Ce fut le début du mouvement... Le 24 avril dernier, 14 hommes soupçonnés d'être des membres de gangs ont été lapidés puis brûlés vifs par des habitants du quartier Canapé-Vert. Des exécutions, point de départ d'un phénomène "d'autodéfense", lancé afin que la peur change de côté, expliquait un habitant, ce jour-là.
Nous allons nous défendre... Nous n'allons plus fuir...
Habitant de Canapé-vert, Port-au-Prince, Haïti, le 24 avril 2023
Les gangs existent en Haïti depuis plusieurs années déjà. Mais depuis deux ans et l'assassinat du président Jovenel Moïse, en juillet 2021, ces groupes armés sèment la terreur dans quasiment tous les quartiers de la capitale, Port-au-Prince. Une violence qui s'étend progressivement à tout le pays.
Une baisse de la violence selon le CARDH
Pour le Centre d'analyse et de recherche en droits de l'homme d'Haïti, le mouvement Bwa kalé est "une réaction populaire face à la cruauté extrême des gangs, car les forces de l’ordre sont impuissantes, l’État est incapable d’user de son monopole de (la) violence légitime et l’international "tourne en rond" et s’enlise dans la rhétorique promesses".
Certains se disent lassés d'attendre que la communauté internationale intervienne. Ils ont choisi de s'armer. D'autant plus que "la police d'Haïti n'est pas en mesure actuellement de défendre la population et donc les gens se défendent eux-mêmes", confiait Maria Isabel Salvador, émissaire spéciale de l'Organisation des Nations unies en Haïti à TV5 Monde, début juin.
Selon l'organisation, depuis le début du mouvement, plus de 160 membres de gangs présumés ont été ainsi pourchassés, lynchés et brûlés vifs dans tout le pays. Avec comme conséquence, une diminution "drastique" du nombre d'enlèvements, des tueries et des viols, indique le CARDH, chiffres à l'appui.
Au mois de mai, 43 homicides ont été recensés contre 146 en avril, précise l'association locale.
Des promesses de représailles
Le Centre d'analyse et de recherche en droits de l'homme craint aujourd'hui des "répliques des gangs". Il estime qu'elles pourraient être "pires que les atrocités précédant le bwa kale".
Une crainte justifiée... Dès le mois de mai, sur les réseaux sociaux, plusieurs chefs de gangs ont menacé les membres du mouvement de représailles. Le gang "5 secondes" a d'ailleurs commis un véritable massacre à Sources matelas, durant le mois, contre des membres de la brigade de citoyens. Une quarantaine de meurtres, des personnes disparues... Le chef de ce gang a notamment déclaré qu'il lancerait le mouvement "Zam palé" (les armes parlent), selon France 24.
La police et le gouvernement dépassés selon la population
Le CARDH émet des recommandations pour une "sécurité durable": donner davantage de moyens à la police, mais également rétablir les insitutions. Le pays connaît une instabilité politique depuis l'assassinat de Jovenel Moïse. A la tête d'un gouvernement décrié, le Premier ministre Ariel Henry, tout autant critiqué, cristallise le mécontentement de la population qui réclame son départ et la tenue d'élections présidentielles.
Ce dernier s'est exprimé sur le mouvement bwa kalé, demandant à la population de ne pas se faire justice et de coopérer avec les autorités.
Je demande à mes compatriotes malgré la souffrance infligée par les bandits, de rester calme.
Ariel Henry, Premier ministre haïtien
Un appel qui n'a pas été entendu...
En dépit des alertes de l'ONU à la communauté internationale, en vue de rétablir l'ordre et la sécurité, le pays semble livré à lui-même. Récemment, une rencontre entre leaders de la CARICOM (la Communauté caribéenne) à la Jamaïque sur la situation en Haïti s'est soldée par un échec.