Inscription de l’IVG dans la Constitution : le "OUI ! Mais..." des Guadeloupéens

Autorisée légalement en France, l'IVG peut être pratiquée jusqu'à un certain stade de la grossesse.
Un vote historique : le Sénat a dit "oui" à l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Reste au Parlement, qui se réunira en congrès lundi prochain, à Versailles, de statuer ; une majorité des 3/5èmes des votes sera nécessaire pour une adoption définitive. La France est en passe d’être le premier pays au monde à protéger ce droit via sa Constitution. Une évolution bien accueillie en Guadeloupe... à condition que les femmes n’abusent pas de cette possibilité de mettre fin à leur grossesse et se tournent davantage vers les moyens de contraception. Car l’IVG n’est pas sans risque, rappelle le corps médical.

C’est l’étape la plus complexe qui a été franchie, hier (mercredi 28 février 2024) : le Sénat a penché en faveur de l’inscription de l’Interruptions volontaires de grossesses (IVG) dans la Constitution. Les sénateurs ont adopté le texte à une large majorité, par 267 voix contre 50 ; cela, dans les mêmes termes que l’Assemblée Nationale.
Lundi prochain (le 4 mars 2024), réunis en Congrès à Versailles, députés et sénateurs seront appelés à inscrire définitivement ce droit dans la Constitution. Une majorité des trois cinquièmes des voix des parlementaires sera nécessaire ; ce qui devrait être une formalité. 

La France deviendrait alors le premier pays au monde à protéger l’IVG via sa Constitution.
Elle avait été temporairement autorisée par la loi du 17 janvier 1975, dite "loi Veil", puis reconduite en 1979, pour être définitivement légalisée le 1er janvier 1980.
La loi rappelle que toute femme enceinte, majeure ou mineure, qui ne veut pas poursuivre une grossesse, a le droit de demander à un médecin l’interruption de celle-ci, avant la 14ème semaine pour la méthode chirurgicale, ou jusqu’à 7 semaines par voie médicamenteuse.

Les associations féministes nationales ont salué le vote du Sénat, qu’elles qualifient de symbole important ! De même, en Guadeloupe, cette initiative est bien accueillie. 

Une bonne chose... si cela s’accompagne d’une sensibilisation à la contraception 

Les professionnels que nous avons rencontrés plaident pour le droit à l’IVG.
Mais ils savent que, localement, les femmes concernées peuvent être confrontées à la réprobation d’autrui. D’où la nécessité de bénéficier d’une large communication, pour savoir qui sont les praticiens habilités à pratiquer cette intervention.
Quoi qu’il en soit, les patientes ne doivent confondre IVG et contraception, considèrent Doris Célanie et Sylvère Marie, gynécologues-obstétriciens :

La société est en train d’évoluer, de changer, mais souvent elles se heurtent à des jugements : pourquoi vous faites une IVG, etc. ? On ne fait pas ça ici... Donc des fois, elles cherchent, elles vont de praticiens en praticiens pour pouvoir trouver une solution. Et des fois elles se découragent (...) Mais il faut faire attention aux dérives : parce que OK on a le droit à une IVG,  mais ce n’est pas un moyen de contraception.

Doris Célanie, gynécologue-obstétricienne

Doris Célanie, gynécologue-obstétricienne ©Marie-Lyne Plaisir et Ronhy Malety - Guadeloupe La 1ère

Ce que je dis, c’est qu’il faut faire attention. Si on arrive à l’IVG, c’est qu’on a échoué quelque-chose : la contraception.

Sylvère Marie, gynécologue-obstétricien

Sylvère Marie, gynécologue-obstétricien ©Marie-Lyne Plaisir et Ronhy Malety - Guadeloupe La 1ère

Au sein de la population, les personnes que nous avons rencontrées estiment qu’il faut laisser les femmes choisir. Elles sont seules à devoir décider de ce qui est bon pour elles, pour leur corps, pour leur avenir.

Inscription de l'IVg dans la constitution : l'avis de quelques passants ©Marie-Lyne Plaisir et Ronhy Malety - Guadeloupe La 1ère

Et, sans surprise, comme au national, les associations qui militent pour le respect du droit des femmes, se réjouissent de cette avancée annoncée : le fait que l’IVG soit gravée dans la Constitution.
Reste à informer largement la population, pour que chacun s’approprie ce droit, mais aussi les différentes possibilités de ne pas avoir à subir une grossesse non désirée.

C’était nécessaire pour éviter toute ambiguïté, mais aussi pour que les femmes n’aient pas à se cacher, à faire ces IVG dans des conditions parfois difficiles qui, encore aujourd’hui, entraînent parfois l’irrémédiable, c’est-à-dire la mort.

Christiane Gaspard-Méride, présidente de l’association Force, de lutte pour les droits des femmes

Christiane Gaspard-Méride, présidente de l’association Force, de lutte pour les droits des femmes ©Marie-Lyne Plaisir et Jean-Marie Macounzy - Guadeloupe La 1ère

 

L’IVG en Guadeloupe

La Guadeloupe est la deuxième Région de France où l’on pratique le plus d’IVG ; 3203 ont été pratiquées localement en 2022.

Cette année-là, 234.000 interruptions volontaires de grossesses ont été enregistrées, à l’échelle nationale. Après une baisse liée à la pandémie de Covid-19, en 2020 et 2021, les taux de recours ont augmenté dans toutes les régions de l’Hexagone et d’Outre-mer, excepté dans l’archipel (-1,4 point). Au final, alors que ce dernier caracolait en tête de classement, il a été dépassé par la Guyane.
Au total, pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans, il y en a eu 48,7 en Guyane, contre 40,6 en Guadeloupe.
Entre 2016 et 2021, le nombre d’IVG réalisés a augmenté de 14% en Guadeloupe, contre 3% en France hexagonale. Localement, le taux de recours était 2,7 fois plus élevé qu’Outre-Atlantique.