Dialogue définitivement rompu, entre l'Association des maires de Guadeloupe et l'UTC-UGTG en grève générale illimitée dans les collectivités. Les parties n'échangent leurs arguments que par média interposé. Dans ce contexte, Pierre-Yves Chicot présente une idée de méthodologie de sortie de crise.
La situation reste toujours aussi tendue, au sein de la grande majorité des collectivités de l'archipel guadeloupéen, où l'Union des travailleurs des collectivités (UTC), section syndicale de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), est en grève "illimitée" depuis le 2 mars 2020 (et depuis le 22 février, à la mairie de Petit-Bourg).
Depuis sept semaines, donc, les municipalités où le syndicat est bien encré ne voient pas le bout du tunnel.
Les négociations, autour du premier point de la plateforme de revendications de l'UTC-UGTG, sont au point mort depuis mi-mars ; plateforme qui compte 18 points. Les parties ne trouvent pas de terrain d'entente, sur la double question de "régularisation des carrières", tant concernant la titularisation des agents contractuels, que l'avancement des anciens salariés. Des promotions qui rimeraient, pour les employés concernés, avec des augmentations de salaires.
Plateforme de revendications de l'UTC-UGTG
Afin de régler la situation dans sa globalité, sur le territoire, l'UTC qui profite d'un vide juridique en la matière, prône la négociation d'un accord-cadre, avec le préfet, l'ensemble des maires, les parlementaires, le Conseil départemental et le Conseil régional.
Jocelyn Sapotille ne comprend pas l'entêtement de l'UTC-UGTG
La demande qui est formulée depuis le départ, par l'UTC-UGTG, pose un problème de l'égalité.
Le président de l'Association des maires de Guadeloupe (AMG) fait la distinction entre ce que la loi impose aux élus et ce que veut imposer l'UTC-UGTG.
Jocelyn Sapotille était l'invité du journal télévisé du mardi 13 avril 2021 ; il était interrogé par Ludivine Guiolet-Oulac :
Par ailleurs, même si certains maires ont la volonté de permettre à leurs agents de monter en grade, ils n'en ont pas toujours les moyens. Les caisses de plusieurs collectivités sont vides, alors que les demandes d'avancement sont nombreuses ; certaines sont en attente, depuis plusieurs années.
Mais attention, précise Jocelyn Sapotille, l'évolution de carrière est à étudier au cas par cas. Une telle procédure ne peut concerner que les agents qui le méritent ajoute-il, un brin provocateur.
C'est impossible de la faire comme ils le demandent : c'est à dire automatiquement et pour tout le monde. Ça, c'est impossible ! C'est la mort des communes, si on fait ça !
Mais, par contre, le faire au cas par cas, selon la situation des agents et, je dis bien, s'ils le méritent, oui, c'est possible ! Tous les maires sont d'accords pour discuter dossier par dossier.
De même qu'entrer dans une pluriannualité, pour pouvoir le faire ; parce qu'on ne peut pas le faire sur une seule année.
Concernant la question de l'accord-cadre, l'AMG n'entend pas se plier aux exigences de l'UTC-UGTG :
Nestorius Favel rejette en bloc les affirmations de l'AMG
En 2003, on a signé un accord cadre, concernant les emplois précaires, en présence des Parlementaires, du Département et de la Région. Donc, Jocelyn Sapotille n'est pas dans le vrai.
Le secrétaire général de l'UTC-UGTG pointe du doigt Jocelyn Sapotille, non pas en tant que président de l'AMG, mais en sa qualité de maire de Lamentin. Nestorius Favel rappelle, en effet, que les carrières des agents, dans cette commune, ne sont pas à jour :
Alors que le président de l'AMG évoque 5% de grévistes, dans les collectivités, Nestorius Favel rappelle que l'UTC-UGTG était sorti largement majoritaire des urnes, lors des dernières élections professionnelles.
L'UTC a gagné les élections, avec 52% des suffrages, alors qu'il y avait huit syndicats en lice.
L'arbitrage de Me Pierre-Yves Chicot
Alors que la rupture semble définitivement consommée, entre l'UTC-UGTG et l'AMG, nous avons sollicité Pierre-Yves Chicot, avocat et maître de conférence en droit public à l'Université des Antilles, pour y voir plus clair, entre les arguments contradictoires avancés par les protagonistes de ce conflit social.
Pour ce spécialiste, l'accord-cadre pourrait être un outil méthodologique de concertation, de discussion et de dialogue entre les partenaires.
Mais ce potentiel pot commun ne pourrait convenir à l'ensemble des collectivités, au regard des disparités existantes, notamment budgétaires.
A noter aussi que l'Association des maires ne peut donc pas trancher au nom de l'ensemble de ses mandants, du point de vue de Pierre-Yves Chicot.
Mais alors, comment sortir de ce conflit ?
Le point d'équilibre, dans une situation comme celle-là, ce serait de trouver un accord sur la méthodologie. C'est à dire des affirmations de principe, dans le cadre de ce qu'on pourrait appeler "accord-cadre" ou "accord préalable" ; on peut trouver un vocabulaire qui fait consensus.
Et, à partir du moment où on a trouvé des points de convergence, dans les affirmations de principe, qu'on puisse retourner au niveau de chaque collectivité municipale de Guadeloupe.
Enfin, si les parties s'accordent sur la nécessité de respecter la carrière des agents, la réalité budgétaire des collectivités reste à prendre en considération, rappelle l'avocat.
Or, bien souvent, pour diverses raisons, l'argent manque dans les caisses des municipalités de l'archipel.
A (re)voir l'interview complète de Pierre-Yves Chicot, maître de conférence en droit public.
Il était l'invité du journal télévisé du mercredi 14 avril 2021 et était interrogé par Ludivine Guiolet-Oulac :