Il est beau, il est grand et parfait... c'est un voleur !

Une jeune femme résidant en Grande-Terre a cru trouver l'amour au détour d'un message Instagram. Au lieu de cela, elle se fera terroriser par ceux que l'on appelle les "brouteurs", des arnaqueurs dangereux qui opèrent sur les réseaux sociaux.

"Hello ! J'ai vu ta photo, on pourrait se parler ?" En fin d'année 2020, ce message tombe dans la boîte de réception Instagram de Josie*. Elle le voit mais n'y prête aucune attention. L'homme, patient, revient à la charge quelques semaines plus tard. "Hello je suis nouveau sur les réseaux sociaux, je veux juste me faire des amis." Cette fois, Josie considère le message plus longuement. Un tour sur le profil du contact révèle un homme d'origine caribéenne, beau, athlétique mais rien de suspect.

Josie choisit de lui répondre et, très vite, la conversation démarre. Ils ne resteront pas longtemps sur Instagram car l'homme déclare ne pas aimer cela. Il lui demande son numéro de téléphone pour la contacter via WhatsApp. C'est alors le début d'une relation passionnée qui a les faux-airs de l'amour.

Aux petits soins

Il faut dire que l'homme est habile et n'est pas avare de son temps.

"Nous passions des heures au téléphone. Il me parlait de ses journées, de ses activités, et de mon côté aussi je me confiais à lui."

Josie

Les symptômes caractéristiques d'un amour naissant ne tardent pas à se déclarer. Et Josie a déjà oublié la petite anomalie qu'elle avait constaté lors du premier appel vidéo. Elle retient juste que cet homme qui dit être ingénieur en bâtiment, semble bien gagner sa vie, est veuf, et élève seul une petite fille d'environ six ans. Elle aura d'ailleurs l'occasion de lui parler et la petite finira pas l'appeler un jour "maman". Ainsi, alors qu'en novembre 2020, Josie s'était engagée dans cette aventure sans y croire réellement, elle se retrouve, un mois plus tard, à considérer une séparation d'avec l'homme qui partage à ce moment sa vie.

"Nous traversions une passe difficile, alors qu'avec ce nouvel homme, nous parlions déjà mariage."

Josie

Mais la lune de miel ne va pas durer longtemps. Deux raisons à cela. Le compagnon de Josie se doute de quelque chose et quitte leur domicile conjugal mais au-delà de cela, le nouvel amant ne va pas tarder à commettre une erreur fatale.

Le détail du nom

Alors qu'ils partagent une énième séance de confidences par WhatsApp, l'homme lui parle de sa famille, du fait qu'il soit originaire de Saint-Domingue, mais qu'il se soit installé très jeune à Nantes, en France. Innoncemment, elle lui fait remarquer que son nom, Bernard Richard ne court pas les rues de Saint-Domingue.

Je lui dis ça vraiment sur le ton de plaisanterie, sans vraiment y mettre de sens. Je lui demande si ce n'est pas Bernardo au lieu de Bernard et lui... se fâche.

Josie

Comme la meilleure défense, c'est l'attaque, celui qui se fait appeler Richard Bernard, propose de lui envoyer une copie de sa carte d'identité, ce que Josie accepte tout de suite. La réponse surprend l'amoureux transi mais il accepte de lui transférer le document. Josie reçoit alors un simulacre de carte qui ne répond absolument pas aux standards de l'administration française. Le doute se renforce, ils se disputent, et cessent de se parler pendant une semaine.

Ce temps de pause, Josie l'emploie à prendre des informations. Elle se confie à une amie qui valide ses doutes. Mais le coup de grâce viendra d'un autre ami qui lui envoie le lien d'un reportage sur les "Brouteurs" arnaqueurs sentimentaux en ligne. Le mode opératoire de Richard est le même, le décor s'effondre.

Votre correspondant est indisponible

Après une semaine,  Bernard Richard revient plus prévenant et doux que jamais. Mais Josie reste froide. Du coup, sa stratégie s'accélère. Il déclare qu'il est engagé sur un chantier au Brésil et qu'il part avec sa fille. Il lui envoie une vidéo à l'aéroport censée prouver son départ. Là-bas, il déclare ne pas avoir de crédit sur sa carte Mastercard PCS et qu'il a besoin de liquidités pour payer ses plans. Il ordonne quasiment à Josie de lui avancer 500 euros. Elle refuse. Il insiste, son compte est bloqué en France, il lui envoie des relevés de compte, encore une fois manifestement falsifiés. Sa fille meurt de faim, il est à bout de solutions, elle doit demander de l'argent à sa famille pour l'aider. Mais Josie reste inflexible. Alors il emploie la force. "Tu te crois intelligente ? Tu verras" lui écrit-il.

Photos osées

Au cours d'une conversation nocturne, Josie avait envoyé à l'escroc des photos dénudées. Désormais, il utilise ces images compromettantes pour lui extorquer de l'argent. Il menace de les divulguer à ses contacts. Affolée, Josie va porter plainte auprès de la gendarmerie, mais il n'y a pas encore d'infraction, les photos n'ont pas été publiées sur les réseaux. 

Les gendarmes me disent qu'il finira par lâcher sans publier les photos mais certains policiers me disent qu'il va peut-être les publier. Je suis perdue.

Josie

Josie ne répond plus aux menaces de cet escroc qui n'a rien peut-être rien de Dominicain. Elle a changé son pseudonyme sur les réseaux sociaux, effacé ses contacts, rétabli son e-réputation autant que possible. Mais en un peu plus de deux mois, l'escroc a sans doute eu le temps de faire le tour de ses réseaux. Elle pense que ses données de navigation ont fait d'elle une cible.  En effet, Josie a un fort désir d'enfant et a intégré des groupes sur Faceboook notamment ayant pour sujet la PMA et l'adoption. Un historique qui en fait une proie de choix pour les brouteurs. 

Aujourd'hui, Josie s'attend à tout moment à la publication des photos, car il est clair qu'elle ne paiera pas. Elle a déjà prévu un plan B, au cas où elle perde son emploi mais espère tout de même que ses parents resteront loin de cette histoire. 

Les brouteurs, en général basés dans des pays d'Afrique de l'Ouest, sont passés maîtres dans l'art de l'usurpation. Ils volent les photos d'hommes jugés séduisants et créent de faux-profils. À ce titre, les militaires français sont régulièrement dépossédés de leur image. Selon un article de France Info la légion étrangère a détecté plus de 2 000 faux profils Instagram, 300 sur Facebook et 500 sur TikTok.

* Le prénom de l'interlocutrice a été changé