Harcelèment sexuel : il est urgent d’éduquer les enfants

Les remous provoqués par la campagne « #dénonce ton porc » n’ont pas fini de faire des vagues dans la société. Pourtant, elle aura mis en évidence le déficit d’une éducation qui, souvent, a soigneusement choisi d’écarter le sujet.
Une  scène du 1er film de la saga « La guerre des Etoiles ». Han-Solo épris de la Princesse Leia veut la forcer à accepter ses avances, sûr qu’il est qu’elle est amoureuse de lui. Il tente de la forcer. Elle refuse. Elle lui demande d’arrêter mais il continue. Et toutes ses protestations sont vaines. Han Solo continue son entreprise avant d’abandonner la Princesse.
Certes, la flamme, elle la ressentira plus tard et lui démontrera. Mais cette scène d’un film grand public et particulièrement pour celui des enfants, affirme par sa sémantique un message qui, de manière diffuse, entrera dans l’inconscient des spectateurs : une femme, ça a toujours envie, il suffit d’insister un peu et ça passera. Et même si elle dit non, c’est un oui déguisé. Un message qui bat en brèche tout ce qui est prôné par ailleurs : «  le viol commence là où le refus et l’absence de consentement ne sont pas respectés. »
Les images du cinéma ont souvent contribué à faire passer de telles idées sans qu’elles ne soient pour autant ouvertement défendues. Le spectateur retiendra qu’Han Solo avait raison puisque la princesse Léia, quelques scènes plus tard, avouera son intérêt pour lui. Mais l’idée aura fait son chemin, bien ou mal reçue selon le tempérament, le caractère et l’éducation du spectateur.
Souvent d’ailleurs, ce sont les dessins animés qui suggèrent impunément des situations à la limite de l’équivoque, sans que personne ne vienne ensuite les corriger dans l’esprit des enfants. Qu’auront retenu les enfants qui, passionnés par « Dragon Ball », auront vu « Tortue Génial » aller jusqu’au chantage pour observer les dessous des petites filles ?

Plus généralement, en devenant un fait de société, la campagne « # balance ton porc » va bien plus loin que les dénonciations en cascade auxquelles on assiste. Elle met en lumière des mœurs souvent connues et jamais dénoncées mais aussi des personnes qui ne voyaient aucun mal à ce type d’agissements. « Dans le métier, c’est comme ça ! »
Elle pose donc un problème de fond puisqu’elle interpelle la société sur la manière dont les enfants sont éduqués à la sexualité, mais aussi aux moyens de lutter contre les situations de harcèlement, d’agressions ou même de viols, en éduquant les enfants.

L’éducation, en priorité dévolue aux parents


Pour le pédopsychiatre Stéphane Clerget, ce rôle d’éducation revient en premier lieu aux parents : « aux garçons, ils peuvent expliquer comment aborder une fille -la grande préoccupation des ados- en leur précisant que toucher les zones sacrées du corps de l’autre, sans son accord, est une forme d’agression sexuelle. Ces derniers doivent comprendre la notion de consentement, pas seulement pour des relations sexuelles, mais aussi pour un premier baiser. Les garçons ont besoin d’apprendre à maitriser leurs pulsions pour exprimer leur désir, que ce soit verbalement ou physiquement. Les filles, elles, doivent surtout être encouragées à manifester leur désaccord plus clairement et plus fermement. Beaucoup sont encore dans une attitude passive ». C’est d’ailleurs cette attitude passive qui favorise une voie ouverte dans de nombreux cas d’agressions sexuelles sur mineur. Des adultes qui vont profiter de la naïveté et de l’incapacité de résistance de leurs jeunes victimes. D’où l’urgence d’oser en parler aux enfants, filles autant que garçons.
Mais il faut surtout en arriver à leur apprendre le respect mutuel. Non pas seulement les garçons par rapport aux filles mais tout autant, les filles par rapport aux garçons. Et plus largement, les parents doivent veiller à l’exemple qu’eux-mêmes donnent à leurs enfants. Deux voies importantes selon Stéphane Clerget, si l’on veut influencer les mœurs de la société en agissant d’abord par l’éducation des enfants : « l’éducation au respect mutuel passe aussi par une éducation à la sexualité dès le plus jeune âge. On explique aux enfants qu’on ne peut se marier qu’avec quelqu’un qui est d’accord. De même, on leur dit qu’on ne joue pas à « touche pipi », même si c’est normal d’en avoir envie. Il faut attendre d’être plus grand et ne pas le faire devant tout le monde. Ce sont des choses simples que les enfants comprennent très bien et pourtant, on ne le dit pas suffisamment.
Au-delà des mots, l’éducation passe également par l’exemple. Un père doit faire attention à ce qu’il dit et à la façon dont il se conduit avec les femmes devant son fils. Quant aux mères, elles doivent aussi éviter certains comportements comme embrasser leurs garçons sur la bouche ou les laisser leur toucher la poitrine. À partir de 3 ans, il faut apprendre aux enfants la pudeur, sans violence. Le corps de la femme c’est aussi le corps de la mère, il ne faut pas que le petit garçon ait l’impression que ce corps lui appartient. »
Des enfants à éduquer, certes, et des parents à accompagner.

 

Pour aller plus loin : 

- La lutte contre les agressions sexuelles
- Contre les violences faites aux femmes 
- Documentation : La Croix 
-
 Violences sexuelles : les plaintes ont augmenté de 30% en octobre