La souffrance des collégiens et des lycéens de Guadeloupe

Répondant aux questions de Guadeloupe La 1ère en radio, Michel Gédéon, président de la FAPEG soulignait la souffrance des élèves guadeloupéens à cause des conditions de scolarisation. Une souffrance réelle mais dont les raisons sont multiples avec de réelles conséquences dans le suivi scolaire.

Alexyah est élève de 5ème au collège Bois Rada, à la Boucan. Elle a encore en mémoire ces moments où elle ne pouvait pas se rendre à son collège en raison du barrage sur le Pont de la Boucan. L'établissement a certes mis en place un relai pour permettre de continuer l'enseignement, mais ce n'est pas ce qui l'aura le plus marqué. 

Tous les jours, j'entendais mes parents espérer quelque chose, mais quoi, je ne sais même pas. Chacun voulait aller à son travail. Mon papa a appelé certains de ses amis pour venir le chercher de l'autre côté du pont. Maman, elle, ne voulait pas prendre de risque. J'avais quelquefois l'impression d'être à la maison comme quand il y a un mauvais temps.... A attendre que ça passe

Alexyah, collège de la Boucan, Sainte Rose

 

Un mauvais temps pour Alexyah, un cyclone pour Maeva. Là où elle habite, la connexion est difficile. Elève au lycée Charles Coeffin, elle espérait retourner le plus tôt possible en présentiel parce que, pour elle, les cours à distance signifiaient une irrégularité dans le travail et surtout, elle avait l'impression de ne pas avoir les mêmes chances de réussir que les autres.

Quand tu dois sans cesse recommencer pour tenter de te connecter, que tu appelles les amis pour te dire ce que tu as à faire, que tu n'as pas de contact avec les enseignants... ouais ! C'est raide !

 

Maeva, lycée Charles Coeffin, Baie-Mahault

 

Bien sûr, il y a ceux qui ne se sont rendus compte de rien. Maxime en fait partie. Il habite à la Jaille, à quelques pas du lycée et, les barrages, il n'a jamais vraiment été confronté à eux. Pourtant, il ne sort pas plus indemne de cette crise que les autres.

Lorsque je regardais à la télé ce qui se passait un peu partout en Guadeloupe, je me disais qu'il y a vraiment trop de violence en Guadeloupe. J'ai d'ailleurs dit à mes parents que, si j'ai le baccalauréat cette année, je ne resterai pas ici.

Maxime, lycée Charles Coeffin, Baie-Mahault

Un sentiment qu'ils sont nombreux à partager. Ces images vues sur les réseaux ou dans les journaux télévisés, ils ne sont pas prêts de les oublier. Nolan, élève du collège Saint Joseph de Cluny, à la Jaille Baie-Mahault, dit même qu'il a vraiment eu peur. 

On échangeait entre nous sur tout cela. Pour nous, c'était des choses qu'on n'aurait jamais imaginé voir dans le réel. Dans les films et dans les jeux, c'est normal mais dans le concret....

 

Nolan, collège de la Jaille, Baie-Mahault

 

Dès l'an dernier, toutes les études nationales et locales avaient montré que la crise sanitaire avait eu un réel impact sur les collégiens et les lycéens. Malgré de réels efforts des enseignants pour faire mieux que pendant le confinement de mars 2020 où l'on notait que 6 à 10 % des élèves soit 970 000 d’entre eux n’avaient aucun contact avec leurs enseignants pendant le confinement en mars, en ce premier trimestre 2021/2022, ils ont tout fait pour maintenir le contact avec les élèves; ce qui n'a pas empêché que beaucoup ont, malgré tout, décroché.


Mais cette année scolaire pour les jeunes Guadeloupéens, au tiers de son déroulé, a déjà multiplié les impacts. Retardée en raison des effets de la 4ème vague Covid, puis organisée en demi-jauges, elle a ensuite été interrompue par le mouvement social, avec plus ou moins d'impacts pour chaque établissement scolaire selon son lieu d'implantation et la provenance de ses personnels et des élèves. 
De fait, cette dernière cause est probablement celle qui aura le plus marqué les élèves tout âge confondu. Elle les a plongés dans une réelle crise d'incertitudes, d'impossibilité de voir l'avenir et, pour beaucoup, elle a contribué à développer de véritables crises d'angoisses avant de conduire certains d'entre eux dans les cabinets de psychologues.


Parce que, bien loin d'être angoissés par la situation sanitaire à laquelle ils semblent même s'être habitués, au point, pour certains de préférer les cours en distanciel, bien loin aussi de craindre le vaccin comme les adultes, parce que beaucoup se conforment très simplement à l'avis de leurs parents, c'est la crise sociale et les nombreuses images qu'ils en ont reçues et vues, qui les a le plus affectés.

J'entends souvent dans les paroles des gens qu'ils font tout cela pour la jeunesse... mais j'ai beaucoup de mal à le croire parce que, pour l'instant, je crois que c'est mon année scolaire qui est en jeu et ça, ils n'en parlent pas

 

Geffrey, élève au lycée Baimbridge, Les Abymes

 

Une revue spécialisée notait que "50% des étudiants ont déclaré être inquiets pour leur santé mentale (Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale décembre 2020). En septembre dernier, l'Observatoire de la vie étudiante avait aussi comptabilisé 31 % des étudiants ayant "présenté les signes d'une détresse psychologique"

Le mot de la fin, c'est un professeur de philosophie qui l'aura. Jetant un regard sur la situation et avec une pensée qui se sera donnée le recul nécessaire, après une longue inspiration, l'enseignant dit : 

Un athlète ne progresse que face aux obstacles. A chaque nouvel obstacle, il apprend à se dépasser. Face à toutes ces difficultés, beaucoup de nos élèves vont apprendre l'effort et c'est sûr, face aux mêmes échéances scolaires et universitaires, ils feront mieux que beaucoup !

 

C'est peut-être ce qu'on peut souhaiter à tous les élèves de cette académie, tout en mesurant la hauteur du handicap que cette année scolaire a dressé sur leur parcours.