir. Un drame qui n’est pas isolé. Les agressions se multiplient, dans cette ville comme à l’échelle de la Guadeloupe. Face à l’insécurité grandissante, les riverains déplorent le manque de moyen et lancent un appel aux autorités.

Le drame survenu vendredi soir à la rue Nassau, à Pointe-à-Pitre, a considérablement renforcé le sentiment d’insécurité chez les usagers de la ville, en particuliers les commerçants, trop souvent témoins ou victime de violence.

Des faits violents à répétition

Maria, restauratrice de 54 ans, a été tuée par balle, lors d’un vol avec arme dans son établissement, le vendredi 15 mars 2024. Les deux braqueurs, qui avaient dissimulé leurs visages, ont opéré en plein service, peu avant 23h00. Ce meurtre a suscité l’émoi dans le quartier, où la victime, d’origine Dominicaine, était très appréciée.

Les riverains ont déposé des dizaines de bougies funéraires devant le restaurant de Maria, tuée par balle le 15 mars 2024.

Quelques jours avant, le 12 mars, en plein milieu de matinée, deux individus qui circulaient en scooter ont agressé un passant, à l’Assainissement. Selon les témoignages, pour un vol de chaîne en or, les bandits ont tiré plusieurs fois sur leur victime, blessant celle-ci.

Ces deux cas, qui interpellent particulièrement, sont les derniers en date d’une longue série. Les agressions, souvent avec arme, sont légion, notamment dans le centre-ville, témoignent les commerçants de Pointe-à-Pitre.

J’ai été agressée trois fois. On a déjà été agressée. Tout le monde est agressé par ici. Les clients s’en vont. Ils ne veulent plus venir à Pointe-à-Pitre.

Commerçante de Pointe-à-Pitre anonyme

"Des mesures s'imposent !"

L'inquiétude grandit donc au sein des usagers du chef-lieu économique de la Guadeloupe. À tel point que les riverains appellent à un renforcement de la sécurité, estimant que trop peu de moyens lui sont dédiés.
Les quelques patrouilles policières sont loin de rassurer, sur place.

Brigage cycliste de la police nationale, à la rue Frébault, à Pointe-à-Pitre.

Un appel est lancé aux autorités locales.

On veut plus d’opérations coup de poing, parce qu’on sait d’où ça vient, par où ça vient et où ça va se cacher. Il peut y avoir des solutions, parce que d’autres villes ont réglé ce problème-là. Plus on attend, plus les moyens qu’on mettra sur le terrain devront être conséquents. Allons-y tout de suite !

François Pellecuier, président de l'Union des services et commerces pointois (USCP)

Jeudi dernier (14 mars 2024), le Contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) a été réactivé. L’érection prochaine d’un hôtel de police municipale est annoncée, de même que le recrutement de 8 policiers a débuté.

Nous allons recruter, l’année prochaine, 8 autres, puisque l’Etat nous autorise progressivement à réaugmenter nos effectifs. Nous allons acheter 20 gilets par balles, outre les 20 que nous avons déjà ; nous demandons une subvention à l’Etat qui nous a promis de les financer à 80%, la vidéoprotection aussi.

Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitre

Mais la répression ne peut pas être l’unique solution à apporter, contre la montée de la délinquance et de la criminalité, en Guadeloupe, estime l’élu.

Ils ont dit

Via un communiqué daté du lundi 18 mars 2024, le président de la Communauté d’agglomération Cap Excellence interpelle l’Etat, sur la circulation des armes, les crimes de sang et les trafics de stupéfiants. Eric Jalton tire la sonnette d’alarme et réitère sa demande à l’Etat :

De renforcer les moyens humains et techniques de surveillance de nos frontières et de nos côtes, comme tout premier moyen de limiter la circulation des armes et de lutter contre les addictions. De repenser la stratégie de maintien de l’ordre sur notre territoire... pour mieux prendre en considération les précarités et les pauvretés qui progressent et qui sont le terreau sur lequel prospèrent les délinquances, les violences faites aux femmes, la criminalité et les protections dont bénéficie le trafic organisé de stupéfiants.

Eric Jalton, président de Cap Excellence, maire des Abymes

Le 11 août 2023, le maire de Pointe-à-Pitre, Harry Durimel, plaidait pour sa part pour la mise en place d’un Plan Marshall :

Notre position de capitale économique et de ville-centre fait de Pointe-à-Pitre le réceptacle de tous les maux et de toutes les déviances (...). C’est donc un véritable appel au secours que je lance à l’Etat, dont vous êtes le représentant, pour que nous mettions en place un Plan Marshall.

Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitre

Et, dans une lettre ouverte aux élus de la Guadeloupe intitulée "une terre en péril", le syndicat Unité SGP police FSMI-FO enjoint la classe politique à se rassembler pour mettre l’Etat face à ses responsabilités :

La Guadeloupe est abandonnée, sa jeunesse jetée en pâture face à la drogue et à la violence, nos rues et nos maisons sont dans l’insécurité la plus totale (...). Ne voyez-vous pas qu'il est impérieux voire grand temps que le Gouvernement et son ministre de l'Intérieur prennent, à votre demande, la Guadeloupe en considération et nous propose des solutions pérennes a l'instar de ce qui a déjà été fait dans des régions de l'hexagone pour des situations moins préoccupantes. Notre Guadeloupe souffre de cette délinquance exponentielle. Mettez-vous ensemble et proposez à l'Etat par la voix de son ministre de l'Intérieur un moratoire sur la sécurité dans le but d'une évaluation des politiques et pratiques existantes afin de trouver des solutions plus durables et adaptées à notre contexte local.

Communiqué du syndicat Unité SGP police FSMI-FO

REPORTAGE/
Reporteur : Mickaël Bastide, avec Ariel Joaille (stagiaire)
Reporteur d’images : Christian Danquin
Monteur : Sébastien Marchais
Mixeur : Justin Mirval