Le blocage de la Chambre d’agriculture de la Guadeloupe entraîne de multiples conséquences

"Nou pé ké lagé" ("On ne lâchera pas !"), est-il inscrit sur le carton positionné sur le portail de la Chambre d’agriculture de la Guadeloupe, par le LCDM, qui dit faire entendre "la voix des sans voix" - Oct. 2024.
Après plus de deux semaines de blocage du siège de la Chambre d’agriculture, les conséquences sont palpables. Par exemple, habituellement, au quotidien, une cinquantaine d’éleveurs se rend au service de déclaration des animaux ; un service qui, comme les autres, est actuellement inaccessible. L’entrave est mise en place par un collectif, mobilisé pour défendre des agriculteurs qui se disent victimes d'"injustices foncières".

Cela fait déjà plus de deux semaines que l’accès à la Chambre d’agriculture de la Guadeloupe est bloqué par le Collectif de défense mobile (LCDM). Les militants sont, depuis plusieurs mois, en conflit avec la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), au sujet de l’attribution de terrains à des agriculteurs. Un cadenas a été posé le 26 septembre dernier, sur le portail des locaux du siège, à Convenance (Baie-Mahault).

Ce mouvement n’est pas sans conséquences. Les quelque 50 salariés exerçant sur ce site ne peuvent rejoindre leur poste de travail. Et, chaque jour, environ cent agriculteurs ne peuvent être reçus, pour effectuer leurs démarches réglementaires, notamment en matière d’élevage, concernant l’identification des animaux.

Des éleveurs en souffrance

La Chambre d’agriculture n’est plus en mesure, depuis plus de 15 jours, d’assurer sa mission de service public, pour ce qui est de l’identification des animaux d’élevage. Il s’agit pourtant d’une obligation, qui relève du Code Rural et qui est gérée par l’Etablissement départemental de l’élevage (EDE), un service de l’institution consulaire. Les éleveurs de bovins, par exemple, doivent déclarer chaque naissance dans un délai de sept jours.
Il existe, certes, Boviclic, un logiciel permettant d’effectuer ces démarches via internet, mais seuls 10% des détenteurs d’animaux de l’archipel utilisent cet outil. 90% des déclarations de naissance se font donc sur papier : l’éleveur dépose le formulaire daté et signé à la Chambre (ou dans sa boîte aux lettres), puis l’EDE doit saisir le document dans deux bases de données : l’une locale, l’autre étant la Base de données nationale d’identification (BDNI).
C’est cette saisie qui permet d’établir le passeport du bovin et de délivrer les deux boucles d’identification, fixées aux oreilles de l’animal.

Or, depuis le 26 septembre, aucune naissance n’a pu être enregistrée.
D’autant que le blocage à Convenance est intervenu en pleine grève à EDF-PEI, avec ses délestages. Il fallait couper, chaque soir, le serveur informatique de la Chambre, pour le mettre en sécurité. Impossible, depuis, d’entrer dans les locaux pour le relancer. Donc, même à distance, en télétravail, les agents de l’EDE ne peuvent agir.

Cette situation est "pire que pendant le Covid-19" de l’avis des professionnels qui pâtissent de cette situation ; à l’époque, un service minimum était assuré.

En temps normal, une soixantaine d’éleveurs en moyenne se rendent chaque jour dans les locaux de Baie-Mahault. Les antennes de la Chambre au Moule et à Marie-Galante fonctionnent, elles, mais sans le serveur ; elles n’ont pas d’accès à la base de données. Le nombre de bovins non identifiés va donc augmenter en Guadeloupe, au détriment de la traçabilité des animaux et de leur viande.

Des personnels à bout

Le personnel de la Chambre est de plus en plus exaspéré par cette situation. Une réunion par visioconférence a eu lieu hier matin (vendredi 11 octobre 2024), entre le directeur général et les agents, pour trouver des solutions. Mais tous n’étaient pas en mesure de se connecter.
La Chambre d’agriculture de la Guadeloupe compte au total 62 agents, dont une cinquantaine affectée au siège de l’établissement, à Baie-Mahault.
S’agissant des missions d’accompagnement technique des agriculteurs, les techniciens continuent de se rendre sur le terrain.

Enfin, ce blocage a d’autres conséquences : les formations prévues sur le site ont dû être reportées, notamment pour le Certiphyto (attestation obligatoire pour pouvoir acheter et utiliser des produits phytosanitaires) et les exploitants installés en Groupement foncier agricole (GFA) ne peuvent venir payer leur fermage.