Après la rumeur d'une pétition demandant d'interdire l'accès a une voiture à pain dans un quartier de Bouillante, beaucoup se sont exprimés afin de soutenir ce qu'ils considèrent comme faisant partie de nos us et coutumes. Le transport du pain est une activité centenaire en Guadeloupe.
Depuis plusieurs jours, impossible d'échapper au buzz de la voiture à pain... Tout est parti d'un post sur les réseaux sociaux faisant état d'une pétition lancée par des résidents de la ville de Bouillante pour interdire l'accès de leur quartier aux voitures à pain... Trop bruyantes... Trop tôt le matin...
Il n'en fallait pas plus pour que de nombreux internautes prennent position, et défendent ce qu'ils considèrent comme une atteinte à nos us et coutumes.
Il ne faut pas toucher aux us et coutumes du pays
Très rapidement, sur les réseaux sociaux, une véritable levée de bouclier de nombreux Guadeloupeens est née, suite a cette rumeur de pétition. Rumeur chaque jour étoffée. Mais, après plusieurs jours, aucune pétition n'a été retrouvée. Aucune pétition n'a été portée a l'attention du maire de Bouillante, Thierry Abelli. Et aucune plainte n'a été déposée.
Toutefois, toute cette affaire a été l'occasion pour beaucoup de Guadeloupéens d'afficher une solidarité et de défendre notre mode de vie. De l'humoriste et comédienne Laurence Joseph, a DJ Willer, disc jockey bien connu chez nous, ils sont nombreux a avoir pris la parole, fustigeant ceux qui ne respectent pas les us et coutumes du pays.
Le pain, produit de luxe devenu essentiel du quotidien
Si elles ne sont pas exclusives au pays, les voitures a pain ne sont pas légion sur le territoire francais. Mais dans l'archipel, "le phénomène de transport du pain est un fait ancien, en particulier dans les campagnes", indique Raymond Boutin, historien. Pourtant, le pain s'est imposé tardivement en Guadeloupe, car c'etait un produit de luxe. "Au départ, nous sommes d'une autre civilisation. Nous sommes d'une civilisation qui consomme du manioc, des produits vivriers. Le pain s'est installe au fur et a mesure".
Le transport du pain, une activité centenaire
Et en Guadeloupe, l'activité de transporter le pain vers les gens date d'un siècle environ. "Elle est liée à la disparition des fours à pain. La vente du pain en se déplaçant est liée a ce changement. Par exemple, au départ, le pain était vendu au poids. Les miches de pain étaient coupées et vendues ainsi. Quand la baguette a été inventée, et chez nous, le banneton, il est devenu plus facile de transporter le pain". Et a travers les âges, differents moyens ont été utilisés pour transporter le pain. A pied, a dos d'âne comme la porteuse de pain (photo d'illustration), ou en petite charette.
Année après année, l'activité évolue et apres l'âne, vient l'automobile. Dans les années 50, raconte l'historien, il y avait 2 grandes boulangeries à Morne-à-l'Eau : la boulangerie Corbin et la boulangerie Pilade.
Monsieur Corbin faisait distribuer son pain par un employe, à bord d'un triporteur (photo d'illustration). Il mettait le pain à l'arrière et passait dans les quartiers.
Monsieur Pilade, lui avait son propre véhicule et faisait aussi la tournee pour distribuer son pain.
Encore aujourd'hui, il existe deux categories de transporteur de pain. Le boulanger qui fait son circuit et celui qui a monté son business, qui va se ravitailler aupres d'une boulangerie et distribue le pain à son compte.
Un soutien aux petits métiers
Et c'est en pensant à ces personnes qui travaillent au plus près de nous, que bon nombre d'internautes ont souhaité afficher leur soutien. Car au delà des voitures à pain, c'est notre mode de vie qui est défendu. D'autant plus que les Guadeloupéens consomment ainsi depuis longtemps, rappelle Delphine Tinval, sociologue. Car, il y a encore quelques années, "il y avait aussi la voiture à viande, la voiture à légumes, le marchand de matelas", explique la sociologue. Des commercants qui pratiquaient déjà une forme de livraison à domicile, en amenant directement leurs produits à leurs clients.
Pour elle, la levée de bouclier est tout à fait normale. Derrière la voiture à pain, il y a la symbolique des petits métiers et du dur labeur.
Delphine Tinval, sociologue
Revoir le module Moun consacré a Christian Vélayoudom, vendeur de pain :