Selon le protocole d’engagement du 15 mai, sur l’avenir de la sucrerie-rhumerie de Grande-Anse à Marie-Galante, l’usine peut être modernisée, pour ses besoins en énergie, sans être couplée à une centrale de cogénération, comme le prévoit pourtant l’accord de 2018.
Le projet de centrale thermique prévue à Marie-Galante est-il en passe d’être abandonné ? Oui, s’il on en croit le « protocole d’engagement de remise en état de fonctionnement, de réparation et de modernisation de la sucrerie-rhumerie de Grande-Anse », document signé samedi 15 mai par tous les acteurs du dossier, dont le préfet, les élus, la SICAMA et les dirigeants de la SRMG eux-mêmes.
Un projet initié en 2008
Pour faire tourner ses moulins et cuire son jus, une sucrerie a besoin à la fois d’électricité et de vapeur. L’usine de Grande-Anse est la seule, outremer, à fonctionner encore avec une chaudière, qui, en brûlant sa bagasse, fournit cette double énergie. Une chaudière ancienne, et donc souvent en panne. D’où l’option d’externaliser cette production d’énergie, en adossant à l’unité sucrière, une centrale électrique thermique, dite « de cogénération », c’est-à-dire qui, à partir d’une seule source, fournit électricité et chaleur. Le projet date de 2008, et pendant douze ans, il a été soutenu par l’Etat, qui chaque année, verse à la SRMG une subvention d’équilibre, dans la perspective de cette modernisation de l’outil industriel.
L’Etat exige une rénovation et une mise aux normes
Douze ans, et toujours rien... Il est vrai que le projet, porté par Albioma, a dû être revu plusieurs fois, jusqu’à sa dernière version actée en avril 2018 : ce sera une petite centrale biomasse de 6,5 MW, qui tournera uniquement à la bagasse, et qui devra être opérationnelle en 2022. Or, les travaux n’ont jamais démarré. D’où la colère, début 2021, des administrateurs de la Sucrerie-Rhumerie de Marie-Galante, rejoints par un « Collectif pour la sauvegarde de l’usine et le maintien de la filière canne », qui bloque, à partir du 23 février, le lancement de la récolte, en réclamant des garanties sur l’avenir de l’unité, lequel, selon le collectif, "ne peut s'envisager sans la centrale électrique".
Tous interpellent le préfet. Car dans la dernière convention, signée en décembre entre la SRMG et le préfet, pour la subvention 2020, le projet de centrale thermique a totalement disparu. L’Etat impose au contraire de nouvelles conditions au versement de son soutien financier : pour percevoir l’aide d’1,6 million d’euros au titre de la campagne 2020, l’usinier doit fournir au ministère de l’Agriculture (avant le 27 avril) un plan global de rénovation de l’outil sur la période 2021-2024, incluant sa mise aux normes environnementales (traitement des effluents aqueux), mais aussi le « renouvellement de la chaudière et des équipements de production d’électricité », autrement dit une chaudière neuve. La SRMG, qui évalue à environ 30 M€ le montant total des investissements demandés, estime ne pas être en mesure de tenir de tels engagements.
Après un mois de mobilisation du collectif, une table-ronde se tient le 16 mars à Marie-Galante. Dans leur relevé de décisions, les élus, la SRMG et la SICAMA entendent "défendre auprès de l’Etat la mise en oeuvre du protocole signé le 10 avril 2018 sur la construction d'une centrale de cogénération de 6,5 MW, répondant aux besoins énergétiques de la SRMG". Et la Région s’engage alors à verser aux planteurs marie-galantais l’équivalent de la prime bagasse, à compter de 2021, et jusqu’à la réalisation effective de cette centrale thermique.
Moderniser sans la centrale bagasse
Survient l’incident du 14 avril : la grosse casse sur la chaudière de l’usine. Il faudra, on le sait, dix mois de travaux et 1,8 million d’euros pour réparer ce générateur de vapeur. Les actionnaires de la SRMG se sont engagés à le remettre en état d’ici février 2022. Ils l’ont confirmé dans le protocole du 15 mai. Le chantier doit démarrer en juin. Mais le document évoque aussi le plus long terme et donc la modernisation de la production d’énergie. Et l’article 4 est clair : « pour maintenir l’usine en activité, la solution la plus efficiente, après discussion avec les acteurs du territoire et l’étude des différents scénarios, serait une modernisation de celle-ci, sans y adosser une centrale de cogénération ». Cela signifie que l’électrification de l’unité sucrière, qui était déjà prévue, affirme la SRMG, se ferait en interne, comme le laissait entendre l’Etat dans la convention du 30 décembre 2020…
Une mission d’inspection générale
Combien d'années faudra-t-il ? Le plan de financement de ce programme d'investissements (chiffré, rappelons-le, à 30 M€), va impliquer la SRMG, la Région, le Département et les fonds européens. Mais comment sera fournie la vapeur ? Que deviendra la bagasse ? Et surtout, sans centrale thermique pour valoriser ce combustible, les planteurs marie-galantais voient s’envoler la perspective de toucher eux aussi la prime bagasse. Les acteurs envisagent une compensation, via le reliquat de l’aide au prix de la canne, versée par l’Etat, plus un complément éventuel de la Région. Alors, la survie et la pérennisation de l’usine de Grande-Anse sont-elles possibles sans cette centrale de cogénération ? Une mission d’inspection générale va être lancée par l’Etat, afin de déterminer, avec tous les acteurs, le modèle industriel le mieux adapté pour assurer l’avenir de la sucrerie et de la filière canne à Marie-Galante, avec des conclusions annoncées d’ici juillet. Cette mission était en fait déjà programmée, avant la casse sur la chaudière…