Haïti : le Kenya suspend la mission internationale, les USA plaident pour son maintien, la France sort du silence

La police kenyane patrouille dans les rues de Nairobi. Il existe plusieurs freins à l'envoi en Haïti d'une force de police internationale, dirigée par le Kenya.
Les Etats-Unis ne voient pas de raison de retarder le déploiement en Haïti de la mission de police menée par le Kenya. Washington minimise ainsi l’annonce de ce pays d’Afrique de l’Est de la suspension de cette mission internationale, qui devait contribuer à ramener le calme dans le territoire caribéen en proie à une crise plurielle sans précédent. Nairobi refuse d’intervenir en l’absence d’une gouvernance locale ; or, le premier ministre haïtien a démissionné lundi. La France, quant à elle, s’exprime sur la situation en Haïti, après des mois de silence.

En Haïti, au lendemain de l’annonce de la démission du premier ministre Ariel Henry, le déploiement de 1000 policiers kényans, dans le cadre de la mission multinationale de soutien à la sécurité du pays, a été suspendu par les autorités de ce pays d'Afrique de l’Est.
Le désormais ex-dirigeant haïtien s’était rendu au Kenya, fin février, pour parapher un accord de réciprocité avec l’exécutif kényan, un instrument juridique exigé par un tribunal de Nairobi pour le déploiement des policiers. Mais, depuis ce voyage, Ariel Henry n’a pas pu retourner à Port-au-Prince et sa démission a été annoncée, alors qu’il se trouve sur le sol américain, à Porto Rico.

La question de la situation d'Haïti, pays plongé dans l'anarchie par les gangs, s'est par ailleurs invitée à l'Assemblée Nationale, en France.

Une mission internationale avortée ?

Un nouveau grain de sable freine les velléités internationales : le Kenya a décidé de suspendre l'envoi prévu de policiers en Haïti, dans le cadre d'une mission internationale soutenue par l'ONU, a indiqué un haut responsable du ministère kényan des Affaires étrangères.

Les Etats-Unis ont immédiatement réagi : le département d'Etat a affirmé ne pas voir de raison de retarder cette mission de police. "Je serais bien sûr préoccupé par tout retard, mais nous ne pensons pas qu'un retard soit nécessaire", a déclaré à la presse le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller.

"Il y a eu un changement radical à la suite de l'effondrement complet de l'ordre public et de la démission du premier ministre de Haïti", a déclaré à l'AFP Korir Sing'oei, secrétaire général du ministère kényan. "Sans administration politique en Haïti, il n'y a pas de point d'ancrage sur lequel un déploiement de la police puisse reposer, le gouvernement (kényan) attendra donc l'installation d'une nouvelle autorité constitutionnelle en Haïti avant de prendre d'autres décisions sur la question", a-t-il ajouté.
Il a ajouté que Nairobi restait toutefois disposé à "fournir un leadership" à la mission internationale, qui avait été approuvée par le Conseil de sécurité de l'ONU, en octobre dernier.

Durant toutes ces tergiversations, les 11,5 millions d’habitants d’Haïti sont soumis à la violence, à la famine, aux risques sanitaires, au chaos, etc.

Le gouvernement appelé à s’exprimer sur la crise haïtienne

Lors des questions au gouvernement, hier (mardi 12 mars 2024), Éléonore Caroit, députée Renaissance de la deuxième circonscription des Français établis hors de France, a demandé qu'elle rôle la France comptait-elle jouer dans le rétablissement de l'ordre dans ce pays pauvre de la Caraïbe, ancienne colonie française.
La réponse lui a été donnée par Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des Affaires Etrangères.
Il s’avère que, mardi matin, les "personnels non essentiels" français ont été évacués, a annoncé celui-ci. "Une équipe demeure, notamment pour maintenir le contact avec nos compatriotes (...) La sécurité de ces derniers reste la priorité" du ministère, a-t-il complété.
Un échange à (re)voir ci-dessous :

Le gouvernement français appelé à s’exprimer sur la crise haïtienne ©La 1ère

Depuis le début des discussions menées par la communauté internationale, au sujet de ce qui se passe en Haïti, la France est restée silencieuse.
Et, mardi, la secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux, Chrysoula Zacharopoulou, a transmis une déclaration écrite à l'Agence France presse (AFP) La diplomate se dit optimiste, quant à une possible "transition politique", estimant que le dialogue inter-haïtien a permis d'ouvrir "une perspective positive" en jetant "les premières bases d'une transition politique inclusive en vue d'élections libres et démocratiques". La secrétaire d'Etat française a participé à la réunion d'urgence organisée lundi, en Jamaïque, par des membres de la Communauté des Caraïbes (Caricom) et des représentants de l'ONU.

"Un accord de gouvernance transitoire" doit déboucher sur "un plan d'action à court terme en matière de sécurité" et "des élections libres et équitables", selon Mohamed Irfaan Ali, président du Guyana qui assure la présidence tournante de la Caricom. Le Conseil de sécurité de l'ONU a, quant à lui, appelé tous les acteurs politiques haïtiens à des "négociations sérieuses" pour "rétablir les institutions démocratiques" du pays, qui a sombré dans une crise sécuritaire et humanitaire.

L'Union européenne a aussi procédé à l'évacuation lundi de l'ensemble du personnel de sa délégation présente en Haïti, lundi. Idem, dans la nuit de samedi à dimanche, les Américains avaient, eux, évacué par hélicoptère leur personnel diplomatique non essentiel.