Le dossier du chlordécone pourrait rebondir, le Parlement européen veut faire reconnaître le crime d’écocide

Plantation de bananiers en Guadeloupe à Capesterre-Belle-Eau en 2012
Le dossier du chlordécone pourrait évoluer avec une proposition du parlement européen. Les députés européens plaident pour la création d’un crime d’écocide, que chaque Etat membre retranscrirait dans leur droit interne. Si cette proposition est adoptée, elle pourrait renforcer la répression des crimes et délits environnementaux. De quoi, peut-être, changer la donne dans le dossier du chlordécone.

Cette proposition des députés européens pourrait relancer le dossier de la pollution au chlordécone en Guadeloupe et Martinique.

Le Parlement européen a appelé mercredi (29 mars 2023) à allonger la liste des crimes environnementaux et à durcir l'arsenal des sanctions, dans un texte qui sera désormais négocié avec les Etats membres et pourrait ouvrir la voie à la reconnaissance de l'"écocide" dans le droit de l'UE.

La date de la découverte de l'infraction, point de départ

Les élus souhaitent que chaque Etat membre retranscrive cette incrimination dans leur droit interne. Si cette proposition est adoptée, elle pourrait renforcer la répression des crimes et délits environnementaux. De quoi, peut-être, changer la donne dans le dossier du chlordécone.

Mais rien n'est acquis... Si les Etats européens adoptent le texte sur le crime d'écocide présenté par le parlement de l'UE, cette notion fera alors son entrée dans le droit français. 

Un changement qui pourrait bien avoir des conséquences, notamment sur le scandale sanitaire et environnemental du chlordécone aux Antilles. 

Ce pesticide répandu massivement en Guadeloupe et Martinique pendant plus de 20 ans sur les bananiers, grâce à des dérogations, alors que son impact sur la santé était connu. 

Les Antillais réclament réparation. Des associations ont porté plainte... Mais après 20 ans d'instruction, la Justice a prononcé un non-lieu, le 5 janvier 2023. Elus et habitants dénoncent un déni de justice et des parties civiles ont décidé de faire appel. 

Selon Marine Izquierdo, avocate et membre du bureau du conseil d'administration de l'association "Notre affaire à tous", la subtilité est le point de départ de l'infraction dit "glissant", à savoir la découverte de l'infraction.

Dans l'affaire du chlordécone, c'est le cas. Les conséquences environnementales et sanitaires ont été découvertes des années après l'infraction, c'est-à-dire après le début de l'épandage du produit sur les bananeraies.

Ce laps de temps très long était jusque là un frein à la Justice, mais si texte sur l''écocide est adopté par la France, cela ne sera plus un problème. Il pourrait bien changer le verdict.

Des sanctions sévères voulues par les eurodéputés

Surtout, les eurodéputés veulent sévèrement sanctionner les contrevenants: "Les infractions entraînant la mort ou des atteintes à la santé et des dommages environnementaux importants" seraient passibles d'une peine d'emprisonnement d'"au moins dix ans", tandis que les autres seraient punies de quatre à six ans de prison.
Les entreprises en infraction, y compris par négligence, se verraient infliger des amendes représentant au moins 10% de leur chiffre d'affaires mondial sur les trois exercices précédents --contre 5% seulement proposés par la Commission. Elles pourraient être privées de financements publics et seraient tenues de réparer les dommages et d'indemniser les victimes.
Les firmes européennes pourraient également être sanctionnées pour des infractions environnementales commises hors de l'UE.

Au-delà des crimes listés, une clause vise de façon générale toute "infraction pénale environnementale causant des dommages graves et étendus ou durables ou irréversibles à la qualité de l'air, du sol ou de l'eau, ou à la biodiversité, aux services et fonctions des écosystèmes, aux animaux ou aux plantes", enjoignant aux Etats de les considérer comme "un crime d'une gravité particulière, et à les sanctionner comme tels".

Si cette clause était maintenue, "les États membres devront reconnaître l'écocide dans leur droit national" et, comme les Vingt-Sept "représentent 40% des Etats parties à la Cour pénale internationale, cela pourrait entraîner un effet cliquet pour condamner l'écocide au niveau mondial", selon elle.