La SARL Société Hôtelière Karukera, propriétaire et gestionnaire de quatre établissements en Guadeloupe, dont la Créole Beach et La Toubana, est en train de s’implanter en Martinique.
L’entreprise guadeloupéenne, qui fait partie du groupe indépendant Leader Hôtels, créé en 1986 par Patrick Vial-Collet et Daniel Arnoux (co-associés et actionnaires à parts égales), vient d’acheter l’hôtel La Batelière à Schoelcher.
Liquidation et cession
Ouvert en 1970, l’ancien fleuron de l’industrie touristique martiniquaise avait été placé en redressement judiciaire le 6 août dernier, et ce pour la troisième fois.
Depuis le 24 août, l’hôtel est fermé au public, pour des raisons de sécurité.
Le 18 octobre, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a donc retenu l’offre de la société Karukera. Il a aussi autorisé le licenciement économique des 55 employés titulaires, et prononcé la liquidation judiciaire de la SA Caraïbes Investissements, appartenant au groupe Monplaisir, qui détenait et gérait La Batelière. Ce dernier a annoncé, le 21 octobre, son intention de faire appel du jugement. Même décision de la part des employés de l’hôtel, qui avaient eux aussi déposé un projet de reprise, à travers une SCOP (société coopérative et participative). Ces salariés ont d’ailleurs décidé d’occuper l’établissement, pour montrer leur détermination.
Deux projets écartés
Le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a mis en avant l’aspect financier dans sa décision. La juridiction a d’abord rejeté la demande de maintien de la période d’observation, sollicitée par la SA Caraïbes Investissements. Les juges ont estimé que le désormais ex-propriétaire de l’hôtel était dans l’impossibilité d’assurer lui-même le redressement de l’entreprise. Les prêts bancaires mis en avant n’étaient pas garantis, estime le tribunal, ou seraient intervenus trop tard pour pouvoir payer les salaires d’octobre et novembre 2024, et réaliser les travaux de mise en conformité électrique et incendie permettant de rouvrir d’ici janvier prochain 50 à 70 chambres (selon la projection du groupe Monplaisir), sur les 190 que compte l’hôtel.
La juridiction n’a pas retenu non plus l’offre de reprise de la SCOP "Batelière Nouvelle génération", qui prévoyait certes le maintien des 55 contrats de travail, mais sans financement garanti, là non plus, et avec un rachat de l’hôtel à "1 euro symbolique", "pas suffisamment sérieux au regard de la valeur de l’entreprise", note le tribunal.
Le projet de la Société hôtelière Karukera est financé, cohérent et viable.
Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France - jugement du 18 octobre 2024
Montant de la cession : 5 millions d’euros
Le plan de cession déposé par la Société Hôtelière Karukera est donc apparu le plus sérieux, aux yeux du tribunal de commerce. L’entreprise guadeloupéenne ne proposait pourtant que 2 millions d’euros, dont 1,6 M€ pour le rachat des actifs immobiliers et biens incorporels de l’hôtel La Batelière, et 400 000 euros pour l’aide au reclassement des salariés permanents.
Mais la société a combiné son offre avec celle de la SARL CASBAT, d’Henri Ernoult, propriétaire du casino voisin de l’hôtel, et qui ajouté la somme de 3 M€, en achetant une parcelle attenante d’un hectare, sur laquelle il n’installera pas de projet concurrent.
Les deux offres de cession partielle sont apparues comme compatibles et aboutissent ainsi à un montant total de rachat de 5 M€, ce qui représente la moitié du passif de La Batelière.
Toutes les dettes ne pourront donc pas être remboursées, d’où la mise en liquidation judiciaire.
Plus d’1 million d’euros de bénéfice
Plus que le montant de la cession, c’est surtout la viabilité du projet de reprise qui a joué, à lire le jugement du tribunal.
La société Karukera, qui sera le seul gestionnaire de La Batelière, prévoit au moins 30 millions d’euros pour rénover totalement l’hôtel, dont la vétusté générale est admise de tous. Cette reconstruction, a priori sans démolition totale, nécessite 24 à 36 mois de travaux, durant lesquels l’établissement restera fermé, ce qui explique le licenciement économique des employés. À la réouverture de l’hôtel, le repreneur planifie l’embauche de 120 à 130 personnes, pour atteindre jusqu’à 160 salariés à terme.
L’investissement sera financé par 5 M€ de fonds propres et 32 M€ de prêts bancaires, dont 17 millions d’avances sur aides publiques.
L’acquéreur s’engage à exploiter l’hôtel pendant au moins 15 ans, comme l’impose le recours à la défiscalisation.
Le tribunal met en avant, "l’expérience, la solidité et la bonne gestion" de la société Karukera, qui a réalisé près d’1,1 M€ de bénéfice en 2021 et plus d’1,2 M€ en 2022.
La Société Hôtelière Karukera fait partie d’un groupe qui connaît le secteur de l’hôtellerie et qui a fait la preuve de sa solidité et de son expérience, avec une connaissance de son environnement géographique. Cette bonne gestion transparaît dans l’exploitation directe des entreprises, étant propriétaire de ses hôtels et restaurants, et ne recourant pas à la sous-traitance, assurant la maîtrise de son chiffre d’affaires et son engagement, avec a stabilité de ses projets sur du long terme.
Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France
Deux autres projets en Martinique
Ce n’est pas la première fois que l’entreprise gérée par Patrick Vial-Collet investit en Martinique. En 2020, elle a racheté, sur le site de la Pointe du Bout aux Trois-Ilets, le terrain en friche où se trouvait l’ex-hôtel Méridien, devenu Kalenda, fermé en 2008 et démoli en 2017. Un rachat effectué par un consortium d’investisseurs, dans lequel Karukera est majoritaire. Elle va y construire, pour 67 millions d’euros, un hôtel 5 étoiles. Avec un projet parallèle : un investissement de 21 M€ pour un établissement 4 étoiles, sur un petit terrain voisin, acheté en 2022 à la CCI de la Martinique.
Les deux chantiers vont démarrer en mai 2025, pour une ouverture prévue fin 2027.
La Société Hôtelière Karukera, qui exploite tous ses établissements en gestion directe, a développé une stratégie similaire pour la commercialisation et la promotion de sa gamme de services, en mutualisant cette activité sous le label "Des hôtels et des îles". Elle avait donc intérêt à disposer d’un deuxième site en Martinique, en l’occurrence celui de La Batelière, qui à sa réouverture, sera un hôtel 4 étoiles.
L’entreprise pourra ainsi proposer des offres complémentaires : pour une clientèle essentiellement d’affaires à Schoelcher et de loisirs aux Trois-Ilets.
Un hôtel 5 étoiles à Saint-François en 2028
Le groupe poursuit aussi son développement en Guadeloupe, puisqu’il a acquis cette année le site de l’ex-Méridien à Saint-François, à proximité du terrain de golf, en association avec la SEMAG et la SEM patrimoniale. Il va y démarrer l’an prochain la construction d’un hôtel de luxe, pour 90 M€, le plus gros investissement parmi les projets de la société. L’ouverture est prévue en 2028.
Ce sera le deuxième hébergement 5 étoiles de Guadeloupe, avec La Toubana, distinguée depuis 2019. L’hôtel de charme de Sainte-Anne fut le premier créé par le groupe il y a 42 ans, suivi de la Créole Beach (4 étoiles), il y a 38 ans.
En y ajoutant Le Mahogany, sur le même site au Gosier, et Le Jardin de Malanga (4 étoiles) à Trois-Rivières, les quatre établissements des associés Arnoux et Vial-Collet représentent environ 10% du parc hôtelier local et plus de 700 emplois.