Il y a 104 ans : les antillais renforcent l'armée française

Monument aux morts de Baie-Mahault
Le 23 Novembre 1913 un décret permet à l'armée française de recruter des troupes dans les 4 vieilles colonies, Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion. La France a besoin de soldats en prévision du conflit qui apparaît inévitable avec l’Allemagne.



Le 15 juillet 1889 l’article 81 de la loi sur le recrutement de l’armée Française stipule « que les dispositions de la présente loi sont applicables aux colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et la Réunion ». En fait durant 24 ans, du fait du conservatisme de l'armée française, qui voit d'un mauvais oeil l'arrivée d'hommes de couleur, cet article n’est pas appliqué.

En 1913, la donne change

Les tensions entre la France et l’Allemagne annonce clairement le conflit à venir entre les deux nations. Les forces en présence sont dramatiquement favorables aux teutons… L’armée allemande peut aligner plus de 850 000 combattants alors que la France, en compte moitié moins… Une loi dite des trois ans, augmente alors la durée du service militaire.
Elle est votée en juillet 1913 à l’issue d’une grosse bataille politique. Les autorités militaires se souviennent aussi opportunément de la loi de 1889. Son décret d’application est promulgué quelques mois plus tard, le 23 novembre.

25 000 soldats créoles

Avec le début de la Grande Guerre l’année suivante, les convois de soldat coloniaux commencent.
Sur les 4 ans du conflit, 25 000 soldats créoles ou résidents aux Antilles sont ainsi incorporés dans les armées de la République. Presque tous débarquent en Europe.
Ils participent à toutes les batailles. La Marne en 1914, puis en Artois et en Champagne en 1915, sur la Somme en 1916, dans l'Aisne en 1917. Ils font partie des troupes qui s’emparent du fort de Douaumont décisif pour l’issue de la bataille de Verdun et prennent une part active dans la défense de Reims en mai-juin 1918.

L’impôt du sang est lourd

Sur 6 603 originaires de la Guadeloupe, 1027 meurent ou sont portés disparus. Il y a bien sûr les hommes de troupes mais également des officiers de valeur comme le capitaine de Vaisseau Camille Mortenol chargé de la défense aérienne de Paris.
La propagande allemande, ne va pas ménager ces soldats par trop exotiques…
Dans une guerre de gens civilisés, les français seront critiqués pour l’emploi d’hommes accusés par l’ennemi des pires penchants et turpitudes.
Tout comme leurs camarades, Africains, Tonkinois ou Malgaches, ils n’ont pas démérité mais la mémoire collective hexagonale a été vite oublieuse de leur sacrifice.
L'armée française avait déjà intégré d'autres soldats coloniaux
Les soldats coloniaux de 1913 n'ont pas été les premiers être incorporés dans l'armée française. A la fin de l'ancien régime des hommes comme le Chevalier de Saint-Georges s'étaient déjà distingués au combat sur le théâtre européen. Avec la révolution, le phénomène va s'amplifier. Aux cotés des hommes de troupe on assiste même à l'émergence de hauts gradés comme le Général Alexandre Dumas (père). Dans les colonies, en Guadeloupe et Haïti singulièrement, de nombreux anciens esclaves intègrent en masse les troupes militaires. La donne va changer avec le rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe et l'accession d'Haïti à l'indépendance en 1804. Même quand ils sont restés fidèles à la France, les soldats noirs, sont considérés comme suspects. Ils seront alors soit vendus comme esclaves dans les pays voisins, soit déportés notamment en Corse. Là, dans une région montagneuse, en plein hiver, ils seront affectés à la construction d'une route. Ces travaux forcés vont causer la mort de la plupart d'entre eux.